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Le projet de loi 57 du gouvernement du Québec prévoit deux nouvelles infractions pénales afin de contrer les menaces, le harcèlement et l'intimidation à l'endroit des élus.
Dans un contexte de montée des cas d'incivilité auprès des élus, le gouvernement du Québec souhaite instaurer deux nouvelles infractions pénales afin de contrer les menaces, le harcèlement et l'intimidation à l'endroit de ceux-ci.
Ces mesures sont proposées dans le projet de loi 57 — visant à protéger les élus et à favoriser l'exercice sans entraves de leurs fonctions — déposé mercredi à l'Assemblée nationale par la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest.
Québec souhaite ainsi instaurer une sanction de 500 $ à 1 500 $ «à toute personne qui entraverait l'exercice de la fonction d'un élu municipal ou d'un député de l'Assemblée nationale, en le menaçant, en l'intimidant ou en le harcelant».
La deuxième infraction pénale viserait à imposer une sanction de 50 $ à 500 $ «pour toute personne qui causerait des désordres de manière à troubler le déroulement d'une séance du conseil d'un organisme municipal.»
« [...] Nous posons un geste majeur aujourd'hui! Nous poursuivons ainsi nos efforts pour prévenir les comportements susceptibles de nuire aux élus dans l'exercice de leurs fonctions et, du même coup, pour protéger les institutions démocratiques. Les conseils municipaux sont l'instance où les décisions les plus stratégiques sont prises et ont des impacts concrets sur les communautés. Ils constituent le fondement même de notre société et doivent être respectés à leur juste valeur», a affirmé Andrée Laforest.
La ministre des Affaires municipales ne craint pas qu'il serve au bout du compte à museler les opposants des élus municipaux.
«Non, pas du tout, ce qu'on veut, c'est arrêter des situations qui perdurent, les propos menaçants, les propos violents», a assuré la ministre en mêlée de presse à l'Assemblée nationale.
Pas moins de 74 % des élus municipaux disent subir du harcèlement et de l'intimidation, selon un sondage de l'Union des municipalités du Québec (UMQ). Pas moins de 741 élus municipaux sur les 8000 du Québec ont démissionné depuis le scrutin de 2021.
Le projet de loi 57 autoriserait également la Cour supérieure à accorder d'urgence à la demande d'un député ou d'un élu municipal une injonction.
La Cour pourrait donc ordonner à une personne de ne pas se trouver dans le bureau de circonscription ou à la séance du conseil, de cesser de communiquer avec le député ou l'édile municipal, de cesser de diffuser des propos dans l'espace public ou des gestes qui entravent indûment l'exercice des fonctions de l'élu.
Un élu pouvait autrefois s'adresser à la Cour, mais ce projet de loi introduit que la demande est «instruite et jugée d'urgence».
En outre, la ministre pourrait également mandater un accompagnateur ou observateur externe qui irait assister à des séances du conseil pour tenter de dénouer des situations.
Le gouvernement du Québec souhaite aussi rendre les processus démocratiques «mieux adaptés» alors que la province approche à grands pas de l'élection générale municipale de 2025 où environ 8 000 postes d'élus seront à pourvoir dans plus de 1 100 municipalités.
Selon Québec, le projet de loi «favoriserait une meilleure participation électorale, faciliterait l'exercice du droit de vote par des processus démocratiques plus accessibles aux citoyens et accroîtrait le bassin de candidatures aux élections municipales en assouplissant les critères d'éligibilité».
Le projet de loi vise aussi à permettre, dans certaines situations, la participation à distance aux conseils municipaux ainsi qu'aux séances extraordinaires.
Des changements à la loi actuelle viendraient aussi «renforcer la gouvernance au sein du conseil municipal et de certains comités municipaux.»
« [...] Il est primordial que les élus municipaux et les députés de l'Assemblée nationale puissent exercer leurs fonctions à l'abri des menaces, du harcèlement et de l'intimidation. Dans toute démocratie, les débats sont sains et souhaitables, mais ceux-ci doivent se faire dans le respect. Il en va du bien-être de nos institutions démocratiques», a pour sa part affirmé Jean-François Roberge, ministre responsable des Institutions démocratiques.
Le projet de loi 57 du gouvernement du Québec propose aussi diverses mesures visant à alléger et à moderniser les règles en matière de fiscalité et de finances municipales. De plus, certaines propositions portent sur des sujets variés, comme l'organisation territoriale, l'urbanisme et la gestion contractuelle.
Les nouvelles mesures contenues dans le projet de loi 57 s'ajoutent aux différentes initiatives mises de l'avant par le gouvernement du Québec, dont le Plan d'action pour favoriser le respect et la civilité : unis pour la démocratie! lancé en 2021.
Plusieurs dossiers de menaces envers les élus — que ce soit au municipal, au provincial ou au niveau fédéral — ont fait la manchette au Québec depuis quelques années.
Récemment, le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, a été la cible de menaces. La Sûreté du Québec (SQ) a d'ailleurs arrêté un homme, le 8 mars dernier, en lien avec cette histoire.
En mars dernier, le Service de police de l'agglomération de Longueuil (SPAL) a annoncé avoir procédé à l'arrestation d'une femme pour harcèlement criminel à l'endroit de la mairesse de Longueuil, Catherine Fournier. La dame aurait commis les actes qu'on lui reproche lors d'une réunion du conseil municipal de Longueuil, le 19 mars.
En février dernier, la députée caquiste de Lotbinière-Frontenac, Isabelle Lecours, a aussi dit avoir été menacée et intimidée. Son bureau a d'ailleurs été fermé provisoirement. «Dans le cadre du dossier de CPE de Val-Alain, j’ai fait l’objet de menaces et d’intimidation», avait-elle écrit sur Facebook.
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En février dernier aussi, le maire de Montréal-Ouest, Beny Massella, a affirmé avoir sérieusement envisagé de démissionner après 16 ans de vie politique en raison de propos désobligeants tenus par une citoyenne à son endroit.
En janvier dernier, Germain Lemay, un homme de Hamden qui a utilisé TikTok pour menacer les premiers ministres Justin Trudeau et François Legault a plaidé coupable à cinq des sept chefs d'accusation qui pesaient contre lui.
Lors de la campagne électorale de 2022, les menaces envers les candidats ont aussi été nombreuses forçant François Legault, premier ministre sortant, à prendre la parole devant les médias pour tenter de calmer le jeu.
La Fédération québécoise des municipalités (FQM) accueille «avec satisfaction» le projet de loi visant à protéger les élus et à favoriser l’exercice sans entraves de leurs fonctions.
«Avec la mise en place de cette mesure, la ministre répond à une des préoccupations relevées dans le rapport Les préoccupations des élues et élus dévoilée par la FQM le 8 mars dernier», souligne l'organisation dans un communiqué publié mercredi.
La FQM note aussi avec intérêt la modification législative proposée pour que les élus municipaux, à l’instar des députés, puissent obtenir le soutien nécessaire lorsqu’ils sont cités à comparaître dans une enquête ou lors d’une préenquête dans le cadre de leurs fonctions.
«À titre de porte-parole des régions, la FQM salue cette initiative qui vise à renforcer la démocratie municipale en protégeant ceux et celles qui s’engagent au service de leur communauté », a souligné Jacques Demers, président de la FQM, maire de Sainte-Catherine-de-Hatley et préfet de la MRC de Memphrémagog.
La FQM entend participer activement aux consultations publiques entourant ce projet de loi «pour veiller à ce qu’il réponde adéquatement aux réalités et aux défis auxquels sont confrontés les élus municipaux».
Avec des informations de Patrice Bergeron, La Presse canadienne.