Début du contenu principal.
C’est là la principale conclusion à laquelle en sont venus des chercheurs de l’Université York, de Toronto, qui ont analysé les effets des fermetures complètes et ciblées lors de la première vague de la pandémie en février et mars 2020.
Fermer les frontières à tous les voyageurs étrangers aura «significativement ralenti» la propagation de la COVID-19, contrairement aux fermetures partielles visant les pays où des éclosions étaient rapportées, une mesure qui a eu peu ou pas d’effet.
C’est là la principale conclusion à laquelle en sont venus des chercheurs de l’Université York, de Toronto, qui ont analysé les effets des fermetures complètes et ciblées lors de la première vague de la pandémie en février et mars 2020.
Les résultats de l’étude varient selon que l’on analyse la propagation à l’échelle globale ou domestique dans les pays qui ont fermé leurs frontières complètement ou partiellement et selon les pays eux-mêmes, a précisé le chercheur principal, Mathieu Poirier, lors d’un entretien avec La Presse Canadienne.
Professeur adjoint en épidémiologie sociale et titulaire de la Chaire de recherche sur l’équité en santé globale de l’institution, M. Poirier souligne toutefois que les résultats, publiés lundi dans la revue PLOS Global Health, sont probants dans leur ensemble, bien qu'ils nécessitent d’importantes nuances.
À lire également : Origine de la COVID-19: la Chine dit être «ouverte et transparente» sur la question
Son équipe a analysé les informations disponibles de 166 pays afin de comparer les données de transmission du coronavirus avant et après la fermeture partielle et complète à celles des pays dont les frontières étaient demeurées ouvertes. À l’échelle globale, «la fermeture totale (des frontières) ralentit la transmission mondiale et intérieure», conclut-il.
À l’opposé, «nous n’avons vu aucune baisse significative (de propagation) pour les fermetures ciblées à l’échelle mondiale.»
Les résultats à l’échelle domestique, c’est-à-dire à l’intérieur des pays, varient toutefois légèrement. On note ainsi que tant les fermetures totales que partielles ont eu un impact sur la réduction de la propagation, mais que les fermetures totales ont été plus efficaces.
Les fermetures partielles, quant à elles, ont été efficaces lorsqu’elles ont été implantées tôt et ciblaient un plus grand nombre de pays: «Il s’est avéré plus efficace de cibler plus de pays que de cibler seulement les pays à risque plus élevé.» En d’autres termes, la logique est respectée: plus la fermeture des frontières ratisse large, plus elle est efficace.
Les travaux des chercheurs ont confirmé une réalité déjà constatée dans le passé, précise le professeur Poirier: «Ce n’était pas la première fois que l’on tentait de cibler des pays et ce n’était pas la première fois que l’on constatait que ce n’était pas efficace.»
À lire également :
La raison, dit-il, en est fort simple: ce qu’on croit savoir ne correspond habituellement pas à la réalité. «Même si vous croyez savoir où il y a un point chaud ou qu’une éclosion est en cours, il est très probable que ça se passe également dans d’autres pays où ce n’est pas aussi évident, là où l'on rapporte moins bien (les données épidémiologiques). C’est exactement ce que l’on a vu lors des fermetures ciblant les pays du sud de l’Afrique avec Omicron.»
De plus, ajoute-t-il, ce ciblage, en plus d'être inefficace, est néfaste: «Je veux insister sur le fait que les fermetures ciblées étaient non seulement moins efficaces au niveau domestique et au niveau mondial, mais qu’elles punissent les pays qui rapportent ouvertement et avec transparence les éclosions et que cela peut mener à une réponse globale moins efficace et moins rapide à ce genre de menace. Cela peut aussi entraîner des conséquences économiques et sociales réelles pour le pays ciblé.»
Le Canada n’échappe pas à la règle, mais Mathieu Poirier souligne qu’Ottawa n’a pas mis de temps à passer à une étanchéité complète: «Le Canada a connu une transition rapide de pays ciblés à la fermeture totale. La fermeture totale mise en place au Canada a été suivie d’une réduction significative de la transmission de la COVID.»
Dans tous les cas, on notera que les chercheurs ne donnent pas de chiffres précis sur cette réduction: «Notre niveau de confiance n’est pas assez élevé pour aller jusqu’à chiffrer ces réductions. Par contre il est très élevé quand vient le temps d’affirmer qu’il s’agit de réductions significatives.»
Cependant, même si un pays met en place une fermeture totale, «cela pourrait n’avoir aucun effet parce que ce n‘est pas assez strict, que par malchance le trafic international entre quand même, que le pays n’a pas les moyens de faire le dépistage ou d’instaurer des mesures de santé publique adéquates.»
Une fermeture totale, «ce n’est pas une garantie», avertit-il.
L’étude soulève également, sans toutefois la solutionner, la question de la légalité de ces fermetures de frontières, partielles ou totales. Bien que les pays soient souverains en ce qui a trait au contrôle de leurs frontières, une pandémie renvoie les décisions qui ont une incidence internationale au Règlement sanitaire international (RSI) qui est juridiquement contraignant pour l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et 196 pays, dont le Canada.
Un des principes du RSI est qu’une mesure ne devrait pas être plus restrictive que nécessaire et que les décisions doivent être basées sur la science. Or, fait valoir le chercheur, «avec une pandémie qui se répand aussi rapidement, nous n’avons pas d’informations fiables au moment de prendre ces décisions.» Et dans ce cas-ci, ajoute-t-il, au moment de fermer les frontières, «il n’y avait pas de données scientifiques pour dire si ces fermetures fonctionnaient ou pas.»
D’après Mathieu Poirier, il n’est pas du tout impossible, justement, que ces fermetures aient été illégales en vertu du RSI: «Il y avait de meilleures options pour plusieurs pays, bien que les fermetures complètes étaient efficaces, comme on le sait maintenant.»
Certains pays, par exemple, auraient pu imposer des quarantaines strictes et d’autres mesures de santé publique internes musclées pour contrôler la transmission tout aussi bien que la fermeture. «Ç’aurait été moins perturbateur et, donc, une meilleure mesure.»
En même temps, dit-il, il y a des pays qui ont pu bénéficier du temps additionnel offert par le ralentissement de propagation causé par une fermeture totale, notamment les pays avec moins de trafic international et moins de ressources pour lutter contre la propagation intérieure de manière efficace: «Il y a certainement des avantages à obtenir plus de temps pour se préparer à l’interne.»
Des discussions internationales sont en cours pour tenter de raffiner les lois régissant ces décisions, notamment sur la base de données comme celles fournies par les chercheurs de l’Université York. «Il faut bâtir ces données pour qu’à l’avenir les pays puissent dire: selon la science disponible, il y a certaines situations où fermer la frontière est légal et défendable.»
Toutefois, comme tout le reste concernant la COVID-19, ce virus que les scientifiques peinent toujours à cerner, les aspects légaux donnent aussi du fil à retordre aux experts: «La légalité change en fonction de la science. C’était une zone grise et ça continue d’être une zone grise», soupire le chercheur.