Début du contenu principal.
«Si tu veux vraiment le faire, il ne faut pas avoir de regret, plonger et oublier ce qu’il y a en arrière de toi.»
Le coût d’une maison, le stress au travail ou tout simplement l'appel de l'aventure peut pousser une personne à choisir la van life et à devenir ce qu’on appelle dans le milieu un van lifer, a constaté Noovo Info au fil de nombreuses entrevues conduites auprès de «convertis».
Qu’est-ce que ça prend pour conquérir la van life? Comme leurs bus ou camionnettes reconstituées, les nomades qui ont troqué leur toit pour une vie sur la route sont de tous les âges et viennent de plusieurs milieux.
Pour Gerry Lauzon, le cofondateur de l’Association Vanlife Québec, l’appel de la route a sonné fort. Après 33 ans comme fonctionnaire pour une municipalité, M. Lauzon a souffert d’une crise cardiaque à 43 ans.
«La grosse job, la grosse paie, toute la patente. J’étais stressé accoté dans le tapis», raconte-t-il lors d’un appel vidéo avec Noovo Info à partir sa Dodge Grand Caravan.
Après avoir consulté sa compagne, il a décidé de faire le saut. Deux ans plus tard, en 2018, après avoir tout largué – le travail, le duplex, les possessions qui ne rentraient pas dans la van –, «on a vécu l’aventure», raconte-t-il.
Et lorsqu’il faisait le triage de ses possessions, il a fait la réalisation suivante: «tu travailles pour faire vivre tous tes cossins qui sont dans une boîte, et tu travailles pour la boîte».
Après son triage, M. Lauzon est parti sur la route pendant deux ans et demi, et s’est rendu jusqu’à Slab City, en Californie. En cinq ans, il a cumulé plus de 100 000 kilomètres sur la route.
«On a arrêté de collectionner des cossins pour collectionner des expériences.»
À VOIR | Voyage: les astuces pour économiser des centaines de dollars
Pour Mary-Ève Laquerre, 39 ans, c’est un enchaînement de «choix de vie», il y a trois ans, qui l’a mené à changer son rythme de manière graduelle. La transition s’est fait «toute seule», alors qu’elle voyageait déjà fréquemment avec plusieurs planches de surf sur son Subaru Crosstrek. À la même époque, elle a quitté son appartement pour donner un coup de main à son père à la suite du décès de sa mère.
«J’ai vu que j’aimais mieux vivre dans ma petite boîte que de vivre dans un appartement ou d’investir dans une maison», raconte-t-elle.
Ses voyages l’ont menée un peu partout, du Québec à l’Alaska et jusqu’au Mexique dans son Ram ProMaster, avec lequel elle a parcouru plus de 250 000 kilomètres.
Et enfin, pour Marie-Sophie Berruex, l’expérience devait initialement être une mise en application des principes du minimalisme dans le cadre de son métier en tant qu’experte et guide en désencombrement et optimisation d’espace.
Suivant ces principes, Mme Berruex a acheté un autobus scolaire en 2021 pour en faire sa maison sur roue et l'a appelé — avec affection — Luna. Elle y réside depuis juillet 2022.
«Je voulais démontrer que dans 250 pieds carrés, j’avais tout ce qu’il fallait pour vivre. Le minimalisme, ça ne veut pas dire vivre dans l’austérité avec rien», soutient-elle.
L’autobus, un Blue Bird 2012, a été complètement reconfiguré dans un esprit de confort et contient même un système de laveuse et sécheuse et une douche complète. Ses deux premières années avec Luna ont été une période d’adaptation, demeurant au Québec, principalement dans des campings. Mme Berruex souhaite toutefois prendre la route prochainement.
Déterminé à accomplir son but, M. Lauzon a accompli la transition de la vie normale à la van life sans embûche. «On a clear nos dettes. On est devenus plus riches qu’on ne l’a jamais été», ajoute-t-il.
Mais certaines personnes de son entourage ne comprenaient tout simplement pas, lui disant que de vivre dans une van à l’année ne se faisait pas.
Et tout n’est pas rose lorsqu’on vit sur la route. Comme toute chose dans la vie, ça prend de l’argent.
M. Lauzon travaille à temps plein comme apprenti machiniste dans la région de Québec, faisant de lui un «nomade-sédentaire avec un port d’attache», comme il l’explique. Avant de devenir fonctionnaire, c’était d’ailleurs le métier dans lequel il souhaitait faire carrière. À 58 ans, il a réalisé son rêve.
De son côté, l’experte en minimalisme est ce qu’on appelle une nomade digitale. Elle travaille à temps plein pour son entreprise, la même qu’elle possède depuis huit ans. Elle offre notamment du coaching et des programmes en lien avec la vie minimaliste.
«C’est faisable quand on est entrepreneur, mais ça prend un travail qui peut nous suivre», soutient-elle. D’ailleurs, la route est également un outil pour elle alors qu’elle est appelée à se déplacer pour des contrats en présentiel.
À VOIR | Un Bromontois a parcouru 23 000 km à vélo, de la Colombie-Britannique à la Patagonie
Pour Mme Laquerre, le mieux, c'est d'avoir plusieurs sources de revenus. Elle met en application les connaissances qu’elle connaissait déjà avant sa vie nomade, soit la coiffure et le maquillage pour des mariages.
Elle fait également du revenu en ligne grâce à des collaborations avec diverses entreprises.
«Plus t’as de cordes à ton arc, plus c’est facile de vivre sur la route», soutient-elle.
Ultimement, les van lifers concèdent que ça prend une certaine logistique financière pour venir à bout des dépenses, comme l’essence, les assurances, l’entretien et les endroits pour se stationner, mais également pour les pépins imprévus.
Mais plus qu’une van et de l’argent, vivre sur la route demande une certaine dose de courage et de débrouillardise.
«Je ne pense pas que c’est une vie qui est faite pour tout le monde. Je pense que c’est une vie dans laquelle il faut s’adapter et il faut apprendre», estime Mme Berruex.
Comme explique l’experte en vie minimaliste, lorsqu’on est loin de tout et que quelque chose brise, il faut savoir comment compter sur soi-même. Si une pièce d’équipement brise, «on ne peut pas appeler son propriétaire», ajoute-t-elle à la blague.
«C’est pas juste ton char qui est garage pendant une semaine, ta maison aussi», rajoute M. Lauzon.
À VOIR | Les travaux du quartier de «minimaisons» pourraient débuter cet été à Sherbrooke
De plus, il faut également être prêt à se départir de toutes les choses dont on pense avoir besoin jusqu’au moment où l’espace restreint de notre véhicule nous en empêche.
Comme dirait M. Lauzon, «t’es tu prêt à tout lâcher, toutes tes affaires que tu as accumulées?»
«Je pense que c’est ça le plus important: si tu veux vraiment le faire, il ne faut pas avoir de regret, plonger dedans et oublier ce qu’il y a en arrière de toi.»
L’un des mandats de l’Association Vanlife Québec est de démystifier ce que le terme veut dire, notamment aux municipalités, qui peuvent parfois être réticentes à accommoder cette population.
«Si on respecte les principes de la vie nomade, on passe inaperçu», soutient M. Lauzon.
L’autre mandat de l’Association est justement d’éduquer les van lifers sur les bonnes pratiques, notamment sur la bonne gestion des déchets.
«Des personnes s’embarquent là-dedans avec tout ce qu’ils ont comme point de référence, c’est ce qu’ils voient sur Instagram. Mais, tes vidanges, tu vas les mettre où? Si tu as une urgence numéro 2, tu fais ça où?» lance-t-il de manière rhétorique.
Ceux qui suivent ce code d’éthique repartent d’un endroit plus propre que lorsqu’ils sont arrivés, estime-t-il.
«Ce n’est comme il y a 20 ans où c’était plus une mode hippie», ajoute M. Laquerre.
La van life n’est pas non plus un rejet de la société, soutient à son tour Mme Berruex. Plusieurs vanlifers sont capables de vivre de manière «très confortable», selon leur budget ou tout simplement leur choix.
«On a simplement décidé d’avoir un mode de vie qui correspond plus à nos valeurs et qui nous permet de voyager plus», ajoute-t-elle.
Après avoir goûté à la liberté de la vie sur la route, les trois nomades souhaitent continuer à le faire le plus longtemps possible. Et, même s’ils finissent par poser un pied à terre éventuellement, la vanlife aura certainement eu un effet sur leurs choix d'avenir, priorisant un style de vie minimaliste et simple.