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Plus de la moitié des gouvernements provinciaux et territoriaux du Canada achètent des services Internet et de communications d'urgence à Starlink, une constellation de satellites appartenant à Elon Musk.
Mais le milliardaire étant désormais le principal conseiller d'un président américain qui a menacé à plusieurs reprises d'annexer le Canada, un chercheur considère cette dépendance comme une menace pour la souveraineté canadienne.
Dwayne Winseck, professeur de journalisme et de communication à l'Université Carleton, qui a étudié l'émergence de Starlink comme sixième fournisseur de services Internet au Canada en 2023, affirme que les gouvernements canadiens doivent faire «leur possible» pour se libérer de Starlink.
«Résilier les contrats est une approche», a-t-il indiqué lors d'une récente entrevue, ajoutant qu'«il existe également des solutions de rechange canadiennes qui peuvent être accélérées».
Depuis une entente de 200 000 $ par an avec la société d'énergie de la Couronne de Terre-Neuve-et-Labrador à un contrat avec la Colombie-Britannique incluant des services d'ambulance en région éloignée et des interventions en cas d'incendie de forêt, les gouvernements dépendent de Starlink pour leurs communications dans les régions éloignées du pays, où les autres options sont rares, selon La Presse Canadienne.
Le réseau Starlink a été développé par SpaceX, une société d'exploration spatiale appartenant à Elon Musk et dont le siège social est aux États-Unis. Starlink est une constellation de satellites en orbite terrestre basse, atteignant des altitudes d'environ 600 kilomètres. Les satellites peuvent fournir un accès Internet à haute vitesse à des régions éloignées qui manquent depuis longtemps d'un service Internet rapide et fiable.
Le professeur Winseck estime que Starlink comble une lacune cruciale en matière d'infrastructures qui aurait dû être comblée par les efforts des gouvernements et des entreprises canadiennes. Et cela place le Canada dans une position précaire, a-t-il soutenu.
«Elon Musk s'est montré très hostile au gouvernement du Canada», a pointé M. Winseck, soulignant sa position de bras droit de Donald Trump, qui a menacé d'utiliser la «force économique» pour faire du Canada le 51e État.
Il semble que certains gouvernements territoriaux et provinciaux partagent les inquiétudes du professeur de l'Université Carleton.
Un sondage de La Presse Canadienne a révélé que des sociétés d'État ou des gouvernements de quatre provinces et de trois territoires avaient conclu des accords avec Starlink pour assurer des communications dans des régions éloignées, dont certaines étaient essentielles aux services d'urgence.
D'autres provinces, dont l'Alberta et la Nouvelle-Écosse, ont offert des rabais aux résidents utilisant Starlink dans des régions éloignées. Cependant, certains gouvernements ont indiqué qu'ils cherchaient des solutions de rechange.
Le Manitoba a conclu un contrat avec Starlink pour «fournir des services à plusieurs régions éloignées», mais la province «surveille la situation et étudie ses options», a déclaré un porte-parole dans un communiqué envoyé par courriel.
Au Nunavut, le gouvernement a conclu des contrats avec Starlink pour le «service de bande passante», mais «évalue d'autres solutions pour assurer le maintien des services au public», a aussi écrit un porte-parole dans un courriel.
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Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest (T.N.-O.) utilise Starlink «selon les besoins» pour les communications d'urgence et de secours. Cependant, il s'est engagé à adopter une approche «Équipe Canada» pour protéger la «résilience économique, la souveraineté et la sécurité» du pays, a affirmé par courriel un porte-parole du gouvernement des T.N.-O.
«L'exploration de solutions de rechange à Starlink s'inscrit dans cet engagement.»
En revanche, le Québec a indiqué clairement qu'il ne comptait pas se priver du réseau Starlink pour l'instant. Le gouvernement Legault a signé une entente avec la société d'Elon Musk en 2022 pour la modique somme de 130 millions $.
La porte-parole de la ministre de l’Économie a indiqué à Noovo info en février dernier que, «pour l'instant, il n'est pas dans notre intérêt de priver des milliers de Québécois d’une connexion haute vitesse».
L'entente est censée prendre fin le 15 juin prochain et être analysée pour une éventuelle reconduction. Selon des chiffres du secrétariat du Conseil du trésor, environ 8500 foyers québécois utiliseraient le réseau Starlink, faute de pouvoir être raccordés à un réseau filaire.
Le réseau d'Elon Musk est également un choix populaire auprès des ménages canadiens des autres provinces. Environ 300 000 foyers ont été connectés à Internet grâce à Starlink en 2023, selon un rapport de 2024 du Projet mondial de concentration des médias et d'Internet, dirigé par le professeur Dwayne Winseck.
Ces foyers se trouvaient principalement dans des régions éloignées du pays où l'accès à Internet à haute vitesse est médiocre, inexistant ou excessivement cher.
M. Winsek estime que ce chiffre est maintenant plus proche de 500 000.
Le rapport du Projet mondial de concentration des médias et d'Internet soulève des inquiétudes quant au pouvoir d'Elon Musk de fermer le service à tout moment, surtout s'il était mécontent de la réglementation canadienne en matière de télécommunications.
Pour le professeur Winseck, cette inquiétude est de plus en plus pertinente. Plus tôt ce mois-ci, M. Musk a republié sur X, sa plateforme de médias sociaux, un message suggérant qu'il coupait l'accès au réseau Starlink canadien pour protester contre la décision du gouvernement de la Colombie-Britannique d'exclure Tesla – également dirigée par le milliardaire – des rabais provinciaux sur l'énergie.
Jesse Fiddler est lui aussi inquiet de la présence d'Elon Musk à la tête des services de communication essentiels au Canada. M. Fiddler est directeur de KNet, une entreprise autochtone qui offre des services Internet et cellulaires à plus de 26 Premières Nations du nord-ouest de l'Ontario.
«Dans quelle mesure allons-nous dépendre de cette entreprise étrangère qui a le pouvoir de modifier son niveau de service,ou de le fermer si elle s'énerve?» a demandé M. Fiddler lors d'une récente entrevue.
La dépendance des gouvernements à l'égard de Starlink compromet les efforts locaux visant à construire une infrastructure à haute vitesse adéquate, détenue et exploitée par les collectivités qu'ils desservent, a fait valoir le dirigeant autochtone.
Il a cité le contrat récemment annulé par le gouvernement de l'Ontario avec Starlink en réponse aux menaces répétées de Donald Trump d'imposer des tarifs douaniers punitifs sur les produits canadiens.
Annoncé l'année dernière, ce partenariat aurait permis à Starlink de fournir l'Internet à haute vitesse à 15 000 foyers et entreprises dans des collectivités éloignées et nordiques.
Les entreprises locales, dont KNet, auraient probablement pu établir les partenariats appropriés pour remplir ce contrat, a ajouté M. Fiddler. Et même si un partenariat local aurait probablement nécessité plus de fonds que Starlink pour le réaliser, il aurait permis d'engager des personnes locales.
«Nous avons la capacité de construire notre propre infrastructure au Canada, et nous avons l'expertise, a-t-il soutenu. Nous devrions bâtir notre propre économie et nos propres industries pour y parvenir plutôt que de sous-traiter à une entreprise étrangère.»
Le professeur Winseck a déclaré qu'il surveillait Eutelsat, en Europe, et Télésat, une entreprise canadienne travaillant sur un projet de satellite en orbite basse appelé Lightspeed, dont le lancement est prévu l'année prochaine.
Le rapport du Projet mondial de concentration des médias et d'Internet mentionne d'ailleurs que le gouvernement du Québec s'est engagé à investir 400 millions $ dans le projet Lightspeed, et éventuellement 600 millions $ de plus après le lancement des satellites en 2026.
Eutelsat et Télésat devront travailler dur pour développer un produit capable de concurrencer Starlink, qui a pris une longueur d'avance significative dans la course à la fourniture d'un accès Internet par satellite fiable et de haute qualité aux régions isolées, a souligné M. Winseck.
Le rapport du Projet mondial de concentration des médias et d'Internet concède que Starlink reste pour l'instant «la seule solution réaliste et offre des bénéfices dont on aurait tort de priver les Canadiens des régions éloignées».
«Mais j'ai bon espoir que, face aux menaces qui planent autour de nous, cela servira de signal d'alarme et contribuera à galvaniser une phase d'innovation technologique qui les mettra à égalité avec Starlink», a dit le professeur de Carleton.