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Des centaines de candidates à la profession infirmière auraient été privées de leur droit de pratique parce que leur ordre professionnel les aurait fait échouer artificiellement l'examen.
Des centaines de candidates à la profession infirmière auraient été privées de leur droit de pratique parce que leur ordre professionnel les aurait fait échouer artificiellement l'examen. C'est ce que révèle le commissaire à l'admission aux professions dans le deuxième rapport d'étape de son enquête sur le fiasco de l'examen de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ) à l'automne 2022.
Dans ce second volet de son analyse, le commissaire André Gariépy remet en cause la fiabilité et la validité de l'examen, mais offre des recommandations pour y remédier.
Me Gariépy s'est s'attardé à la méthodologie derrière la conception de l'examen et critique sévèrement l'OIIQ pour son manque de rigueur. On peut lire dans les faits saillants de son deuxième rapport d'étape que «depuis plusieurs années, le coefficient statistique de fiabilité de l'examen est faible».
Il ajoute un peu plus loin que «la documentation servant habituellement à la construction de l'examen et à sa validité n'a pas été révisée depuis plus d'une décennie», malgré que des changements importants ont été apportés à l'examen lui-même.
Pire encore, le commissaire affirme qu'«en raison d'enjeux de confiance» dans son propre examen, l'OIIQ aurait décidé, en 2021, «de hausser systématiquement la note de passage au-delà de la note établie par la méthode convenue».
Ainsi, cette hausse que Me Gariépy juge non justifiée aurait fait basculer en échec quelque 500 candidates à l'examen de septembre 2022. Or, ces aspirantes infirmières ont été privées de leur droit de pratique sans que l'ordre puisse véritablement juger de leur compétence.
«C'est autant de futures infirmières qui auraient pu avoir leur permis d'exercice à l'automne 2022 et contribuer au réseau de la santé», assène-t-il dans son rapport.
Afin de remédier à la situation, le commissaire demande «à ce que les résultats de septembre 2022 soient recalculés à partir d'une note de passage revue et pleinement justifiée».
Le commissaire s'intéresse également à l'incapacité de l'ordre à maintenir un niveau de difficulté équitable d'un examen à l'autre. Il s'intéresse aussi à la pertinence des questions de l'examen et à ce qu'on cherche réellement à évaluer.
Pour l'appuyer dans son travail d'analyse, le commissaire a mandaté le Dr Jack Gerrow, un expert ayant oeuvré dans le développement d'outils d'évaluation des compétences des dentistes et professeur émérite de l'Université Dalhousie. C'est son rapport d'expertise qui est accablant pour l'OIIQ.
On peut y lire notamment que l'«Ordre ne dispose pas d'une analyse des tâches de la profession infirmière spécifique à la construction d'un examen».
Il révèle aussi que le conseil d'administration de l'ordre a décrété l'ajout d'une «erreur de mesure» en 2021 parce que les taux de réussite dépassaient les 90 %.
Ailleurs dans le rapport, une citation tirée d'un document fourni par l'ordre mentionne que «l'examen ne permet pas de voir si la personne est compétente ou non, mais il permet de mettre une barrière, en termes de protection du public».
Huit recommandations ainsi qu'une «feuille de route» sont soumises à l'ordre afin de l'aider à corriger les failles identifiées par le commissaire. Me Gariépy suggère notamment l'embauche d'un expert psychométricien pour restructurer la méthodologie de son examen.
La présidente du Conseil du Trésor, Sonia LeBel, a réagi sur Twitter en qualifiant les enjeux soulevés par le rapport de «préoccupants». «Je m’attends à ce que l’Ordre (…) mette rapidement en application la recommandation concernant le recalcul de la note de passage. On ne peut se priver d’infirmières qualifiées sur le terrain», a-t-elle ajouté.
Par voie de communiqué, l'OIIQ a dit «prendre acte» du nouveau rapport et s'accorder quelques jours pour en analyser le contenu avant de réagir.
En septembre 2022, seulement 51,4% des candidates ayant tenté leur chance pour la première fois ont obtenu la note de passage de 55% à l’examen d'accès à la profession infirmière. En incluant les candidates qui avaient déjà échoué dans le passé, le taux de réussite général chutait à 45,4%.
Dans le deuxième rapport, on apprend une nouvelle donnée encore plus frappante. Les candidates formées hors Québec, que ce soit dans d'autres provinces ou d'autres pays, ont obtenu un taux de réussite de 15 %.
Devant ce taux d’échec disproportionné, le commissaire Gariépy a ouvert une enquête. Dans son premier rapport d’étape, le commissaire Gariépy indiquait avoir noté «des éléments préoccupants tant sur l’examen que sur la formation des personnes candidates».
À ce sujet, l'enquête se poursuit sur la qualité de la formation et de la préparation des personnes candidates. Les résultats portant sur cette hypothèse seront dévoilés dans un troisième rapport d'étape.
Au moment du dévoilement des résultats, l’OIIQ avait blâmé le contexte de la pandémie pour justifier un cadre d’apprentissage ou de préparation à l’examen inadéquat pour les étudiantes des différents programmes de soins infirmiers.