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Si les consommateurs et les entreprises s'attendent à ce que l'inflation reste élevée dans l'avenir, cette attente peut convaincre les entreprises de hausser leurs prix, et les travailleurs de demander des salaires plus élevés.
Tout ce qui monte ne doit pas nécessairement redescendre, malgré ce que voudrait croire une proportion étonnamment grande des répondants à la plus récente enquête trimestrielle de la Banque du Canada sur les attentes des consommateurs.
D'après les résultats de ce sondage, publiés la semaine dernière, plus du quart des Canadiens croit que les prix à la consommation, qui ont grimpé avec la plus forte inflation en plusieurs décennies, redescendront d'ici cinq ans.
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«Tout ce qui monte doit redescendre», a lancé un des répondants lors d'une entrevue de suivi.
Cette idée a cependant été accueillie par un haussement de sourcils à la banque centrale.
La probabilité de déflation dans cinq ans est «extrêmement faible», a estimé le professeur d'économie Stephen Gordon, de l'Université Laval.
Même si certains prix redescendront, comme ça a été le cas avec ceux de l'essence, M. Gordon note que les hausses de prix pour les biens s'alimentent entre elles au sein de la chaîne d'approvisionnement, pour ensuite s'implanter dans l'économie.
«Elles commencent à s'ancrer dans les attentes des gens et elles deviennent une prophétie autoréalisatrice», a-t-il affirmé.
Entre-temps, la Banque du Canada a indiqué que la confusion entre la déflation (un recul des prix) et la désinflation (un ralentissement de la croissance des prix) ne pouvait pas expliquer la forte proportion de Canadiens qui s'attendent à une déflation, puisque la différence entre les deux concepts était comprise par les répondants de son enquête.
La banque centrale surveille régulièrement les attentes au sujet de l'inflation dans l'économie pour s'assurer qu'elle a le contrôle sur la croissance des prix. Mais maintenant que l'inflation annuelle se situe largement au-dessus de son niveau cible de 2,0 %, les attentes au sujet de l'inflation sont une des principales inquiétudes de la Banque du Canada.
Si les consommateurs et les entreprises s'attendent à ce que l'inflation reste élevée dans l'avenir, cette attente peut convaincre les entreprises de hausser leurs prix, et les travailleurs de demander des salaires plus élevés.
Habituellement, les gens s'attendent à voir de la déflation lorsque l'économie ne va pas très bien. Cependant, la Banque du Canada a souligné que les répondants qui disaient s'attendre à de la déflation étaient moins susceptibles que les autres Canadiens de s'attendre à une récession dans les 12 prochains mois.
Ces répondants étaient en effet plus susceptibles de croire que l'inflation était causée par les entraves à la chaîne d'approvisionnement. Une fois ces pressions temporaires éliminées, plusieurs croient que les prix qui ont rapidement grimpé pourraient alors se mettre à diminuer.
Des biens, mais aussi des services
Même si le directeur des études économiques de la Banque TD, James Orlando, estime qu'un épisode de déflation est improbable en ce moment, il affirme comprendre la logique derrière l'impression de ces répondants.
«Une fois que les chaînes d'approvisionnement se seront rétablies, et elles se rétablissent très rapidement en ce moment, nous verrions de plus en plus de baisses de prix», a affirmé M. Orlando.
Les données sur l'indice des prix à la consommation ont déjà montré certaines baisses de prix dans les derniers mois. Par exemple, les prix des biens durables comme les meubles ont diminué entre les mois de novembre et décembre.
Cependant, cela ne signifie pas que l'économie va connaître une déflation généralisée, a précisé M. Orlando.
«Si nous ne croyons pas que l'inflation d'ensemble va être soutenue en territoire négatif (...), c'est parce que nous devons tenir compte du fait que l'économie n'est pas seulement constituée de biens, mais aussi de services», a-t-il affirmé.
Les prix des services sont alimentés par les salaires, a-t-il poursuivi, qui ne sont pas susceptibles de reculer en raison de leur nature persistante.
Même si la déflation pourrait sembler être une bonne nouvelle sur le coup, M. Gordon prévient que personne ne devrait souhaiter qu'elle se produise.
«Les entreprises devraient être en très mauvaise condition pour que les firmes coupent dans les prix. Et si elles devaient se trouver dans une telle situation, elles supprimeraient probablement des emplois», a-t-il dit.
Tout comme la forte inflation, la déflation déclencherait les sonnettes d'alarme de la banque centrale. Selon M. Orlando, le système économique canadien s'attend à ce qu'il y ait de l'inflation, et c'est quelque chose qui est ancré dans ses attentes.
Si les prix devaient commencer à reculer, cela forcerait la Banque du Canada à intervenir pour stabiliser les prix.
Pour l'instant, les inquiétudes de la banque centrale sont bien loin de porter sur la déflation.
L'inflation annuelle s'est établie à 6,3 % en décembre au Canada, une amélioration notable par rapport au mois précédent. Cela reste néanmoins beaucoup plus élevé que ce que voudrait la Banque du Canada.
Même si certains Canadiens semblent croire que les prix vont se «réparer» d'eux-mêmes, la Banque du Canada ne compte pas là-dessus et se prépare pour une nouvelle hausse de son taux d'intérêt directeur, mercredi. Il pourrait cependant s'agir de la dernière avant un bon moment.