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Économie

Liquidation de La Baie d’Hudson: des marques retirent leurs produits des magasins

L'entreprise espère conclure la liquidation d'ici le 15 juin.

Le grand magasin de La Baie d'Hudson au centre-ville de Montréal, le lundi 17 mars 2025. Il s'agit de l'un des six emplacements que La Baie espère sauver de la liquidation.
Le grand magasin de La Baie d'Hudson au centre-ville de Montréal, le lundi 17 mars 2025. Il s'agit de l'un des six emplacements que La Baie espère sauver de la liquidation.
Tara Deschamps
Tara Deschamps / La Presse canadienne

Lorsqu’Olivia Glauberzon s’est présentée aux quais de chargement de deux magasins de La Baie d’Hudson mercredi dernier, elle avait des valises en main et comptait les remplir avec ce qu'il restait de produits d’After9, son entreprise de vêtements de sport pour mamans. 

En sortant de sa voiture devant les adresses phares du centre-ville de Toronto et d’Oakville, en Ontario, elle a remarqué qu’elle avait de la compagnie.

 

«Le quai de chargement était rempli de petites voitures comme la mienne, alors j’ai eu l’impression qu’il y avait beaucoup de vendeurs dans La Baie ce jour-là qui faisaient ce que je faisais», témoigne Mme Glauberzon.

Elle voulait récupérer ses vêtements, car elle pourrait en tirer plus en les vendant elle-même plutôt que de les laisser se retrouver dans la liquidation de La Baie d’Hudson.

La ruée vers la récupération des marchandises a eu lieu avant les ventes de liquidation qui ont commencé lundi dans tous les grands magasins, sauf six, de la plus ancienne entreprise canadienne qui s’est placée sous la protection de ses créanciers plus tôt ce mois-ci.

Ces ventes devraient vider la majeure partie des stocks du détaillant d’ici le 15 juin, en offrant des rabais sur une multitude de produits, des vêtements aux articles pour la maison en passant par les cosmétiques.

La Baie d’Hudson n’a pas immédiatement répondu à une demande de commentaires concernant les marques qui ont repris des marchandises de ses 80 magasins La Baie d’Hudson, 13 magasins Saks Off Fifth et 3 magasins Saks Fifth Avenue, qui sont presque tous en cours de liquidation.

Cependant, les avocats du détaillant ont déclaré la semaine dernière devant le tribunal que certaines marques devaient participer à la liquidation, mais que d’autres fuyaient.

Cette vente massive verra les entreprises participantes, qui se retrouveront bientôt avec un point de vente en moins, diminuer leurs revenus sur les marchandises vendues par l’intermédiaire de La Baie d’Hudson. Voir des produits fortement réduits pourrait même déprécier la perception de leur marque par les consommateurs.

C’est pourquoi Elisha Ballantyne, consultante en commerce de détail établie à Toronto et ayant travaillé pour Target, Walmart et Zellers, a estimé que les marques se précipitaient pour reprendre leurs marchandises.

«Si votre entente (avec La Baie) a toujours été que vous ne pouvez pas aller plus loin que ce rabais ou que vous ne pouvez pas baisser le prix de mon produit, alors vous ne voulez pas que cela se produise», explique-t-elle.

Pour les marques qui peuvent se permettre de prendre le risque d’une baisse de prix sur des produits haut de gamme, la question se pose également, selon elle, de savoir si elles seront payées pour les ventes de leurs articles.

Des millions en attente

Les documents déposés au tribunal par la Baie d’Hudson montrent qu’elle dispose d’une liste de 26 pages de créanciers, parmi lesquels on trouve tout le gratin des industries de la mode et des articles ménagers. Des marques comme Ralph Lauren, Columbia Sportswear et Smeg attendent collectivement des millions de dollars.

Hugo Boss Canada est considéré comme débiteur de plus de 3,1 millions $.

Au cours de la fin de semaine, La Presse Canadienne a repéré des mannequins nus et des présentoirs vides dans une section dédiée à la marque de vêtements de luxe pour hommes du magasin au centre commercial Fairview de Toronto.

La semaine dernière, la situation était sensiblement la même à l’adresse phare de Toronto, située à l’angle des rues Yonge et Queen Ouest, qui n’est pas visée par la liquidation.

«Nous suivons bien sûr la situation de très près et sommes également en contact étroit avec La Baie d’Hudson», a déclaré Carolin Westermann, porte-parole d’Hugo Boss, dans un courriel, interrogée sur la disparition apparente de la marque dans les magasins de La Baie d’Hudson.

«Nous vous demandons toutefois de bien vouloir comprendre que nous ne pouvons fournir aucun autre détail pour le moment.»

La marque Estée Lauder devrait également se retirer des magasins La Baie d’Hudson, mais ce retrait semble principalement limité à ses employés.

Un porte-parole du conglomérat de produits de beauté a déclaré que le personnel ne dirigerait plus les comptoirs Mac à compter du 31 mai.

L’entreprise a expliqué que cette décision coïncidait avec le récent dépôt de la demande de protection contre les créanciers de La Baie d’Hudson, mais qu’elle visait à l’aider à se concentrer sur les «canaux de distribution à forte croissance et privilégiés par les consommateurs».

«Nous restons profondément engagés envers nos consommateurs et nos employés au Canada et nous effectuerons cette transition avec le plus grand respect et la plus grande attention pour nos équipes», peut-on lire dans la déclaration.

Estée Lauder figure dans les documents judiciaires comme créancier non garanti de La Baie d’Hudson, auquel elle doit plus de 9,3 millions $. Ce même document indique que sa marque de beauté Tom Ford attend environ 368 900 $, tandis que, pour ses filiales Kilian, Le Labo et Editions du Parfum, il s’agit respectivement d’environ 40 000 $, 32 800 $ et 17 400 $. 

Une dépréciation des produits

Pour les marques, surtout celles qui ont une réputation de luxe, les soldes de liquidation non seulement déprécient leur valeur, mais peuvent aussi nuire aux ventes et aux relations avec les autres détaillants qui vendent leurs produits au prix fort, rappelle Mme Ballantyne.

«Si vous fixez des prix bas et que vous liquidez les produits Kitchen Aid, alors qu’ils sont disponibles chez Walmart, Best Buy et Canadian Tire, cela va vraiment nuire à ces autres détaillants», souligne-t-elle.

En plus de La Baie d’Hudson, la marque de Mme Glauberzon, After9, vendait ses articles en ligne et dans d’autres boutiques.

Elle pensait qu’il était insensé de laisser ses leggings, brassières de sport et camisoles soldés chez La Baie d’Hudson, car non seulement elle pourrait réaliser un profit plus important en liquidant elle-même la marchandise, mais elle «perdrait également le contrôle sur le montant des rabais ou des réductions possibles».

«Le coût unitaire, car ils sont fabriqués au Canada, est de 50 $ (…) alors je peux difficilement gérer une vente à 50 %, et encore moins à 60, 70 ou 80 %», explique-t-elle.

La situation de liquidation de La Baie d’Hudson n’est pas surprenante pour Mme Glauberzon, qui a commencé à vendre ses vêtements à La Baie d’Hudson en 2022, lorsque le détaillant lui a proposé cette occasion.

«C’était tellement excitant. J’ai élaboré un plan d’affaires complet où une grande partie de nos revenus reposait sur la réussite de cette relation avec La Baie», confie-t-elle.

«Je passais tout mon temps sur Queen Street. J’y allais quatre ou cinq fois par semaine, dynamisant le rayon dès que possible.»

L’entreprise torontoise a connu ses meilleures ventes lors d’événements à La Baie, où les mères pouvaient faire une séance photo avec leurs enfants. 

Mais la situation a pris une autre tournure lorsqu’elle a constaté une baisse de fréquentation en magasin. L’employée de La Baie d’Hudson au siège social, qui avait été son agente de liaison au fil des ans, est partie et n’a pas été remplacée.

Alors que son contrat approchait de son terme, elle a tenté de contacter le siège social à plusieurs reprises, mais n’a reçu aucune réponse depuis février 2024, soit il y a plus d’un an.

Elle a laissé ses produits à La Baie, utilisant un modèle de commission où le détaillant versait à After9 un pourcentage des ventes, mais a diminué ses visites et s’est tournée vers d’autres canaux de vente.

«Ce ne sont pas vraiment les revenus qui nous rendent tristes», dit-elle.

«C’est plutôt la perte d’une expérience de magasinage en personne pour les mamans.»

Tara Deschamps
Tara Deschamps / La Presse canadienne