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«Si nous l'avions su, nous aurions probablement retardé l'envoi de ces commandes.»
Andrew Brooks a commandé trois autobus scolaires à Lion Électrique le 20 novembre, juste avant l'Action de grâce aux États-Unis.
En tant que directeur d'un district scolaire de l'Illinois, M. Brooks travaillait depuis plus d'un an avec le constructeur de véhicules électriques du Québec pour demander une subvention fédérale américaine afin d'acheter les autobus électriques. Il a réalisé que l'entreprise était en difficulté financière seulement après les vacances, début décembre.
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C'est à ce moment-là qu'il a joint son contact chez Lion Électrique, pour découvrir qu'il avait été licencié. «Si nous l'avions su (...), nous aurions probablement retardé l'envoi de ces commandes», a-t-il confié en entrevue.
Maintenant, Andrew Brooks est l'un des nombreux clients de Lion Électrique aux États-Unis et au Canada qui attendent de voir ce que l'avenir de l'entreprise signifiera pour leurs propres efforts d'électrification. Certains ont pris des mesures pour se distancer du fabricant en difficulté, tandis que d’autres s’inquiètent de savoir si leurs autobus recevront toujours l’entretien dont ils ont besoin.
Fleuron de la mission du Québec de devenir une puissance des véhicules électriques, l’étoile de Lion Électrique a rapidement pâli au cours des derniers mois. L’entreprise, qui construit des autobus scolaires et des camions électriques, s’est placée sous la protection de ses créanciers en décembre après avoir connu plusieurs séries de licenciements l’année dernière et avoir arrêté la production à son usine de Joliet, dans l’Illinois. Avec une dette de 500 millions $ US, elle cherche maintenant un acheteur avec un plan de restructuration pour se concentrer uniquement sur les autobus et ramener toute la fabrication au Québec.
Lion Électrique a été l’un des principaux acteurs de la poussée vers l’électrification des autobus scolaires au Canada et aux États-Unis. L’entreprise affirme avoir environ 2200 véhicules électriques sur la route et une part de marché de 33 % des autobus scolaires électriques en Amérique du Nord, avec des livraisons dans 28 États et six provinces.
Mais maintenant, certains de ses clients sont inquiets. À l'Île-du-Prince-Édouard, le gouvernement a récemment annulé un appel d'offres pour l'achat de 12 nouveaux autobus électriques, et l'engagement de la province pour électrifier entièrement sa flotte d'autobus scolaires d'ici 2030 semble remis en question.
L'appel d'offres «a été annulé, car il n'y avait qu'une seule offre et, en raison de l'incertitude quant à l'avenir de Lion Électrique, la province a choisi de ne pas poursuivre l'achat d'autres autobus électriques pour le moment», a expliqué Vicki Tse, porte-parole du ministère de l'Éducation de l'Île-du-Prince-Édouard, dans un courriel.
L'Île-du-Prince-Édouard compte déjà 107 autobus électriques, ce qui représente près du tiers des 357 autobus de sa flotte – la proportion la plus élevée de toutes les provinces du Canada, selon Miriam Ponette, coordonnatrice de l’Alliance canadienne pour l’électrification des autobus scolaires. Mme Ponette a précisé que tous les autobus électriques de l'Île-du-Prince-Édouard proviennent de Lion.
Mme Tse n'a pas répondu directement lorsqu'elle s'est fait demander si la province prévoyait toujours électrifier sa flotte d'ici 2030. «Bien que les nouvelles de Lion Électrique ne soutiennent pas l'objectif de zéro émission nette d'électrifier l'ensemble de sa flotte d'autobus scolaires, nous sommes convaincus que les fabricants continueront d'investir et d'accroître la production d'autobus scolaires électriques dans les années à venir», a-t-elle déclaré.
Il y a actuellement environ 1900 autobus scolaires électriques sur les routes au Canada, a indiqué Mme Ponette. La grande majorité se trouve au Québec, qui offre des subventions pour l'achat d'autobus scolaires électriques. Le gouvernement fédéral offre également un financement pour acheter des autobus électriques, mais, selon Mme Ponette, ce programme a mis du temps à débloquer de l'argent.
Lion a évoqué la lenteur du déploiement des subventions fédérales comme l'un des principaux défis auxquels il est confronté. Dans un courriel, le porte-parole Patrick Gervais a déclaré que pendant la procédure de protection contre les créanciers, Lion «continuera à soutenir ses clients dans l'entretien et la réparation de leurs véhicules, y compris la garantie».
«Nous restons déterminés à fournir le plus haut niveau de soutien possible dans les circonstances.»
De retour dans l'Illinois, M. Brooks souligne que son district scolaire est bloqué dans sa commande alors que Lion Électrique est sous la protection des créanciers. Si l'entreprise ne trouve pas d'acheteur, il cherchera un autre fournisseur. «C'est triste pour eux», a-t-il affirmé.
Le district d'Andrew Brooks est l’un des nombreux aux États-Unis qui ont commencé à électrifier leur flotte grâce à un programme fédéral qui offre un financement pour remplacer les autobus au diesel par des modèles électriques. Le programme d'autobus scolaires propres comprend 5 milliards $ US sur cinq ans pour remplacer les bus existants, et Lion Électrique en a été l’un des principaux bénéficiaires.
L’entreprise québécoise comptait environ 1600 autobus scolaires électriques sur les routes aux États-Unis en décembre 2023, selon le World Resources Institute de Washington, et environ 1800 autres sont commandés. Ces chiffres sont supérieurs à ceux de ses deux principaux concurrents, Blue Bird Corporation et Thomas Built Buses, selon les données de l’institut.
Dans certains des districts qui utilisent déjà des autobus Lion, les responsables attendent de voir ce que signifiera pour eux une éventuelle vente de l’entreprise.
Richard Decman, responsable d’un district scolaire rural de l’Illinois au sud de Chicago, a déclaré qu’ils exploitaient 25 autobus de Lion depuis l’été dernier, soit environ la moitié de leur flotte. L’une des raisons pour lesquelles son district a choisi Lion est son usine de fabrication à Joliet, à quelques minutes en voiture.
Mais Lion a fermé cette usine en décembre, et il faut plus de temps pour obtenir des pièces de rechange depuis, selon M. Decman. Il s’inquiète de savoir si les garanties sur ses autobus seront maintenues si l’entreprise est vendue. «C’est notre plus grande préoccupation», a-t-il déclaré.
Lion Électrique a licencié la plupart de ses employés, les 160 restants se consacrant à aider les clients à entretenir leurs véhicules, selon l’entreprise.
M. Decman dit être satisfait de la performance des autobus jusqu’à présent et qu’il n'a eu que des problèmes d’entretien mineurs. Mais dans certains secteurs, cela ne s’est pas passé sans heurts.
Andrew Dolloff, responsable du département scolaire de Yarmouth, dans le Maine, a indiqué que son district avait acheté deux autobus de Lion Électrique en 2023 grâce à une subvention fédérale. À ce jour, a-t-il déclaré, ils ont été sur la route pendant moins d’un mois au total.
M. Dolloff a témoigné que les autobus affichent fréquemment des messages indiquant des problèmes de chauffage, d’électricité ou de batterie, forçant le district à les retirer du service. Il peut falloir des semaines ou des mois pour qu’un représentant de l’entreprise se rende sur place et règle le problème, a-t-il soutenu.
«Nous comptons sur une seule personne de Lion pour desservir cette région, et ils ont eu du mal à trouver cette personne, a-t-il souligné. Il y a eu beaucoup de rotation.»
M. Dolloff espère que les problèmes ne sont qu’«un obstacle sur la route» et a assuré qu’il essaie toujours de travailler avec l’entreprise. «Je ne sais pas si ce modèle particulier était prêt pour les heures de pointe, mais notre expérience a certainement montré qu’ils ne sont pas prêts pour nos élèves», a-t-il tranché.
À l’Île-du-Prince-Édouard, les conducteurs se sont également plaints aux médias locaux de problèmes avec les autobus de Lion, notamment de problèmes avec leur chauffage et d’une autonomie inférieure aux prévisions.
Autre mauvaise nouvelle pour l’entreprise: l’un de ses autobus a pris feu à Huntsville, en Ontario, lundi, bien qu’aucun blessé n’ait été signalé.
Dean Campbell, propriétaire de l'entreprise locale qui exploitait l'autobus, a déclaré que Lion Électrique enquêtait sur la cause, mais il a confirmé que les batteries n'étaient pas en cause. Il a précisé que son entreprise utilisait l'autobus depuis 2018, avec un «service satisfaisant».