Début du contenu principal.
Situé dans Rosemont-La Petite-Patrie, dans un demi-sous-sol, le Jardin Vertical veut prendre racine dans plusieurs arrondissements de Montréal.
À l’extérieur, l’enseigne Uniformes Drolet orne le bâtiment. Mais à l’intérieur, au sous-sol, se trouve une ferme urbaine verticale peu conventionnelle. L’agriculture du futur prend peu à peu racine en ville.
Derrière deux portes vitrées, des rangées de tours arrondies accueillent des plants de ciboulettes, de laitues romaines, de basilic, de coriandre, pour ne nommer que ceux-là. Ces imposants présentoirs cachent des racines bien en santé. Aucune trace de terre à l’horizon.
Le Jardin Vertical, une ferme urbaine située dans l’arrondissement de Rosemont-La Petite-Patrie, à Montréal, a ouvert ses portes cet hiver, mais, caresse déjà de grandes ambitions.
Pour le fondateur Chad Taylor et sa femme et cofondatrice, France Chouinard, il s’agit de «l’avenir de l'agriculture».
«L’objectif, c'est d'ouvrir plusieurs fermes verticales à Montréal dans les arrondissements les plus populeux», indique Mme Chouinard.
«Ça met vraiment de l’avant l’hyperlocalisation, renchérit-elle. Le but de notre ferme, c'est de pouvoir nourrir les résidents de Rosemont-La Petite-Patrie à l’année longue. Douze mois par an, on peut fournir des produits frais à notre communauté.»
Pour y parvenir, les deux acolytes utilisent des Tower Farms, les premiers au Canada à se doter de celles-ci de manière commerciale, affirment-ils. Pour assurer une croissance et une qualité supérieure à leurs récoltes, ils ont recours à ce qu’on appelle de l’aéroponie.
«Une fois par heure, l'eau monte et descend dans les tours, mais le reste du temps, les racines demeurent dans l’air, explique M. Taylor, qui a découvert ce procédé en 2019. Celles-ci peuvent ainsi mieux respirer. C'est pourquoi les plantes grandissent plus vite et le goût est plus prononcé.»
Jennyfer Exantus/Noovo Info. D’ici trois ans, le Jardin Vertical vise à installer 300 tours.
Toutes sortes de verdures sont disponibles à la petite épicerie de leur ferme, ouverte au public deux fois par semaine, dont de la roquette quelque peu épicée.
«Les patates, les carottes, les betteraves, les aliments comme ceux-ci, on laisse cela aux fermes traditionnelles, précise celui qui a grandi au sein d’une famille de fermiers, aux États-Unis. Nous, on se concentre principalement sur les verdures.»
L’avantage de ce type d’agriculture, c’est qu’en été, les deux fermiers urbains utilisent un minimum de climatisation pour entretenir cette ferme qui prévoit accueillir près de 300 tours d’ici trois ans. Et en hiver, ils comptent utiliser un minimum de chauffage.
Un peu plus tôt ce mois-ci, le promoteur Devimco annonçait vouloir s’établir dans l’élévateur à grain no 5, plus communément appelé Silo no 5, pour y aménager une gigantesque ferme urbaine verticale sur près de 20 000 mètres carrés.
Oui, l’agriculture verticale gagne du terrain, et surtout, emprunte le sentier des bâtiments désertés. Et des métropoles comme Montréal en sont bien garnies.
Pourrait-on voir de plus en plus d’usines et d’entrepôts abandonnés être reconvertis en fermes urbaines verticales au cours des prochaines années?
«C’est une avenue intéressante pour produire de la nourriture parce qu’effectivement, comparé à une production en champ, on a besoin de beaucoup moins de mètres carrés et de superficie parce qu’on est en structure verticale», estime Pascal Thériault, directeur du programme de gestion et technologies d’entreprise agricole, à l’Université McGill.
«Nos économies changent, poursuit-il. On a plein de bâtiments dans les grands centres qui ont déjà été utilisés pour d'autres choses dans le passé, que ce soit des usines ou des entrepôts, et qui peuvent facilement être réutilisés pour faire de l’agriculture verticale.»
Un contexte gagnant-gagnant? Pas si vite. Pour Chad Taylor et France Chouinard, le chemin menant à l’ouverture de leur ferme a été assez hasardeux.
«Au début, la Ville nous a dit: “Non, vous n'êtes pas capables de faire ça dans une bâtisse”», relate M. Taylor, qui doit également faire face à des réticences concernant les enjeux d’humidité.
«Elle a cependant travaillé vraiment fort au niveau de la loi pour obtenir les changements nécessaires, se rappelle-t-il. Après plusieurs appels et échanges de courriels, on a mis la main sur un permis, et maintenant, on est capables de faire ça dans un bâtiment.»
Gracieuseté/Jardin Vertical. Une partie du demi-sous-sol est occupée par le Jardin Vertical.
Une situation peu surprenante considérant que l’agriculture en structure verticale est beaucoup moins répandue que l’agriculture urbaine sur les toits, par exemple.
«Quand on parle d'agriculture verticale, il y a beaucoup de producteurs et beaucoup de productions qui sont en phase d’essais et d'erreurs parce qu'on est encore dans les balbutiements et le déploiement de ces technologies-là», note M. Thériault.
«En fonction de la production, certaines méthodes, qu'on parle d’aéroponie ou d’hydroponie, peuvent mieux fonctionner ou pas, renchérit l’agroéconomiste. Ça peut dépendre aussi des bâtiments dans lesquels les producteurs sont installés.»
En 2050, la population mondiale devrait atteindre 9,7 milliards de personnes, soit une croissance de deux-milliards d’individus, selon les prévisions de l’Organisation des Nations Unies (ONU), émises en 2019. Environ 70% de la population mondiale vivra en ville, alors que la population urbaine actuelle avoisine les 55%.
La popularité croissante de l’agriculture verticale mènerait-elle éventuellement vers une autonomie alimentaire?
«Dans les 10 à 15 prochaines années, je pense qu'on va continuer à avoir du développement de l'agriculture urbaine en complément aux cultures traditionnelles, juge M. Thériault. Mais ensemble, cela permettra d'augmenter notre offre alimentaire et d’enrichir notre diversité alimentaire.»
«Comme société, on a des choix à faire, ajoute-t-il. Est-ce que je suis pour l'autonomie alimentaire? Oui, absolument. Mais en même temps, je peux difficilement être pour une autarcie alimentaire où l’on serait complètement coupés des autres pays.»
D’ici à ce que de plus grands joueurs en agriculture urbaine jettent leur dévolu sur l’agriculture verticale, d’autres succursales de Jardin Vertical risquent de germer dans la métropole.