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Il faudrait qu’à l’avenir, on passe un peu plus de temps pour nous expliquer les tenants et aboutissants de telles décisions.
La réouverture des classes était déjà prévue lundi, mais plusieurs observateurs pensaient ou réclamaient qu’elle soit reportée, parce que le nombre de cas inquiète et que la situation est de plus en plus difficile dans les hôpitaux. Bref, parce que nous sommes encore au cœur dans l’effet Omicron, un variant bien plus contagieux - mais heureusement moins virulent - que les autres.
Mais le premier ministre François Legault persiste et signe en annonçant la réouverture, comme prévu, avec quelques précautions supplémentaires, notamment le port du masque en classe. On peut se demander ce qui a convaincu le gouvernement de maintenir sa décision. Peut-être est-ce en partie la sortie des pédiatres qui l’ont réclamée au nom de la santé des élèves ?
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Il faut voir que c’est surtout un pari que le gouvernement croit pouvoir remporter sur la base de données lui apparaissant favorables. Parce qu’il juge que le pic des cas est derrière nous, que le nombre de patients hospitalisés atteindra bientôt un plateau et que l’école n’est pas un lieu d’accélération de transmission, la contagion des élèves y étant plutôt le fruit de la contagion dans la population. Est-ce que ces trois éléments se vérifient ?
Les faits
Pour ce qui est de l’atteinte du pic des cas, plusieurs indicateurs avancés, notamment ceux partagés journellement par Sylvain Lacroix sur Twitter, montrent en effet que la progression s’est inversée et que nous sommes depuis quelques jours sur une descente bienvenue. Certains objectent qu’on teste moins le public et qu’on ne sait donc pas trop ce que valent ces données. Sauf qu’on effectue à peu près autant de tests qu’avant et que le pourcentage de résultats positifs a beaucoup diminué en 10 jours (passant de 31,2 % le 5 janvier à 15,9 % hier). Cette tendance paraît donc bien réelle.
Bien sûr, il ne faut pas confondre les cas avec les hospitalisations et les décès. En général, les hospitalisations suivent de dix à quinze jours la montée des cas tandis que les décès surviennent une à deux semaines plus tard. On le sait, nous vivons une situation inédite et très difficile dans les hôpitaux, avec un maximum de cas hospitalisés (près de 3000 hier) tandis que le personnel manque et que la descente de la courbe n’est clairement pas commencée. Mais si nous avons vraiment dépassé le pic des cas, celui des hospitalisations devrait suivre bientôt, puis la courbe des décès.
Quant au rôle des classes dans la transmission, les cas d’élèves positifs ne sont-ils vraiment que le reflet de la propagation communautaire, sachant que les élèves l’attraperaient surtout dans leur famille. S’il existe bien des débats sur cette question, on ne nous a pas apporté de nouveaux arguments.
Le choix du N95
Reste que si on ne doit pas trop se tracasser pour les élèves, qui souffrent assez peu de l’infection (même si le taux de COVID-longue est mal connu avec Omicron), on peut s’inquiéter à bon droit pour les professeurs, plusieurs craignant d’attraper le virus. Le docteur Luc Boileau, dans son nouveau rôle de directeur de la Santé publique, a pourtant mentionné que l’usage des masques N95 n’était pas envisagé, sur la base d’une absence de démonstration de supériorité dans ce contexte.
Cette affirmation, qui en a fait sursauter plusieurs, provient d’une étude diffusée le jour même par l’INSPQ, qui montre notamment la complexité du sujet : si plusieurs études montrent la supériorité technique du N95 sur le masque de procédure, il ne semble pas y en avoir montrant la supériorité des N95 dans un contexte comme une classe. Peut-être parce que le risque de transmission est tellement bas que l’avantage technique du 95 ne paraît pas ? Mais ne devrait-on pas au moins donner le choix et favoriser le principe de précaution ?
Lors du point presse, les dirigeants ont aussi affirmé que l’air dans les classes était « sécuritaire » (du point de vue de la contagion), ce qui étonne un peu, surtout dans la mesure où bien peu a encore été fait pour améliorer sa qualité, en tout cas moins qu’en Ontario où il y a moins de cas chez les élèves.
Au moins, si rouvrir les classes dans ce contexte reste un pari, le passé peut tout de même servir de caution, puisqu’à chaque fois qu’on eût à le faire depuis le début de la pandémie, il n’y a pas eu de remontée majeure des cas à la suite. C’est plutôt bon signe, même si c’était avant l’arrivée d’Omicron, qui nous oblige à une plus grande prudence, en raison de sa grande contagiosité.
Faire appel à l'intelligence
Il faut dire aussi que nous disposons aujourd’hui d’un certain avantage stratégique : le cycle de l’infection causée par Omicron étant plus court que celui des autres variants, si la contamination devait rapidement augmenter dans les classes, on le saurait très vite, ce qui permettrait de rajuster rapidement le tir.
Mais au moins, j’aimerais qu’à l’avenir on passe un peu plus de temps pour nous expliquer les tenants et aboutissants des décisions prises. Si les données étaient encore floues et qu’on n’avait peut-être pas tout le temps pour bien expliquer au printemps 2020, surtout que le défi était de motiver les gens à agir, les connaissances sont bien mieux ancrées en 2022.
Il est donc temps de faire davantage appel à l’intelligence collective, surtout quand on nous engage dans un grand pari, au résultat encore bien incertain, mais que nous n’aurons pas le choix de remporter, tout le monde ensemble.