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Les populations de caribous du Québec, fortement perturbées par l’activité humaine, poursuivent leur déclin, selon de nouveaux inventaires.
Les populations de caribous du Québec, fortement perturbées par l’activité humaine, poursuivent leur déclin selon de nouveaux inventaires qui seront publiés lundi par le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs.
La Presse Canadienne a consulté les inventaires des populations de caribous réalisés en 2021 et 2022 dans la région de la Gaspésie, du Nord-du-Québec et de la Côte-Nord, et dans les trois régions, les populations continuent de décliner, principalement en raison de la destruction de leur habitat. Seule la population de caribous de Caniapiscau serait en croissance.
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Le ministère a réalisé ces inventaires à l’aide d’avions, d’hélicoptères, de caméras déployées sur le territoire et dans certains cas, grâce au suivi télémétrique, donc en utilisant des colliers de type GPS.
Les populations «Outardes» réfèrent à plusieurs hardes de caribous forestiers qui vivent dans les régions de la Côte-Nord et du Saguenay–Lac-Saint-Jean et le ministère estime que leur nombre total se situerait entre 803 et 1180, «réparti au sein de 67 groupes comptant de 1 à 85 individus».
Ce nombre est «en déclin» et «sous les seuils estimés pour espérer l’autosuffisance de la population».
À quel point ces populations diminuent-elles? Il est difficile de le déterminer selon le directeur général de la coordination de la gestion de la faune au ministère de l’Environnement.
«C'est le premier inventaire où on faisait exactement cette ampleur-là et cette superficie, donc avant ça, on n'avait pas d'échantillonnage aussi précis, alors c’est difficile d’avoir des comparatifs robustes», a expliqué Carl Patenaude-Levasseur à La Presse Canadienne.
Le ministère émet toutefois l’hypothèse d’une diminution « moyenne de 11 % de la population par année».
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Selon les documents des inventaires, les principales perturbations à l’habitat de cette population de caribous sont les chemins forestiers, les coupes forestières et les brûlis (le défrichement par le feu).
Dans ces régions, l’industrie forestière a enlevé une grande partie de la vieille forêt et l’a remplacée par des arbres plus jeunes, privant ainsi le caribou de son habitat et de sa nourriture. Également, les chemins forestiers favorisent le déplacement des prédateurs naturels du caribou comme l’ours et le loup.
Selon le ministère de l’Environnement, «la faible abondance au sud du 51e parallèle pose un risque d’extinction local des groupes de caribous retrouvés dans le sud de l’aire de répartition de l’espèce sur la Côte-Nord».
Seule bonne nouvelle, plus au nord du territoire, 329 caribous de la population Caniapiscau ont été répertoriés, mais les responsables des inventaires estiment que sa taille réelle pourrait être de 484 individus.
La zone étudiée à la fin de l’hiver 2022 ne représentait que 8,2 % de l’aire de répartition de cette population, mais les données sont suffisantes pour que le ministère estime que cette population, qui vit en partie dans des aires protégées, est «en croissance».
Dans le Nord-du-Québec, les données des survols aériens effectués par les équipes du ministère permettent d’évaluer la population de caribous forestiers de la harde Nottaway à 282 individus, comparativement à 308 en 2016.
Le déclin de la population pourrait donc être de 8% en six ans. Mais des modèles scientifiques qui utilisent la télémétrie satellitaire fournissent des estimations beaucoup plus pessimistes.
Ce qui fait dire au ministère que «l’ampleur exacte de ce déclin est difficile à établir avec certitude» et «il est possible d’estimer que l’abondance de la population pourrait avoir diminué d’un ordre de grandeur de 8 % à 28 % au cours des six dernières années.»
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L’aire d’étude des caribous de Nottoway s’étend dans le territoire traditionnel des Cris de la Baie-James : des environs de Matagami au sud, jusqu’à proximité de la rivière Rupert au nord, et de la rivière Harricana à l’ouest jusqu’aux lacs Evans, Soscumica et Matagami à l’est.
Un total de 39 groupes de caribous ont été localisés au cours de l’inventaire et la taille des groupes variait de 1 à 21 individus.
Le ministère évalue que le taux de survie est de 81% pour les femelles et de 71% pour les mâles, ce qui «demeure relativement faible pour les deux segments de la population adulte et une attention particulière devra donc y être portée au cours des prochaines années afin d’identifier une éventuelle problématique».
Les caribous montagnards de la Gaspésie vivent dans les massifs montagneux des Chic-Chocs et des monts McGerrigle. Cette population a été désignée comme espèce menacée en 2009 au Québec.
«C’est une population isolée excessivement précaire», a précisé Carl Patenaude-Levasseur.
«On en a vu 33 en 2021, comparativement à 42 l’année d’avant» avec «les mêmes méthodes, ce qui indique un certain taux de décroissance».
L’inventaire de l’automne 2021, réalisé grâce à un survol aérien et le déploiement de 74 caméras, a été réalisé dans trois secteurs : les monts Albert, McGerrigle et Logan.
«Le taux élevé de mortalité des faons par la prédation, le taux de mortalité relativement important chez les adultes, la faible taille de la population, l’absence d’échange au sein de la population en raison de la fragmentation du territoire, et le manque d’habitats préférentiels non fragmentés, mettent en péril le maintien de cette population», peut-on lire dans les documents des inventaires du ministère.
Les chercheurs soulignent également qu’une étude récente démontre que la superficie des habitats de l’ours noir et du coyote, des prédateurs du caribou, «a augmenté dans un rayon de 30 km autour de l’habitat légal des caribous de la Gaspésie au cours des 30 dernières années». Il est également indiqué que «la transformation du paysage forestier pourrait avoir contribué à l’exacerbation de la pression de prédation sur le caribou, particulièrement sur les faons».
L’équipe de rétablissement du caribou forestier du Québec estimait qu’il restait entre 5635 et 9981 caribous sur le territoire dans la période allant de 2005 à 2016.
Mais ces estimations ne correspondent plus à la réalité et les inventaires qui ont cours dans plusieurs régions du Québec, permettront d’avoir un portrait plus clair de l’ampleur du déclin de cet animal emblématique.
Le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs prévoit «la livraison de la stratégie pour les caribous forestiers et montagnards» à l’été 2023.