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Politique

Carney lance sa campagne avec une promesse de baisse d'impôts pour la classe moyenne

«Nous devons nous soutenir les uns les autres.»

Émilie Bergeron
Émilie Bergeron / La Presse canadienne

Le chef libéral Mark Carney a débuté dimanche sa campagne électorale à Saint-Jean de Terre-Neuve après avoir promis de réduire les impôts des Canadiens de la classe moyenne.

Ce choix d'endroit pour son premier arrêt de campagne n'est pas anodin dans le contexte où le prix sur le carbone refilé aux consommateurs a été particulièrement honni dans le Canada atlantique.

M. Carney n'a pas manqué d'évoquer, dans un discours prononcé en soirée qu'il a suspendu cette mesure autrefois phare de la plateforme libérale.

Plus de 600 partisans libéraux étaient réunis pour ce premier rassemblement de campagne de M. Carney, a indiqué son équipe.

L'entourage de M. Carney a également indiqué que le choix s'est arrêté sur Terre-Neuve-et-Labrador comme première visite, puisqu'il s'agit de la seule province que le chef libéral n'a pas visitée durant la course à la succession de Justin Trudeau, en raison d'une tempête hivernale.

Le chef libéral, accueilli sur scène par la députée de la région Joanne Thompson comme étant «le prochain premier ministre d'un gouvernement majoritaire», a centré son message, une fois de plus, sur la défense de l'économie canadienne face à la guerre tarifaire lancée par les États-Unis.

«Nous sommes passés outre le choc de la trahison (...), mais nous ne devrions jamais oublier les leçons. Nous devons nous soutenir les uns les autres», a-t-il lancé à une foule enthousiaste qui enterrait parfois sa voix avec des exclamations et applaudissements.

M. Carney a vraisemblablement tenté de se distancier, au courant de son discours, de son prédécesseur, Justin Trudeau, se posant en vecteur de changement.

«Les gens veulent du changement parce qu’ils s’inquiètent. Ils s’inquiètent du coût de la vie et de la crise du logement», a-t-il lancé. Il a ajouté que les droits de douane imposés par le président américain Donald Trump sont aussi une source de préoccupation pour la population.

Promesse d'une baisse d'impôts

Un peu plus tôt dimanche, depuis Ottawa, M. Carney a d'ailleurs fait un lien entre la guerre tarifaire et le premier engagement de campagne qu'il a dévoilé, c'est-à-dire une baisse d'impôts.

Plus précisément, cela doit passer par la diminution d'un point de pourcentage du «taux d’imposition marginal de la première tranche de revenu», précise le Parti libéral du Canada (PLC) dans les documents détaillant la promesse.

La formation politique estime que «plus de 22 millions de Canadiens et Canadiennes» bénéficieront de la mesure et que ceux qui en profiteront davantage sont les personnes «à revenu moyen et faible».

M. Carney a soutenu que la réduction permettra à un ménage vivant sur deux revenus d'économiser 825 $ par année.

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Le PLC évalue que cela équivaut à la somme approximative qu'aurait à débourser, à l'épicerie, une famille de quatre personnes, en 2025, dans le contexte des droits de douane américains.

Quant à un éventuel premier appel avec M. Trump, Mark Carney ne semble pas pressé à ce que cela survienne.

«Il y a des conditions maintenant, a-t-il dit. (Le) président, il faut qu'il reconnaisse que le Canada est un pays souverain. Il faut le dire, il faut l'accepter», a-t-il répondu à une journaliste qu'il l'a questionné à ce sujet.

M. Trump ne cesse de mentionner l'idée que le Canada devrait devenir le 51e État américain.

M. Carney a insisté, tout au long de sa première journée de campagne, pour demander aux Canadiens de l'élire pour un mandat «fort et positif», aux dépens des conservateurs de Pierre Poilievre qui, selon lui, versent dans la négativité et la haine.

«Nous avons vu où la négativité et la division ont mené les États-Unis. Nous sommes plus forts quand nous sommes unis. Les Américains vont s’affaiblir parce qu'ils ne le sont plus.»

Ne pas pécher par excès de confiance

Le chef libéral débute sa campagne en menant dans les intentions de vote, mais il devra faire gaffe, selon des experts, de ne pas pécher par excès de confiance.

L'ex-stratège libéral Jeremy Ghio, aujourd'hui directeur principal à l'agence de communications TACT, a rappelé en entrevue que les libéraux étaient, il n'y a pas si longtemps, à la traîne dans les sondages au profit des conservateurs de Pierre Poilievre.

«Le vent a complètement tourné, puis on se retrouve en situation où un scénario de gouvernement majoritaire libéral est tout à fait possible», a dit celui qui a été directeur des communications de la ministre Mélanie Joly.

Ce vent dans le dos vient toutefois avec «plusieurs pièges», a prévenu M. Ghio. «Le premier, c'est de devenir trop confiant.»

L'ancienne députée à l'Assemblée nationale Emilie Foster, qui est professeure adjointe en gestion politique à l'Université Carleton, a souligné que «tout ce qui monte peut redescendre».

«Maintenant, ça va être le grand défi de se maintenir et d'améliorer ce score-là (...) donc il ne faut certainement pas qu'ils pèchent par excès de confiance», a-t-elle affirmé au sujet des libéraux.

Tant M. Ghio que Mme Foster ont noté que M. Carney est un nouveau venu en politique et qu'il dispose de peu de temps pour faire ses premières armes.

«Il va devoir faire l'apprentissage du manuel du politicien 101 à une vitesse record, développer des réflexes politiques, donc bien mesurer ce qu'il dit aux journalistes parce qu'en campagne, tout est scruté à la loupe», a résumé l'ex-élue.

Elle a noté que l'ex-gouverneur de banques centrales a été «catapulté» dans le poste de premier ministre - fonction qu'il n'occupe que depuis neuf jours - en ayant remporté une course éclair à la direction du PLC.

Celui qui a ainsi succédé à Justin Trudeau «est habitué aux conseils d'administration, (mais) il n’est pas habitué au climat politique», a dit M. Ghio.

Ainsi, il doit encore composer avec le fait que des questions qui lui sont posées par les journalistes lui déplaisent. M. Carney a vraisemblablement perdu patience, récemment, quand il a été pressé de dévoiler la nature de ses avoirs et, par conséquent, ses possibles conflits d'intérêts.

L'homme qui vient du secteur privé a lancé sèchement à une journaliste qu'elle devrait «chercher en (elle)-même» et que la façon dont elle formulait ses questions équivalait à «inventer de nouvelles règles» éthiques que celles qu'il respecte, définies par la Loi sur les conflits d’intérêts.

Les deux experts consultés par La Presse Canadienne soutiennent que M. Carney doit aller plus loin en déclarant proactivement et publiquement quels sont ses conflits d'intérêts, en apparence et en réalité.

«Moi, si j'étais dans l'équipe de M. Carney, je lui recommanderais de le faire maintenant, rapidement et vite», a tranché M. Ghio.

Cela lui permettrait de passer à autre chose, a-t-il expliqué. «En gestion de crise, on dit souvent que tu as le choix. Une crise peut durer trois jours, trois semaines ou trois mois et la décision t'appartient. Soit que tu enlèves le diachylon rapidement, soit que tu te soumets au supplice de la goutte.»

Dans ses échanges avec les journalistes, M. Carney n'aura d'autre choix que de s'habituer à affronter des questions qui lui déplaisent sans montrer de signes d'impatience, estime l'ancien stratège.

Dans l'entourage du chef libéral, on a fait valoir dimanche que ce dernier est de plus en plus à l'aise avec les représentants de la presse, mentionnant qu'il blague parfois avec eux.

Émilie Bergeron
Émilie Bergeron / La Presse canadienne