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Depuis 30 ans, Michel Tessier enjolive les vitrines de Montréal. Et la période des Fêtes le garde particulièrement occupé.
Depuis 30 ans, Michel Tessier enjolive les vitrines de Montréal. Et la période des Fêtes le garde particulièrement occupé.
Chaque année à l’approche du temps des Fêtes, Michel Tessier sillonne les rues du Grand Montréal à bord de la voiture dont le coffre fait office d’atelier, pour enjoliver les vitrines de commerces de bonhommes de neige espiègles et de pères Noël souriants. En 30 ans de métier, il en a croisé, des artistes qui s'adonnaient à la même tâche. Mais il en croise aujourd’hui de moins en moins.
«Quand j’ai commencé, on était plusieurs à Montréal, raconte-t-il en traçant agilement des flocons de neige avec un rouleau à peinture. Aujourd’hui, il y en a encore, mais on n’est pas beaucoup.»
Depuis le tournant du siècle, les commerçants qui souhaitent décorer leurs vitrines optent de plus en plus souvent pour des décalcomanies adhésives, au détriment des scènes d’hiver peintes à la main, explique M. Tessier.
Mais celui-ci ne s’en formalise pas trop. Ses années d’expérience lui ont valu une clientèle fidèle qui le garde particulièrement occupé dans les semaines avant Noël. «J’en fais à l’année, mais Halloween et Noël, c’est la grosse période. C’est presque sept jours sur sept. Je suis booké jusqu’au 24 décembre.»
Entre le 1er novembre et la veille de Noël, ce sont quelque 200 vitrines de magasins qui seront transformées par les pinceaux et les rouleaux de Michel Tessier.
Un frisquet lundi matin de novembre, il s’attaque à la devanture de la fruiterie ExoFruits, dans Côte-des-Neiges. Un projet d’une douzaine de vitres, qui devrait nécessiter environ trois heures de travail.
«Quand j’ai commencé il y a 30 ans, ça me prenait une journée et demi!» lance l’artiste en riant. «Mais avec le temps, j’ai appris des petits trucs…»
Les fameux flocons de neige qu’il crée aujourd’hui en quelques secondes avec l’extrémité de son rouleau étaient autrefois minutieusement tracés à l’aide d’un pinceau.
«Ça me prenait un temps fou! Et honnêtement, c’était moins beau», admet-il, l’air taquin.
L’entrepreneur respire la bonne humeur. À mesure que son oeuvre prend vie, de plus en plus de passants l'accostent pour complimenter son travail ou faire une petite blague sur le temps des Fêtes qui arrive de plus en plus tôt chaque année.
Michel Tessier remercie chacun d’entre eux avec un grand sourire, ponctuant chaque interaction d’un éclat de son rire tonitruant.
«Les gens apprécient vraiment le travail que tu fais, souligne M. Tessier. Je le fais un peu pour eux autres, dans le fond. Je ne sauve pas des vies, mais je mets de la joie!»
Si Michel Tessier dessine depuis sa tendre enfance, c’est l’un de ses frères qui l’a initié à l’art de peindre les vitrines.
«Adolescent, je faisais des murales de chambres d’enfants, raconte-t-il. Un jour, un de mes clients qui avait un commerce m’a demandé “tu me ferais-tu des pères Noël?”. J’avais 17 ans. J’ai dit oui, mais j’avais jamais fait ça!»
Michel Tessier appelle donc son frère pour qu’il lui montre les rouages du métier.
«Il m’a aidé, m’a appris. Il m’a donné mes premiers trucs, se remémore-t-il. Je pensais en faire quelques années, mais ça fait plus de trente ans que je fais ça.»
Le frère en question avait appris son art d’un lettreur expérimenté qui l’avait pris sous son aile. «Les outils que j’utilise, ce sont des anciens outils de lettrage, explique l’illustrateur. Mais aujourd’hui, il y a de moins en moins de lettreurs qui les utilisent.»
La chaîne de transmission de ces savoirs pourrait bien s’éteindre avec Michel Tessier, la relève se faisant rare dans le milieu. «J’essaie avec mes filles, mais ça marche pas trop trop!» lance-t-il sans laisser paraître la moindre pointe d’amertume.
Et pour ceux qui commencent, les dernières années ont parfois été très rudes. Pendant la pandémie, près de la moitié des 200 commerces avec qui M. Tessier faisait affaires ont fermé leurs portes. S’il a pu renflouer sa liste de clients, il est conscient que d’autres n’ont pas eu cette chance.
«Souvent, quand des nouveaux commencent dans le milieu, ils ne prennent pas compte de toutes les dépenses», estime-t-il.
Des dépenses qui ont explosé avec la pandémie. Le pot de peinture que Michel Tessier achetait pour 10$ juste avant la pandémie lui coûte aujourd’hui 33$. Le décapant qu’il utilise pour nettoyer les vitres une fois Noël passé lui coûte maintenant 84$, alors qu’il le payait 30$ en 2019. Et les pinceaux qu’il payait une cinquantaine de dollars avant la pandémie ont triplé de prix.
«Je les payais 5,95$ il y a 30 ans! Avoir su, j’en aurais acheté des centaines», blague-t-il.
Rien pour arrêter l’artiste, dont la vie continuera «encore longtemps» d’être ponctuée par les célébrations.
Parce qu’après les bonshommes de neige, viendront les coeurs de la Saint-Valentin, puis les cocos de Pâques, puis «les monsieurs qui font du barbecue» pendant la saison chaude et les citrouilles à l’Halloween. Jusqu’à ce que reviennent les flocons…