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Mais que se passe-t-il avec nos adolescentes et nos adolescents?
Les élèves du secondaire au Québec – autant les filles que les garçons – se portent moins bien qu'avant sur le plan psychologique, selon la troisième Enquête québécoise sur la santé des jeunes de secondaire 2022-2023, diffusée mercredi par l'Institut de la statistique du Québec (ISQ). Mais que se passe-t-il avec nos adolescentes et nos adolescents?
L'enquête de l'ISQ démontre une augmentation significative des troubles mentaux confirmés par un professionnel de la santé chez les jeunes du secondaire au Québec entre 2010-2011 et 2022-2023. C'est environ 8% des filles et 3,8% des garçons qui ont pris des médicaments pour des symptômes d'anxiété ou de dépression, et environ 12% de filles et 19% de garçons qui ont pris des médicaments pour des symptômes de TDA/TDAH.
Les sources d'anxiété affectant la santé mentale de nos jeunes peuvent être nombreuses. Pour une première fois, l'Institut de la statistique a mesuré le concept d'écoanxiété qui semble être l'un des éléments perturbateurs: environ 41% des jeunes ados interrogés ressentent parfois de l'écoanxiété alors que 17% en ressentent souvent et 8% toujours ou presque toujours.
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«Les sentiments d’écoanxiété sont plus présents chez les filles que chez les garçons : 37 % en vivent souvent ou presque toujours comparativement à 14 % des garçons», précise-t-on dans le résumé de l'Enquête québécoise sur la santé des jeunes de secondaire.
La Dre Annie Loiseau, psychiatre de l’enfant et de l’adolescent qui pratique à Rimouski et administratrice sur le conseil d'administration de l’Association des médecins psychiatres du Québec, a expliqué à Noovo Info que l'écoanxiété n'est pas un phénomène nouveau, mais qu'il est plus d'actualité qu'il y a 10 ou 20 ans.
«Pour les années à venir, ils savent que ça va être plus difficile, et ça, ça peut entraîner de l'anxiété parce que c'est de l'incertitude et c'est une situation sur laquelle ils n'ont pas beaucoup de contrôle», ajoute-t-elle.
Les préoccupations des jeunes sont nombreuses, selon la Dre Loiseau. En consultation, elle affirme qu'il est souvent question d'anxiété sociale, d'anxiété de performance, de stress face à l'école et la pression qu'elle engendre, de troubles alimentaires, d'attaque de panique ou encore de phobies (peur d'être malade, peur des microbes, peur de vomir, etc.).
La Dre Annie Loiseau souligne que pour aider nos jeunes, nos ados, à faire face à l'anxiété, il faut s'assurer qu'ils aient accès à un environnement sécurisant, à des repaires, à des limites claires et à un milieu soutenant lorsqu'ils vivent des difficultés.
«L'encadrement parental peut avoir un impact sur l'anxiété», explique-t-elle mentionnant qu'il faut faire attention à la négligence, mais aussi à la surprotection.
«Avec la surprotection, on ne montre pas à nos enfants ou à nos ados à vivre des échecs, à faire des essaie-erreurs ou à tolérer la contrariété. À trop les protéger, des fois on leur nuit parce qu’ils sont plus capables de gérer des stresseurs…», explique la psychiatre.
Est-ce que le regard des jeunes sur eux a changé au cours des dernières années? Oui, et malheureusement de façon négative alors que la proportion d’élèves qui affichent un niveau élevé d’estime de soi est en baisse: elle est passée de 20 % en 2010-2011 à 12 % en 2022-2023. La baisse est marquée tant chez les filles que chez les garçons.
Qu'est-ce qui peut provoquer une baisse de l'estime de soi chez nos jeunes? Il y a évidemment plusieurs hypothèses possibles, mais la présence régulière des réseaux sociaux dans la vie de nos ados pourrait bien jouer un rôle.
«Les réseaux sociaux entrainent de la comparaison. Il faut dire que ce qui est mis sur les réseaux sociaux s’est souvent édulcoré. [...] On met la meilleure image. Nous sommes dans le paraître, mais un paraître qui plus beau que la réalité. La comparaison peut avoir un effet sur l’estime de soi», explique la Dre Loiseau.
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D'autres éléments qui peuvent affecter la santé mentale des adolescentes et adolescents : trop d'écrans et pas assez de sommeil.
Selon l'étude de l'ISQ, près du quart des élèves du secondaire passent habituellement 4 heures ou plus par jour devant un écran pour les communications et les loisirs, tant durant la semaine d’école que durant la fin de semaine. «Cette proportion est plus élevée chez les filles (28 %) que chez les garçons (23 %)», précise-t-on.
Par ailleurs, près de la moitié (48 %) des jeunes du secondaire dorment habituellement moins que la durée recommandée durant la semaine d’école, une augmentation de 24% par rapport à 2016-2017. «Les filles sont proportionnellement plus nombreuses que les garçons à dormir moins que la durée recommandée», note l'ISQ.
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Pour la Dre Loiseau, il est clair que les écrans ont un impact sur le sommeil, tant sur sa durée que sur sa qualité.
«Les écrans peuvent évidemment altérer les bonnes habitudes de vie. On a plusieurs jeunes qui gardent leur téléphone dans leur chambre durant la nuit [...], et ça, ça peut perturber le sommeil», explique la psychiatre.
L'ISQ dévoilait mardi d'autres données en lien avec l'Enquête québécoise sur la santé des jeunes du secondaire 2022-2023, notamment des données indiquant que moins de jeunes au secondaire consomment de l'alcool, des boissons sucrées et de la malbouffe, mais ce ne sont pas toutes leurs habitudes qui s'améliorent. Ils sont aussi plus nombreux à être inactifs, à prendre des actions pour modifier leur poids et à ne pas déjeuner avant d'aller à l'école.
«Une des choses qui est sortie du lot c'est qu'on voit pour les données de 2022-2023 que les filles sont plus nombreuses en proportion à avoir des comportements... disons à risque. Elles sont plus nombreuses que les garçons à consommer de l'alcool ou à consommer de façon excessive, aussi plus nombreuses que les garçons à consommer du cannabis. C'est la première fois qu'on voit cette différence entre les deux genres», avait alors commenté Florence Conus, professionnelle de recherche et porte-parole de l'ISQ.
Les adolescents sont plus nombreux à partir le ventre vide à l'école. Près de 26 % d'entre eux n’ont pas consommé d’aliments ou de boissons le matin avant leurs cours durant la semaine d’école précédant l’enquête, une proportion qui a plus que doublé depuis 12 ans. Cette proportion est par ailleurs plus élevée chez les filles (32 %) que chez les garçons (21 %).
Des données qui parlent d’une hausse des cas de problèmes mentaux et d’anxiété chez nos jeunes n’ont rien pour rassurer. Toutefois, il y a peut-être matière à y voir du positif.
«C’est peut-être aussi une bonne nouvelle dans le sens où on parle de plus en plus de santé mentale, on fait de plus en plus attention aux symptômes et à leurs répercussions, on discute de tout ça plus ouvertement», souligne Marie-Claude Roberge, conseillère scientifique en promotion de santé mentale et prévention du suicide à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).
Mme Roberge fait aussi remarquer que chaque fois qu’un enjeu est discuté sur la place publique, peu importe sa nature, il y a plus de cas qui sont rapportés.
Pour Marie-Claude Roberge, il est aussi important de garder en tête que ce ne sont pas tous les jeunes qui vont mal et que la société québécoise aurait tout intérêt à mettre les efforts nécessaires pour bâtir des milieux de vie qui aide à prendre soin de la santé mentale des jeunes – et moins jeunes – des lieux où ils peuvent s’exprimer, s’épanouir et se valoriser.
Avec des informations de La Presse canadienne.