«Sans cet argent, un projet ne peut pas lever de terre», affirme Pierre Barrieau, conseiller en immobilier qui collabore de près avec le projet du nouveau Écoquartier de Lachine-Est. «Pour finaliser le montage financier d’un projet et aller à la banque pour obtenir des prêts, on a besoin de tous les morceaux du puzzle.»
«Il nous manque des garanties pour recevoir les millions de dollars permettant la décontamination du sol, ça fait toute la différence pour certains projets.»
Le ministère de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques confirme à Noovo info que le programme ClimatSol-Plus est vide. Les sommes prévues de 43,8 millions de dollars ont toutes été accordées et aucune demande n’est possible depuis le 1er octobre.
«Le budget alloué au programme ClimatSol-Plus est épuisé», peut-on également lire sur le site du ministère. «Par conséquent, aucun nouveau projet ne sera admis. Pour être informé d’un éventuel programme d’aide à la réhabilitation de terrains contaminés, vous pouvez transmettre un courriel.»
Le projet de Lachine est en train d’être finalisé et l’argent de Québec est essentiel pour lancer certaines portions de cette revitalisation d’envergure. Seulement pour l’écoquartier Lachine-Est, c’est entre «150 et 400 millions de dollars» qui seront nécessaires pour décontaminer les sols de l’immense terrain pouvant accueillir de 7800 à 11 000 logements.
Noovo info a pu profiter d’une visite exclusive des lieux, alors que le projet se met plus que jamais en branle.
À voir dans la vidéo.
D’autres projets affectés
Pierre Barrieau, qui travaille avec plusieurs acteurs immobiliers, affirme que d’autres projets industriels sont affectés par cette période de flottement du programme de décontamination des sols de Québec.
L’Unité de travail pour l'implantation de logement étudiant (UTILE) qui mène différents projets immobiliers liés au logement étudiant confirme être aussi touchée par la situation. Plusieurs de ses projets ont besoin des sommes du programme ClimatSol-Plus pour aller de l’avant, indique l’organisme.
«Puisqu’UTILE développe dans des centres urbains, presque tous nos terrains doivent être décontaminés. Dans le contexte financier actuel, c’est certain que chaque dollar compte. Cela dit, nous travaillons à trouver des solutions pour que nos projets ne soient pas retardés par l’absence de crédits disponibles dans le programme ClimatSol», confie Élise Tanguay, directrice des affaires publiques chez UTILE.
Quand Québec injectera de nouvelles sommes?
«Fort du succès de ce programme, le processus pour élaborer de nouveaux programmes d’aide à la réhabilitation des terrains contaminés est amorcé», affirme Québec.
«Pour ce qui est du moment précis du lancement à venir, nous devons nous garder une certaine réserve, car plusieurs étapes doivent être franchies. Dans l’état actuel des choses, un lancement graduel à l’automne prochain est probable», affirme le ministère de l’Environnement.
La Ville de Montréal dit faire des «représentations auprès du gouvernement pour poursuivre le travail entamé», notant que les programmes de décontamination des sols sont tous échus. Les fonds prévus ont «été engagés ou réservés pour des projets».
Même l’enveloppe spéciale prévue pour l’est de Montréal n’est plus disponible, confirme la Ville.
L'opposition officielle de la Ville de Montréal, quant à eux, estime que l'équipe de Valérie Plante n'est pas assez proactive dans le dossier, sachant que la Ville «dispose de deux enveloppes dédiées à la décontamination des terrains totalisant 175 millions de dollars».
«Malheureusement, des dizaines de millions de dollars sont engagés pour des terrains dont les projets sont encore loin de voir le jour», explique Julien Hénault-Ratelle, porte-parole d'Ensemble Montréal en matière de développement économique.
Il ajoute qu'une partie des sommes aurait pu servir à combler l'absence de fonds de ClimatSol-Plus «pour aider des projets qui sont prêts à lever de terre».
Québec affirme que des millions de dollars seront débloqués pour permettre à différents projets d’aller de l’avant, sans dire quand ces sommes seront accessibles: «un investissement de 50 M$ annoncé à cet effet dans le cadre du plan d’action 2023-2029 de la Politique de protection des sols et de réhabilitation des terrains contaminés».
C’est trop peu, selon Pierre Barrieau. «Il faudrait minimalement des centaines de millions pour répondre aux besoins des projets déjà sur la table et il faut qu’on soit en mesure d’avoir de la prévisibilité», dit-il.
L’absence d’argent dans le Fonds ClimatSol-Plus est hautement problématique en pleine crise du logement, note Véronique Laflamme, porte-parole du Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU).
«Ce programme a souvent été nécessaire pour la réalisation de projets de logements sociaux et communautaires sur des sites contaminés. Il faudrait mieux le financer pour assurer plus de prévisibilité et accélérer les projets.»
Selon Mme FRAPRU, il faut «plus de cohérence» lorsque des fonds publics sont nécessaires pour décontaminer des terrains en «favorisant les projets de logements sociaux, sans but lucratif».
Le programme ClimatSol-Plus a permis à 44 projets immobiliers d’aller de l’avant ces dernières années en décontaminant l’équivalent de «88 terrains de football».
Le gouvernement du Québec affirme que de nouvelles initiatives doivent aussi permettre la «réhabilitation des terrains de stations-service appartenant à de petits détaillants, des terrains de nettoyeurs à sec ainsi que la réhabilitation de propriétés résidentielles contaminées par le mazout».