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John Scully est l'un d'entre eux. Il vit avec un diagnostic de trouble dépressif majeur depuis quarante ans. Il a essayé presque tous les traitements connus, de la thérapie de choc à la stimulation transmagnétique, mais son état ne s'est jamais amélioré.
Les parlementaires à Ottawa ont reporté d’un an l'élargissement de l'aide médicale à mourir aux personnes dont les troubles mentaux sont le seul critère médical, mais pendant ce temps, des Canadiens doivent patienter.
John Scully est l'un d'entre eux. Il vit avec un diagnostic de trouble dépressif majeur depuis quarante ans. Il a essayé presque tous les traitements connus, de la thérapie de choc à la stimulation transmagnétique, mais son état ne s'est jamais amélioré.
L'homme de 82 ans veut mettre fin à ses souffrances. Il tient à le faire légalement, sans douleur et dans le respect de ses proches.
Il veut l’aide médicale à mourir.
Mais comme de nombreux Canadiens qui sont dans la même situation que lui, M. Scully doit continuer d’attendre.
En 2021, le gouvernement fédéral a adopté une loi qui prévoyait l’élargissement de l'admissibilité à l’aide médicale à mourir aux patients dont la seule condition est un trouble mental. La mise en œuvre des lignes directrices de la loi devait se faire dans un délai de deux ans, mais les élus ont légiféré à la hâte le mois dernier pour reporter le tout d’une autre année.
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En entrevue avec La Presse Canadienne, M. Scully ne s’est pas caché pour montrer sa déception par rapport à cette décision.
«J'ai un mépris total pour les panels et le gouvernement qui ont retardé l’élargissement de (l'aide à mourir), a laissé tomber M. Scully. Ils ne peuvent pas se décider. C'est pour ça qu’ils repoussent toujours le problème.»
La décision du gouvernement libéral d'étendre l'aide médicale à mourir aux personnes atteintes de maladie mentale comme seule condition sous-jacente a suscité de nombreuses réactions au Canada.
Les opposants à cette mesure, y compris certains défenseurs des personnes handicapées, ont exprimé leur inquiétude quant à savoir si cela ouvrirait davantage la porte aux abus et à la coercition.
Ils s’inquiètent aussi que des gens choisissent de mettre fin à leurs jours même si ce dont ils ont vraiment besoin est un meilleur soutien, notamment pour le logement et les soins de santé mentale.
Le manque de consensus parmi les experts médicaux sur la façon de trancher si une maladie mentale est «grave et irrémédiable» pour répondre aux critères de l’aide médicale à mourir fait également sourciller certains analystes.
Le chef conservateur Pierre Poilievre a d’ailleurs promis d'abroger cette expansion s'il devient premier ministre.
À l’opposé, les partisans de l’expansion soutiennent que cette décision donnera autonomie et dignité aux personnes qui ont épuisé toutes les autres options de traitement.
Ils estiment que ne pas le faire violerait la Charte canadienne des droits et libertés en discriminant les personnes handicapées.
M. Scully, un ancien journaliste qui a couvert 35 zones de guerre au cours d'une longue carrière primée, souffre également d'une grave sténose vertébrale et d'une maladie rénale chronique. Ces problèmes physiques ne le qualifient toutefois pas pour recevoir l’aide médicale à mourir.
Dans l'état actuel de la loi, le 17 mars 2024, M. Scully sera enfin admissible pour postuler. Il a déjà les papiers en main, mais il s’est dit trop frustré pour commencer à les remplir dès maintenant.
M. Scully a décrit sa douleur comme étant «sans arrêt, incessante et incurable» et sa vie comme étant «sans joie» en raison de sa grave maladie mentale.
«C'est un sacré choix qu'ils ont imposé, à moi comme à d’autres: l’aide à mourir ou le suicide.»
La Dre Chantal Perrot, qui est médecin de famille et qui fait des évaluations pour l'aide médicale à mourir, croit qu'il est «horrible pour les patients de penser qu'ils ont le choix entre continuer à souffrir et se suicider».
Ce dilemme «contribue aussi à la souffrance de la famille et des amis», a-t-elle rappelé.
«Pour la plupart des gens, le suicide est un acte très isolé et solitaire. Ce n’est pas ce qu’on peut appeler une fin de vie digne», a-t-elle noté.
Pour elle, il n'était pas nécessaire de retarder davantage l'expansion du programme d’aide médicale à mourir.
«Chaque patient sera évalué au cas par cas, en tenant compte des particularités uniques de sa vie, de sa situation et de ses souhaits», a-t-elle assuré.
Par écrit, le ministre fédéral de la Justice, David Lametti, a reconnu que le report de l’élargissement peut être frustrant et décevant pour certains patients.
Mais il a rappelé que, selon lui, c’était «la voie prudente à prendre» afin que le gouvernement puisse prendre en compte les recommandations des experts et que les praticiens puissent se mettre d’accord sur la manière d'évaluer les cas complexes.
«L'aide médicale à mourir est une question complexe et profondément personnelle pour de nombreuses personnes et leurs familles, a souligné le ministre Lametti. Il est essentiel que nous fassions les choses correctement.»
M. Scully, quant à lui, consulterait des médecins et sa famille avant d’aller de l’avant avec l'aide à mourir, mais la situation actuelle lui a fait perdre confiance envers le système.
En fin de compte, a-t-il tranché: «Je suis le seul qui devrait décider si je dois mourir.»