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La xylazine, substance dangereuse appelée drogue «zombie» ou «tranq», est normalement utilisée dans les tranquillisants pour animaux, mais est parfois prisée par les usagers de drogues dures.
La Direction régionale de santé publique (DRSP) de Montréal lance un appel à la vigilance. On note une augmentation de la présence de xylazine, une substance dangereuse appelée drogue «zombie» ou «tranq», normalement utilisée dans les tranquillisants pour animaux.
Les résultats préliminaires du Projet suprarégional d’analyse de drogues dans l’urine des personnes qui consomment au Québec confirment que les consommateurs de drogue sont désormais exposés de manière «significative» à la xylazine sur le territoire montréalais.
Dans les faits, des traces de la substance ont été trouvées dans au moins 5% des 300 échantillons prélevés à l'automne 2022. «Dans les échantillons d’urine où la xylazine a été détectée, il y avait systématiquement présence concomitante de fentanyl ou de ses dérivés», ce qui augmente le risque de surdose chez la personne qui la consomme.
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On indique que les échantillons où de la xylazine a été localisée sont «fortement associés» à d’autres produits nocifs, notamment le carfentanil, un opioïde environ 100 fois plus puissant que le fentanyl, ainsi que du métonitazène, un autre opioïde de synthèse de puissance équivalente au fentanyl. On souligne aussi la présence de benzodiazépines non commercialisées au Canada – des mélanges qualifiés de «préoccupants» par la santé publique de Montréal.
Noovo Info est allé dans la rue pour sonder la réaction des toxicomanes qui se tiennent sur la rue St-Catherine non loin du métro Beaudry, dans le village.
Une consommatrice de crack a accepté de se confier. Elle avoue avoir peur que la zombie dope se retrouve dans sa drogue ou de s’en faire donner à son insu.
«Un, on est dévisagé; deux, on peut en mourir. Je tiens à la vie encore, je suis encore jeune. Il y en a dans tout», a-t-elle déclaré.
Elle dit vérifier sa drogue du mieux qu’elle peut chaque fois qu’elle consomme. Elle explique que c’est détectable dans l’apparence du produit: elle s’assure de «la clarté de la roche, elle est plus claire», décrit-elle.
La médecin Carole Morissette qui travaille à la direction de la Santé publique de Montréal a réagi à la crainte de la toxicomane. «Nous, on n’a pas pu confirmer la présence de xylazine dans le crack. Dans les drogues qui ont été saisies, c’était surtout sous forme de comprimés ou de poudre, associés à du Fentanyl ou des benzodiazépines.»
Voyez le récapitulatif de Véronique Dubé dans la vidéo.
Développée dans les années 1960 et utilisée en médecine vétérinaire comme sédatif, la xylazine se retrouve essentiellement sous forme de poudre, mais également en comprimés. Lorsque prise de manière régulière, elle peut causer de sérieux problèmes cutanés comme des abcès, des ulcères nécrotiques ainsi que des infections des tissus mous.
En cas d'intoxication, une personne peut être sujette à un ralentissement de sa fréquence cardiaque, une baisse de sa pression artérielle et une somnolence importante. On a constaté une diminution ou l’absence de réponse aux stimuli, des difficultés à respirer pouvant mener jusqu’à l’arrêt respiratoire ainsi que de l'hyperglycémie. On rapporte aussi des périodes prolongées d’altération de l’état de conscience.
Puisque la xylazine est un sédatif et non un opioïde, la naloxone ne permet pas de renverser une surdose. Cependant, compte tenu des «effets similaires» entre la xylazine et les opioïdes, on recommande tout de même l’administration de naloxone aux personnes présentant des signes de surdose. Les autorités sanitaires demandent d’ailleurs la collaboration des cliniciens du réseau de la santé pour «signaler dans les meilleurs délais tout cas présumé de surdose».
À ce jour, il n'existe aucun antidote pharmaceutique précis à la xylazine, dont la présence est en augmentation à l'échelle du pays.
Repérée sur les marchés illicites de la drogue pour la première fois en 2012 par les autorités canadiennes, la xylazine est ajoutée à de nombreuses drogues comme le fentanyl, mais aussi à la cocaïne, l'héroïne et la méthamphétamine. Les personnes qui consomment ces drogues pourraient donc être involontairement exposées à la substance.
Elle tient le nom de drogue «zombie» en raison d’effets dévastateurs qu’elle peut avoir sur le corps humain, particulièrement sur la peau. L’utilisation fréquente de la xylazine peut entraîner des abcès et des plaies. Dans les cas les plus extrêmes, une personne peut avoir à se faire amputer de membres comme des doigts, ou même des jambes ou des bras. On l'appelle aussi «tranq», comme elle est utilisée dans les tranquillisants pour animaux
Un «apport en oxygène réduit dans le sang entraîne une nécrose des cellules cutanées et provoque des plaies», a expliqué Jean-Sébastien Fallu, professeur en psychoéducation à l’Université de Montréal, dans un entretien avec Noovo Info en janvier 2023. «Cliniquement, on observe des plaies assez impressionnantes», avait-il ajouté. M. Fallu plaide par ailleurs pour un meilleur encadrement du marché des drogues afin que les utilisateurs puissent avoir accès à des produits sécuritaires.
Melanie Beddis, une ex-usagère américaine de la «tranq» qui s’est confiée à Noovo Info, a avoué avoir vécu l’impact de la xylazine de plein fouet. Elle relatait avoir eu des plaies causées par sa consommation qui se sont infectées pour finir par se propager sur son corps. Elle en garde aujourd'hui des cicatrices.
Mme Beddis met l'accent sur l’importance de tester les substances pour y détecter rapidement la xylazine et estime qu'il faut davantage lutter contre sa distribution sur le marché noir.
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Ce n'était qu'une question de temps, selon toute vraisemblance, avant que la xylazine ne se retrouve dans les drogues illicites vendues à Montréal. Alors qu'on redoutait son arrivée, la substance faisait déjà des ravages aux États-Unis. La Food and Drug Administration (FDA) signalait en novembre 2022 une augmentation des cas d'effets secondaires reliés à la substance sur le territoire américain. La FDA était particulièrement inquiète des risques accrus de surdose.
La Maison-Blanche est préoccupée par la propagation de la drogue, qui se retrouve maintenant dans de nombreuses villes. Les autorités au sud de la frontière travaillent maintenant à retracer les approvisionnements de la drogue afin de l’empêcher d’entrer dans les communautés et de réagir efficacement lorsqu’elle le fait.
Malgré un portrait incomplet de la situation au Canada, les autorités confirment une hausse de la présence de la xylazine entre 2019 et 2022. Pour l'année 2022, on répertorie 36 cas d'identification de xylazine au Québec, une hausse de 24 cas par rapport à 2021.
Avec des informations d'Anaïs Elboujdaini, Noovo Info