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Société

«On nous a volé la vie de mon père»: un site de nécrologie de Québec publierait des avis de décès à l'insu des proches

Le site vendrait divers produits sans que la famille du défunt ne soit au courant...

Daniel J. Rowe
Daniel J. Rowe / CTV News

Des membres de l'industrie des salons funéraires et des services mortuaires du Québec dénoncent un site de nécrologie publiant en ligne des avis de décès à partir d'informations publiques affichées sur le web.

Ils allèguent que le site le fait sans le consentement des familles.

Ce texte est une traduction d'un article de CTV News.

Lorsque le père de Jimmy Jolicoeur, Patrice, est décédé le 10 février après avoir fait une demande d'aide médicale à mourir, sa famille a publié un avis de décès sur le site du Groupe Garneau Thanatologue à Lévis.

Quelques jours plus tard, l'avis de décès de Patrice Jolicoeur est apparu sur le site d'Echovita «sans aucune autorisation de notre part, de notre famille», déplore Jimmy.

«Tout d'abord, nous avons été choqués», a-t-il confié à CTV News. «Nous ne sommes pas très heureux de la situation, car ce n'est vraiment pas le bon moment pour s'occuper de ce genre de choses.»

Les Jolicoeur ne sont pas les seuls à avoir vécu une telle histoire.

Le Bureau d'éthique commerciale a reçu cinq plaintes de familles affirmant qu'Echovita a publié les avis de décès de leurs proches sans autorisation, utilisé des informations inexactes, créé des pages Facebook et vendu des fleurs et d'autres produits commémoratifs que la famille n'avait pas demandés.

«Le site a volé une notice nécrologique officielle et vend des fleurs et d'autres articles qui n'ont rien à voir avec les demandes de la famille. Je viens de recevoir la nécrologie officielle et j'ai réalisé que les 30$ que j'ai dépensés sur Echovita l'ont été pour une fausse nécrologie», peut-on lire dans une plainte.

Le propriétaire d'Echovita, Pascal «Paco» Leclerc, insiste sur le fait que le site «facilite la publication d'avis de décès sur Internet» et que l'entreprise, basée à Québec, «fonctionne en totale conformité avec les réglementations en vigueur».

M. Leclerc avait initialement accepté une entrevue avec CTV News «pour réagir et ne pas laisser ma réputation être ternie par l'industrie, qui cherche en fait à faire disparaître sa concurrence».

Il a par la suite envoyé une déclaration et a répondu qu'il n'avait pas d'autres commentaires à faire.

Echovita répond à chaque plainte du Better Business Bureau en indiquant que la société peut procéder à des remboursements complets, mais que les articles qu'elle vend sont «réels et conformes à la publicité».

Pour Jimmy Jolicoeur, vendre des fleurs ou des bougies virtuelles en plus de republier la nécrologie de son père est un crime, qu'il soit techniquement légal ou non.

«Ce que nous disons, c'est que, tout d'abord, nous avons été volés», a-t-il lancé. «On nous a volé la vie de mon père.»

Sur le site d'Echovita, les bougies virtuelles coûtent entre 7,99 dollars pour un mois et 24,99 dollars pour l'éternité.

Jimmy se dit particulièrement offensé par le fait que le site vende des bougies et des fleurs pour son père, qui a choisi de faire des dons à deux organismes - la Société de recherche sur le cancer et le Comptoir alimentaire Le Grenier - au lieu d'offrir des fleurs.

«Une bougie virtuelle ne signifie rien pour personne», s'insurge Jimmy. «Il y a des gens qui achètent ces bougies virtuelles. D'une manière ou d'une autre, c'est du vol. Sans parler du fait que nous n'avons pas donné notre accord pour vendre ce genre de gadgets.»

Marie-Eve Garneau, directrice générale du salon funéraire où s'est déroulé le service de Patrice Jolicoeur, avance que les salons funéraires croient également que le site exploite les familles et les amis des proches.

«Nous n'aimons pas le fait que les familles ne soient même pas au courant. Selon nous, ce n'est pas vraiment légitime car vous utilisez un moment où les gens sont très vulnérables et vous en profitez», a-t-elle souligné, ajoutant que de nombreuses familles se sont plaintes auprès d'elle qu'une nécrologie, parfois avec des informations erronées, a été publiée sur Echovita sans leur consentement.

Echovita n'est pas la première entreprise à entrer dans le domaine des annonces nécrologiques en ligne.

En 2019, un juge fédéral a statué qu'Afterlife - une entreprise dans laquelle Pascal «Paco» Lecler était également impliqué - violait les lois sur le droit d'auteur et l'a condamnée à payer 20 000 dollars dans le cadre d'un recours collectif. 

En réponse à une plainte du Better Business Bureau, Echovita a déclaré que «lorsque les nécrologies sont affichées sur Internet, nous partageons en outre les faits de base uniquement dans un format d'avis de décès pour informer la société de la personne décédée, ce qui est tout à fait légal».

Pour la famille Jolicoeur, la réimpression de sa nécrologie est offensante.

«Ce n'est pas seulement mon père, ce n'est pas seulement nous qui sommes volés, ce sont des milliers et des milliers de Québécois qui se font voler la vie d'un être cher et qui ont perdu le lien ou qui ont perdu la responsabilité ou qui n'ont pas donné leur accord de divulgation à la diffusion de cet avis de décès», a-t-il conclu.

Daniel J. Rowe
Daniel J. Rowe / CTV News