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«La récréation est bientôt finie!»
Enfin! Après le dépôt du projet de loi visant à protéger les élus, on peut réagir avec soulagement au fait d’avoir enfin des mesures coercitives et punitives pour les gens qui harcèlent, insultent, menacent et maltraitent les élus au Québec.
Cette imputabilité sur les mots que l’on prononce devrait être une question de savoir-vivre, mais, malheureusement, nous vivons dans une époque durant laquelle ce n’est pas suffisant.
Par conséquent, un peu de la même façon que l’on est mis à l’amende en cas d’excès de vitesse, les abus verbaux ou harcelants contre les élus fédéraux, provinciaux et municipaux seront maintenant passibles d’amendes et d’interdiction de communiquer avec l’élu et/ou de cesser de communiquer avec ce dernier. Bravo!
La première question que l’on peut se poser est de savoir si cela viendra changer le ton du monde politique. Il est vrai que, surtout au municipal, le civisme semble avoir «pris le bord» à de trop nombreuses occasions dans les interventions des citoyens envers les élus, mais aussi entre eux. De ce côté-là, j’ai hâte de voir l’attitude dans les assemblées municipales, une fois que cette loi entrera en vigueur.
À partir du moment où l’insulte, le harcèlement et les propos disgracieux ne sont plus acceptés de la part des citoyennes et des citoyens, il n’y a aucune raison à ce qu’il soit accepté entre collègues. Ce projet de loi n’est certainement pas une baguette magique, mais il représente un solage intéressant pour y bâtir une nouvelle façon de communiquer avec et entre les élus.
L’autre question que je me pose c’est de savoir si le projet de loi aura un effet sur les réseaux sociaux. Nombreux sont les trolls qui, cachés derrière de faux comptes, de faux noms et un faux anonymat, se permettent de jeter le fiel continu et sans relâche sur des élus, notamment des femmes élues.
À partir du moment où les injures et le harcèlement ont des conséquences, je pense que l’on verra rapidement une diminution du harcèlement sur les réseaux sociaux. On sait tous comment l’information peut circuler rapidement dans ces milieux. Il sera donc essentiel que les élues et élus utilisent les nouveaux outils lorsqu’ils seront disponibles et surtout, que l’on publicise les décisions prises contre des personnes malveillantes.
En lisant la chronique sur le sujet de mon amie et collègue Geneviève Pettersen, je me suis questionné sur le risque de voir des élus transformer les intentions de ce projet de loi en l’utilisant comme une forme de censure envers la critique provenant des citoyennes et des citoyens. Je vous avoue que je n’avais pas vu le potentiel effet pervers, mais il serait aussi irresponsable qu’illusoire de le nier.
D’ailleurs, il serait intéressant d’avoir des mesures contre les abus par des élus qui tenteraient de museler ses opposants en abusant de la possibilité d’obtenir des injonctions. Un abus de la sorte mériterait également d’être puni et bien contrôlé.
Cependant, une façon simple et efficace nous permettra certainement d’appliquer adéquatement cette loi à venir, d’éviter les abus, de changer le ton de la politique, de rendre les réseaux sociaux plus vivables et de ne pas tomber dans la censure: critiquer et débattre sur les enjeux sans s’attaquer aux personnes.
En effet, que ce soit dans des débats publics, dans nos assemblées, dans des manifestations, dans les commentaires des analystes ou sur les réseaux sociaux, jamais notre démocratie n’est sortie gagnante d’attaques ciblées sur les personnes plutôt que sur les enjeux. On aura beau traiter les politiciennes et les politiciens de tous les noms, cela ne viendra jamais régler les problèmes et n’aidera jamais à la communication entre les gens.
Alors que ce soit pour les élu.e.s entre eux, pour ceux qui analysent l’actualité et les performances des politiciens, pour les citoyennes et les citoyens et pour les organisations qui ont pour mandat d’influencer les orientations des gouvernements, les communications devraient toujours être orientées sur les enjeux. Pour ceux qui le font ou le feront, ce projet de loi est inutile, pour les autres, la récréation est bientôt finie!