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En transport, «c’est long, c’est lourd» et «c’est coûteux» au Québec. La solution? Une agence, dit Geneviève Guilbault.
En transport, «c’est long, c’est lourd, c’est coûteux et c’est compliqué» au Québec, constate Geneviève Guilbault.
Pour éviter des mauvaises surprises comme un coût de 2,7 milliards $ pour un nouveau pont de l’Île d’Orléans, ou encore l’idéalisation de projets comme celui du 3e lien qui n’en finit plus de finir, le ministère des Transports (MTQ) déposera un projet de loi pour la création d’une agence gouvernementale: Mobilité Infra Québec.
Le dépôt du projet de loi est «imminent», indique la ministre Guilbault à Noovo Info, sans préciser le moment exact. Le gouvernement Legault prend cette direction, pour réaliser des projets d’envergure «plus vite, pour moins cher». En santé, on a aussi pris cette direction dans l'espoir de mieux gérer les opérations d'un réseau en criant besoin d'une plus grande efficacité.
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La création d’une agence gouvernementale présenterait, selon la ministre, deux principaux avantages, car actuellement au Québec, on a «une incapacité à livrer des projets d’infrastructure d’envergure», croit Mme Guilbault, désireuse de «prendre le contrôle de la livraison» de ces projets.
«L’appétit pour avoir du transport collectif à grande échelle est relativement nouveau», estime la ministre, et «on n’a pas cette expertise». «Notre cadre de gestion contractuelle fait qu’on va sur le marché avec des projets prédéfinis, en appels d’offres, mais on n’a pas de soumissionnaires, ou peu de soumissionnaires avec des prix élevés», dit Mme Guilbault, notamment en raison du risque perçu par les entrepreneurs.
Or, une agence gouvernementale comme Mobilité Infra Québec permettrait, selon la ministre, de disposer d'une expertise spécialisée et de se concentrer sur des domaines spécifiques de la gouvernance, ce qui se traduirait par une gestion plus efficace et plus efficiente.
Le mode de gestion, c’est d’ailleurs ce qui n’a pas plus à Mme Guilbault ces derniers mois dans le dossier du financement du transport collectif, pour lequel le torchon brûle entre Québec et les municipalités qui en opèrent les structures à l’heure actuelle vastement déficitaires.
La ministre refuse de déplier les cordons de la bourse pour ces projets parce qu’elle estime que son ministère n’est pas responsable de la gestion des sociétés de transport et que les contribuables ne doivent pas avoir à écoper pour la façon dont sont gérés leurs revenus et dépenses. Alors que les tensions sont vives, Mme Guilbault a convoqué les maires responsables des sociétés de transport pour une rencontre qui doit avoir lieu la semaine prochaine.
Puis, il y a la flexibilité. Une agence gouvernementale en transport disposerait théoriquement d’une plus grande souplesse de fonctionnement, de gestion budgétaire et de prise de décision, ce qui permettrait de s'adapter rapidement à des circonstances données.
Cette «agilité» serait un des facteurs pour accélérer la phase de démarrage et de planification des grands projets de transport, croit Mme Guilbault. «On a fait la moyenne, et on en était à 95 mois» pour cette phase, soit près de huit ans, en citant les exemples du nouveau pont de l’Île-aux-Tourtes à Montréal, du tramway qui n’a encore jamais vu le jour à Québec ou encore du SRB Pie-IX. Il a d’ailleurs fallu 13 ans depuis l’annonce avant l’inauguration du service d’autobus rapide nord-sud à Montréal, et son prolongement ne doit être finalisé qu’en 2027.
Mais dans un cas comme celui du Réseau express métropolitain (REM), un projet confié à CDPQ Infra et donc décentralisé, Mme Guilbault calcule qu’il n’a fallu que moins de trois ans en phase de démarrage et de planification.
Ceci dit, le REM connaît sa part de ratés depuis sa mise en service en juillet 2023, comme un bruit excessif ou de nombreuses pannes. Par ailleurs, un nouveau report dans la mise en service des branches ouest et nord du REM a suscité des doutes sur la capacité de CDPQ Infra à mener des projets du genre à terme. La Caisse de dépôt s’est aussi retirée du prolongement du REM à Longueuil.
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Que les projets en transport aillent plus vite, qu’ils coûtent moins cher, d’accord. Mais dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, si le Québec n’a pas les ressources humaines pour les réaliser c’est une autre paire de manches.
Selon la ministre Guilbault, on traversera la rivière quand on sera rendu au pont. «Faut quand même se doter de la capacité à réaliser ces projets», affirme-t-elle. «Il y a la rareté de la main-d’oeuvre, oui, mais on ne s’empêchera pas de faire une stratégie pour y arriver.» Mme Guilbault rappelle d’ailleurs que son gouvernement a lancé une formation accélérée en construction en 2023 pour attirer de la main-d’œuvre.
Et les experts de Mobilité Infra Québec? Il faudra les payer plus cher pour plus d'attractivité, et donc ne pas les soumettre à la Loi sur la fonction publique. Noovo Info n'a pas abordé ce sujet avec la ministre Guilbault, mais La Presse rapportait jeudi que l'encadrement et le financement d'une future agence gouvernementale en transport a suscité débats et dissension à l'intérieur du parti au pouvoir et provoqué des retards dans le dépôt du projet de loi.
En date de 2023, le ministère des Transports comptait plus de 8000 employés. Une future agence gouvernementale en transport n’en compterait que de 30 à 50. Faut-il donc envisager des mises à pied au MTQ?
«Ça n’entraîne pas de mises à pied», croit Mme Guilbault, qui dit toutefois que, «quand on parle d’une nouvelle équipe spécialisée qui a une expertise qui n’existe pas actuellement au ministère…», avant de préciser sa pensée.
«Tout ce qu’on n’aura pas besoin de faire en siégeant et en finançant une multitude de structures (comme pour CDPQ Infra et le dossier de 3e lien à Québec, NDLR), ce sera centralisé dans la nouvelle équipe spécialisée.»
Reste que des compressions au sein du plus grand donneur d’ouvrage de la province aiderait le gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ) de redonner vie à sa volonté de couper 5000 postes dans les organismes public, exprimée en 2018. Pourtant, Le Devoir rapportait en mars dernier qu’un peu plus de 4000 employés s’étaient ajoutés aux quelque 74 000 travailleurs de l’État déjà en fonction au cours de l’exercice budgétaire 2023-2024.
Quoi qu’il en soit, ces fonctionnaires seront en poste au moins un bon moment encore, car si la ministre Guilbault espère que son projet de loi soit adopté d’ici la fin de la présente session parlementaire en juin, il serait plus réaliste qu’il ne soit adopté qu’à l’automne prochain compte tenu des délais – s’il est adopté, bien sûr.
Avec la collaboration de Jean-François Poudrier et de Mathieu Boivin pour Noovo Info.