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«Il faut arrêter de dire que ça fait partie de la job de se faire frapper lorsque tu interviens auprès des élèves.»
La Centrale des syndicats du Québec (CSQ) et la Fédération du personnel de soutien scolaire (FPSS-CSQ) lancent (à nouveau) jeudi un cri d'alarme concernant la violence en milieu scolaire. Selon les deux organisations, la violence envers le personnel de soutien scolaire a augmenté de 40 % en moyenne au cours des quatre dernières années.
En compilant les rapports d'incidents et d'accidents — obtenus par une demande d'accès à l'information auprès de 61 centres de services scolaires et commissions scolaires du Québec — la CSQ et la FPSS ont été en mesure de constater que les élèves représentent plus de 96 % des actes de violence envers les membres du personnel des écoles.
Une technicienne en éducation spécialisée, rencontrée par Noovo Info, a témoigné avoir été la cible de deux attaques de ces étudiants en moins de deux mois. La première a été vraiment très violente.
«Il s’est jeté sur moi et mes collègues ont été obligé de faire un code blanc parce qu’il frappait sa tête contre ma tête, il me donnait des coups de poing, il m’a tiré les cheveux et il m’a jeté par terre», explique France, technicienne en éducation spécialisée depuis 22 ans.
«Je faisais une commotion, j’ai eu entorses cervicales, entorses lombaires et plusieurs contusions», a-t-elle ajouté.
Quand France est revenue de sa convalescence, une autre étudiante s’en est prise à elle.
«Une autre de mes élèves avait vu la scène de ma première agression et elle a reproduit la même agression», explique-t-elle.
Voyez le reportage de Véronique Dubé dans la vidéo liée à l'article.
La violence venant d'un ou d'une collègue s'élève à 2,4% alors que pour les parents le taux est de 1% et les supérieurs 0,2%.
«Ces chiffres confirment les échos que nous avons des milieux : les cas de violence sont en hausse. On l’a dit à maintes reprises, nos écoles et nos établissements sont le reflet de la société dans laquelle on vit. Ce n’est pas l’école qui est violente, c’est la société. Il est temps qu’on en prenne conscience collectivement, parce que le fait que le message ne passe pas encore clairement dans la société confirme qu’elle est banalisée et tolérée d’une certaine façon», soutient Éric Gingras, président de la CSQ.
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Toujours selon les données dévoilées par les organisations syndicales, la majorité des actes de violence commis en milieu scolaire sont de nature physique, soit quatre cas sur 5. Environ 15 % des cas de violence dénoncés sont d'ordre psychologique, 5 % en lien avec du harcèlement psychologique et 0,4 % de nature sexuelle.
«Ce n’est que la pointe de l’iceberg, car on sait que les personnes salariées ne déclarent pas toujours ces agressions», soutient Éric Pronovost, président de la Fédération du personnel de soutien scolaire.
Non seulement certaines personnes gardent le silence sur des moments de violence, il semble que les CSS ou CS ne tiennent pas à jour les données sur la violence entre les murs de leurs écoles. La CSQ et la FPSS ont fait savoir qu'ils ont interrogé 72 établissements et qu'ils ont obtenu 61 réponses. Du nombre, 18 centres de services scolaires ou commissions scolaires «n'avaient aucune donnée de compilée.»
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Le personnel de soutien scolaire qui travaille directement auprès des élèves serait les principales victimes des actes de violence : techniciennes et techniciens en éducation spécialisée (TES), éducatrices et éducateurs en milieu scolaire, préposées et préposés aux élèves handicapés et surveillantes et surveillants d’élèves.
En point de presse jeudi, la CSQ et la FPSS ont donné l'exemple d'une TES qui a vécu un moment de violence. Sans donner de détails sur le lieu et le moment de l'agression, ils ont expliqué que la travailleuse avait installé un élève seul dans une classe «pour prévenir qu'il déborde». La TES est restée dans l'encadrement de la porte et parlait avec l'enseignante avec qui elle travaille lorsque le jeune s'est rapidement approché d'elle pour «l'agripper par les cheveux, la fracasser au sol et la tirer jusqu'au fond de la classe». Quatre intervenants auraient été nécessaires pour faire cesser l'agression. «La TES a quitté l'école en ambulance.»
Les deux leaders syndicaux estiment que le gouvernement du Québec doit en faire plus pour contrer la violence dans les écoles de la province.
«Le ministre de l’Éducation a reçu une commande du premier ministre pour mettre en place un plan sur le civisme des élèves, il a aussi promis des solutions pour contrer la violence, tous les signaux d’urgence sont au rouge, que fait-il?», a questionné le président de la Fédération du personnel de soutien scolaire, Éric Pronovost.
Les organisations syndicales proposent plusieurs solutions pour soutenir la lutte à la violence dans les établissements scolaires du Québec. Parmi celles-ci, on retrouve l'instauration d'une politique de tolérance zéro, l'ajout de ressources, l'augmentation du nombre d'intervenants luttant contre la violence, le respect des ratios dans les classes, l'amélioration de la prévention auprès des élèves, des parents, des collègues et des directions, l'offre de formation au personnel sur les façons de prévenir la violence, etc.
Il n’y a pas que la violence envers le personnel des écoles qui préoccupent, mais aussi la violence entre élèves. Les cas de violence, d’intimidation et de bagarres font la manchette régulièrement.
L’an dernier, en octobre 2023, le ministre de l’Éducation Bernard Drainville présentait un plan d’action de 30M$ «afin de prévenir la violence et l’intimidation». M. Drainville avait alors notamment annoncé qu’il documenterait tous les événements de violence et d’intimidation, et ce, «dans le but d’avoir un portrait plus précis de la situation dans les écoles du Québec.»