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Art et culture
Chronique |

Après l'avion en folie, le rap de James Awad s'écrase

C’est facile d’oublier l’existence de quelqu’un qui a fait le party sur un avion Sunwing et qui a essayé de cacher son comportement déplorable durant une semaine complète. Mais, aujourd’hui, parlons de Awad sous l’angle dont il veut être le héros.

James William Awad, l'organisateur de l'événement de Cancun et participant du vol controversé sur les ailes de Sunwing.
James William Awad, l'organisateur de l'événement de Cancun et participant du vol controversé sur les ailes de Sunwing.

Le 31 août, le Québec connecté sur Twitter a reçu un très joli message dans sa boîte de messagerie privée. Un message comme pas d’autres…

Avez-vous vous écouté le nouvel album « Ostrogoth » de James William « Senior » ? Lui qui a fait la fête dans l’avion 😮:

@111jameswilliam

 

Le lien est dans sa bio !

Ce message, je l’ai reçu de l'usager AudreyEWilson2 qui, selon sa bio, est une Zombie guru. (?) Incurable beer junkie. (?) Unable to type with boxing gloves on. (j’espère !)  Alcohol buff. (une dépendance à l’alcool ici) Analyst. Travel enthusiast. (les deux derniers éléments sont très normaux, on ne se posera pas de questions).

Pas de tweets publiés, rien sur son profil. Je n’ai que pour son existence un message me disant d’écouter l’album du maintenant célèbre Senior ou James William Awad de son vrai nom.

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Avant de recevoir ce message j’avais complètement oublié son existence. C’est facile d’oublier l’existence de quelqu’un qui a fait le party sur un avion Sunwing et qui a essayé de cacher son comportement déplorable durant une semaine complète. J’en ai même fait une chronique. Mais, aujourd’hui, parlons de Awad sous l’angle dont il veut être le héros, celui d’un rappeur/chanteur RnB populaire prénommé Senior. Mais surtout, faisons-le avec un peu de recul, je prends mon chapeau de jeune journaliste musicale avec un penchant pour la recherche et surtout une obsession avec les fake news pour vous faire une critique de l’album.

Débutons.

L’album Ostrogoth, Pt. 1 n'est pas le premier de l’artiste. En fait, il s’agit de son troisième après I Feel Better Alone, sorti en 2020, et break & tell, sorti en 2021. Je vais être honnête, ma culture du rap vient de mon conjoint et de deux de mes amis, Erik et Christophe, qui eux sont de véritables experts. Mes amis sont des journalistes qui se spécialisent en rap, mon conjoint en a fait sa passion.

Quand je me suis aventurée à écouter l’album, le premier truc que j’ai fait, c’est de leur parler des personnes qui sont mises en vedette dans son nouvel album. En effet, Awad est entouré de grands noms du rap ; Lil Baby, Gucci Mane, Rick Ross, A Boogie With da Hoodie, YK Osiris.

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S’associer à d’aussi grands noms donne une certaine crédibilité. Mais ça ne garantit nullement le talent de l’artiste ou la qualité de l’album. Ce dernier se base sur ces features pour se donner de la crédibilité, mais Awad lui est inondé par l’autotune et par les paroles fades de ses chansons.

D’ailleurs quelqu’un peut m’expliquer depuis quand avoir « 5 big meetings in a row » est un élément de vantardise ? Juste à écouter « CEO », sa chanson avec Gucci Mane, je suis épuisée. Et ça ne s’améliore pas. Awad aime se donner des semblants de Don Juan en parlant de femmes qui se battent pour son argent et son amour. Mais le sexisme et la misogynie de ses paroles sont lourdes.

Dans « Don’t Give Up, », il insulte ouvertement la personne qu’il voit. À l’écouter, on finit par conclure que le pauvre Awad a essuyé son lot de revers dans sa vie romantique. Clairement, les thèmes de cet album sont le sexe, la drogue, les armes à feu, l’argent, des sujets qui ici sont explorés au premier degré. Le flow des chansons est franchement adapté à sa capacité de rapper qui n’est pas, dions-le ainsi, au niveau de ses collaborateurs. L’album est tout simplement… mauvais. Sans plus. Ça ne mérite pas l’attention de personne.

Mais la grande question qui découle de cet album est comment s’est-il arrangé pour avoir d’aussi grands noms sur son album, comment a-t-il des chiffres aussi élevés sur les plateformes d’écoute, plus élevés que d’autres rappeurs de la relève qui sont encensés par la critique ?

Les messages reçus le 31 août relèvent de bots, des robots que les gens achètent en grand nombre à faible coût pour faire de la promotion ou avoir des abonnés. Ça ne prend pas des grandes connaissances en réseaux sociaux ou marketing pour réaliser que AudreyEWilson2 est un faux compte… le manque d’activité en est le principal témoin. Les autres personnes ayant reçu le même message l’ont reçu de la part de Courtney, Brittany, Anna… d’autres bots aussi faux qu’Audrey.

Mais ce qui m’a embêté, plus que les bots, ce sont les chiffres. Près de 600 000 écoutes par mois sur Spotify, c’est du lourd. Skiifall, un rappeur montréalais encensé par la critique qui a déjà été dans une publicité de Louis Vuitton, qui a été mis de l’avant sur la populaire chaîne Youtube COLORS et qui est dans la programmation de festivals d’envergure multiples, n’a que 150 000 écoutes par mois. Au début, je me suis dit que c’était à cause des grands noms sur l’album. Ça amène plusieurs nouveaux auditeurs.

Mais je me suis rapidement ravisée. Ça n’a aucun sens. Surtout qu’entre les chansons les plus populaires de son nouvel album et les moins populaires, on passe d’écoutes dans les centaines de milliers à une écoute qui oscille entre 3000 et 6000 écoutes. Et si je vais sur Spotify, dans les playlists où il a été découvert, je tombe sur des listes d'écoute qui demandent de payer un certain montant pour être ajoutés dedans. Bon, comment sais-je ça ? Certaines playlists l’écrivent dans la description, littéralement. Et avec 85 000 abonnés à une playlist, on ne se le cachera pas, ça rapporte de payer pour y mettre une chanson.

Awad montre aussi, sur son compte Twitter, des impressions d’écrans de chartes et de classement à travers une app qui s’appelle Chartmetric qui analyse avec du data les données des artistes. Un peu crinquée des chiffres. je me suis abonnée pour décortiquer les rapports. Puis au final, j’ai découvert que le rang donné par Chartmetric est associé aux réseaux sociaux, à l’écoute sur Spotify, les likes, les retweets, le nombre de fois que les gens ont cherché son nom, etc., et au final, j’ai juste eu l’impression que j’assistais à quelqu’un sans grand talent qui achète sa carrière.

Vous me direz que ce n’est pas une première, ça arrive sans arrêt, on le sait…

Oui, mais j’ai un malaise. Un malaise profond. Parce que Awad se décrit comme quelqu’un qui a bûché dur pour arriver là où il est, et il dit qu’il n’est pas une industry plant (quelqu’un qui est choisi par l’industrie de la musique et développé expressément pour devenir une star).

Ceci dit, à force d’acheter des bots, de l’écoute, une place dans les playlists, il devient un industry plant, l’industrie étant lui-même. Il se plante partout, à vouloir l’attention, à vouloir devenir une célébrité, à vouloir avoir tous les regards sur sa personne.

Ça me ramène aux grands noms sur son album. Selon Complex, un média numérique sur le rap et le rnb, YK Osiris et Lil Baby chargent chacun plus de 100 000 $ par verset sur une chanson. Et comme l’argent semble tout acheter avec James William Awad, je mettrais ma main au feu que pour ces rappeurs, une petite ligne dans une chanson n’est qu’une transaction d’affaires toute bête.

L’argent peut tout acheter, mais l’argent n’achète pas le talent. Même si Awad met toute sa fortune dans sa carrière, ça n’enlèvera pas le fait que ce n’est pas une carrière faite pour lui.

James William, je te souhaite de rester CEO. Ça te va franchement mieux que la musique.