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Le nombre de ventes sur le territoire québécois a reculé de 18% au troisième trimestre.
La hausse des taux d'intérêt a eu l'effet d'une douche froide sur la surchauffe de l'immobilier résidentiel au Québec, selon les données de l'Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ). La tendance risque de se poursuivre pour la prochaine année, ajoute une économiste du Mouvement Desjardins.
Que ce soit la baisse du nombre de propriétés vendues, l'augmentation de l'offre (nombre d'inscriptions), les délais plus longs pour trouver un acheteur ou la diminution des prix par rapport au sommet d'avril, les principaux indicateurs pointent vers un ralentissement du marché immobilier résidentiel, qui avait connu une surchauffe en 2021 et au début de l'année 2022.
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Signe du ralentissement, le prix médian d'une unifamiliale a diminué de près de 10 % pour la période comprenant les mois de juillet, août et septembre, comparativement aux trois mois précédents, passant de 448 694 $ à 400 000 $, selon les données de l'APCIQ. Ce prix demeure tout de même 10 % plus élevé qu'à la même période l'an dernier.
Le nombre de ventes sur le territoire québécois a reculé de 18 % au troisième trimestre, par rapport à la même période l'an dernier, pour s'établir à 18 146 transactions, selon les données de l'APCIQ. Le chiffre est inférieur à la moyenne prépandémique pour un troisième trimestre.
Il s'agit d'un changement de cap important depuis le mois d'avril, commente Hélène Bégin, économiste principale du Mouvement Desjardins. «Les ventes ont quand même passablement diminué, assez rapidement, en raison notamment de la montée des taux hypothécaires qui s'est accélérée. Ça confirme ce qu'on avait anticipé il y a quelques mois. Le marché se refroidit assez drastiquement.»
Le recul du phénomène de surenchère est un élément marquant du dernier trimestre, répond Charles Brant, directeur de l'analyse de marché de l'APCIQ. En avril, 29,5 % des transactions ont été réalisées à un prix supérieur d'au moins 10 % par rapport au prix demandé. En septembre, seulement 5,8 % des transactions ont été faites à une surenchère d'au moins 10 %.
«Il y avait un phénomène de surenchère qu'on n'avait pas vu depuis la fin des années 1990, commente M. Brant. Ça a entraîné une surévaluation des prix par rapport à la valeur réelle des propriétés.»
Marc Lefrançois, courtier immobilier agréé chez Royal LePage Tendance à Montréal, a constaté le changement d'état d'esprit de ses clients. «Il y a beaucoup d'incertitude qui a fait croire aux acheteurs que s'ils attendent un peu, ils ne paieront pas 25 % plus cher l'an prochain, mais peut-être qu'ils vont même payer moins cher. Ça s'est généralisé assez vite, ce changement de mentalité là.»
Les vendeurs ne sont ainsi plus rois et maîtres dans un marché qui s'est rééquilibré. «Les acheteurs ont le temps, les maisons ne se vendent pas en deux jours. [...] J'ai une maison qui est en négociation depuis 10 jours. On fait des offres, des contre-offres, constamment. On n'aurait jamais pu faire ça l'an dernier.»
Les données de l'APCIQ démontrent que la situation est différente d'une région à l'autre, souligne l'économiste.
L'activité a connu les plus forts ralentissements dans les régions où le phénomène de surévaluation était le plus important. Les ventes ont chuté de 23 % dans la grande région de Montréal et de 19 % dans la région de Gatineau. À Québec, la diminution est de 9 % tandis que l'activité recule de 15 % dans la région de Sherbrooke.
En comparaison, l'activité est demeurée stable à Trois-Rivières et Saguenay (0 % et 1 %, respectivement).
La tendance risque de se poursuivre pour les prochains mois tandis que la Banque du Canada n'a pas terminé de hausser son taux directeur, anticipe Mme Bégin. «Le plein effet de la hausse des taux d'intérêt ne s'est pas encore fait sentir, ce n'est que le début d'une période de correction pour le marché immobilier résidentiel, qui avait connu, il faut le dire, des excès significatifs pendant la pandémie.»
L'économiste prévoit que les prix vont continuer de baisser «jusqu'à la fin de 2023», dans une proportion de 15 % à 20 % par rapport à leur sommet.«La raison est simple: il y a beaucoup moins d'acheteurs qui sont en mesure de contracter un prêt pour faire l'achat d'une propriété. Ceux qui sont en mesure d'avoir un prêt, bien souvent, le montant n'est pas nécessairement suffisant pour passer à l'action immédiatement.»
«Il y a moins d'acheteurs potentiels, les gens sont plus prudents et ça fait en sorte que le marché va continuer de se corriger», ajoute-t-elle.
Malgré les soubresauts du marché, les acheteurs et les vendeurs ne devraient pas nécessairement retarder leur projet dans l'attente que l'incertitude passe, suggère M. Lefrançois qui estime que le marché «est plus à l'équilibre qu'en mode panique».
Personne ne peut prédire l'avenir, insiste-t-il. Le rapport de force pourrait pencher encore plus à l'avantage des acheteurs, mais l'inverse serait tout aussi possible.
«Si jamais le taux d'inflation se met à diminuer et que la Banque du Canada dit qu'elle va arrêter la hausse de taux d'intérêt et que les taux hypothécaires reviennent à 3 %, bien-là, ce n'est pas impossible que le marché s'enflamme aussi rapidement.»
«Pour le vendeur, si vous attendez entre maintenant et l'hiver, je ne suis pas sûr que vous allez gagner beaucoup à attendre. Inversement, aux acheteurs, je dis: ''profitez-en pendant que vous pouvez négocier''».