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Environnement

Les 1% les plus riches «sont vraiment la cause de la crise climatique», conclut un rapport

Les 1% de personnes les mieux rémunérées sont responsables de manière disproportionnée de la crise climatique. Les chercheurs appellent à une augmentation des impôts sur le revenu, le patrimoine et les bénéfices des entreprises pour y remédier.

Une usine de sables bitumineux à Fort McMurray, en Alberta, en septembre 2023.
Une usine de sables bitumineux à Fort McMurray, en Alberta, en septembre 2023.
Alexandra Mae Jones / CTV News

Selon un nouveau rapport, les 1% de personnes les mieux rémunérées sont responsables de manière disproportionnée de la crise climatique, et les chercheurs appellent à une augmentation substantielle des impôts sur le revenu, le patrimoine et les bénéfices des entreprises pour y remédier.

Après cinq mois de records consécutifs de température mondiale, les climatologues affirment que le réchauffement climatique est devenu une question d'équité autant qu'une crise environnementale.

«Nous nous sommes penchés sur les 1% les plus riches et avons constaté que les émissions de carbone de ce groupe étaient suffisantes pour entraîner 1,3 million de décès supplémentaires au cours de ce siècle», a déclaré Ian Thomson, responsable des politiques à Oxfam Canada, dans une entrevue avec CTV News.

«Les super riches sont vraiment la cause de la crise climatique», a-t-il insisté.

Un nouveau rapport d'Oxfam relayé à CTV News met en évidence les disparités entre les responsables du réchauffement climatique et l'impact disproportionné qu'il a sur les pays du Sud.

Le rapport, intitulé Égalité climatique: une planète pour les 99%, comprend des données recueillies par l'Institut de l'environnement de Stockholm et affirme non seulement que les super-riches sont à l'origine de la crise climatique, mais aussi que le fardeau financier de la résolution de cette crise devrait également leur incomber.

Le rapport révèle qu'en 2019, le premier pourcent des personnes gagnant le plus d'argent dans le monde, c'est-à-dire celles dont le revenu minimum est de 140 000 dollars, a contribué à 16% des émissions mondiales de carbone.

C'est la même quantité d'émissions que les 66% les plus pauvres de l'humanité, soit environ 5 milliards de personnes.

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Selon le rapport, les émissions annuelles des 1% les plus riches annulent l'équivalent des économies de carbone réalisées par près d'un million d'éoliennes terrestres par rapport à l'énergie du charbon.

L'appel à l'action en faveur du climat intervient alors que de nouvelles données de l'Agence spatiale européenne (ESA) indiquent qu'il est «pratiquement certain» que 2023 sera l'année la plus chaude jamais enregistrée.

Le mois d'octobre a établi un record de température mondiale, avec une moyenne de 1,7 °C supérieure à celle de la période de référence préindustrielle.

Les données recueillies depuis janvier montrent que la moyenne annuelle est supérieure de 1,43 °C à la période de référence, soit moins d'un dixième de degré en dessous du seuil fixé par l'Accord de Paris. Cela signifie que 2023 sera presque certainement l'année la plus chaude de tous les temps.

Katharine Hayhoe, scientifique en cheffe du groupe de conservation Nature United, basé à Toronto, et professeur à l'Université Texas Tech, a souligné auprès de CTV News qu'il s'agit là d'une alarme «pour nous tous que cette question n'est plus une question d'avenir».

«Chaque dixième de degré permet d'éviter que la maison de quelqu'un soit inondée, que les récoltes soient perdues, que quelqu'un souffre d'épuisement dû à la chaleur et doive se rendre à l'hôpital ou pire encore. Tout ce que nous faisons est vraiment important.»
- Katharine Hayhoe, cheffe du groupe de conservation Nature United

Selon Oxfam, pour limiter le réchauffement climatique à long terme à 1,5 °C, il faut réduire de 48 % le total des émissions mondiales d'ici à 2030, mais l'Organisation météorologique mondiale prévoit que les températures dépasseront probablement cette limite au cours des quatre prochaines années.

Les riches causent le plus de dégâts, les pauvres subissent les pires conséquences

Selon le rapport, les inégalités mondiales et la crise climatique vont de pair.

Le constat est que le bilan meurtrier de la crise climatique pèse plus lourdement sur les régions les plus pauvres de la planète, les populations autochtones, les migrants et les femmes souffrant de manière disproportionnée. Ces groupes sont plus susceptibles de travailler à l'extérieur ou dans des maisons vulnérables aux conditions météorologiques extrêmes, ou ont moins de chances d'avoir les économies nécessaires pour se protéger en cas de canicule, de sécheresse, d'inondation ou d'incendie de forêt.

«Le changement climatique est sans aucun doute une question de justice et d'équité, et ce sont ceux qui ont le moins contribué au problème qui en subissent le plus les conséquences», a déclaré Mme Hayhoe.

«En inversant les choses, nous constatons que ceux qui créent ou génèrent la plus grande contribution à ce problème ont la plus grande responsabilité de faire quelque chose pour y remédier», a-t-elle ajouté.

Le rapport a utilisé une formule de «coût de la mortalité» de 226 décès supplémentaires dans le monde pour chaque million de tonnes de carbone pour calculer que 1,3 million de personnes pourraient mourir de causes liées à la chaleur en raison des émissions excédentaires produites par les 1% les plus riches.

Un tiers des émissions de carbone du groupe des 1% les plus riches provient des États-Unis, tandis que 40% des émissions de carbone du groupe des 10% les plus riches sont associées aux habitants de l'Amérique du Nord et des pays de l'Union européenne.

Mais l'écart de richesse entre les pays n'est pas la seule explication de la différence d'émissions. Le rapport révèle que l'inégalité des émissions entre les personnes les plus riches et celles qui vivent dans la pauvreté au sein d'un pays donné est désormais plus importante que l'inégalité des émissions entre les pays riches et les pays pauvres.

Selon les experts, les groupes qui contribuent le moins aux émissions sont plus susceptibles d'être victimes de conditions météorologiques extrêmes liées au climat, et ce, même au Canada.

«Si vous regardez qui est le plus touché ici au Canada, ce sont les gens qui ne sont pas logés, qui vivent dans la rue, qui n'ont pas accès aux ressources auxquelles la plupart d'entre nous ont accès, et qui, encore une fois, contribuent le moins (à la quantité d'émissions)», a énuméré Mme Hayhoe.

Le facteur milliardaire

Selon ce rapport, le revenu moyen du premier pour cent des personnes gagnant le plus d'argent dans le monde est de 310 000 dollars, mais si l'on considère le 0,01% des personnes gagnant le plus d'argent dans le monde, c'est là que l'on constate les émissions les plus importantes par personne, a dit M. Thomson. «Il s'agit en fait de la classe des multimillionnaires et des milliardaires.»

Les excès de l'extrême richesse peuvent avoir un impact considérable sur le climat. Le rapport cite une étude réalisée en 2022 par Greenpeace, selon laquelle les jets privés européens ont émis un total de 5,3 millions de tonnes de CO2 entre 2020 et 2023.

Bien que les jets privés, la navigation sur des yachts et les déplacements entre plusieurs domiciles représentent une part importante des émissions des 1% les plus riches, leur mode de vie somptueux n'est pas le véritable problème, selon M. Thomson.

Le gros problème, selon les données, est de savoir où les milliardaires investissent leur argent.

«Lorsque l'on analyse leurs investissements, le type d'industries dans lesquelles ils investissent, on s'aperçoit que c'est là que les émissions liées au réchauffement climatique commencent vraiment à augmenter», a déclaré M. Thomson.

Selon les données d'Oxfam, la part des investissements des milliardaires dans les industries polluantes était deux fois plus importante que celle de l'investisseur moyen, et ces investissements représentaient 50 à 70% des émissions des super-riches.

Une étude réalisée en 2022 par Oxfam auprès de 125 milliardaires a révélé qu'un seul d'entre eux avait investi dans une entreprise d'énergie renouvelable. En moyenne, les milliardaires émettent 3 millions de tonnes de CO2e (équivalence de dioxyde de carbone) chaque année par le biais de leurs investissements.

Oxfam préconise un impôt sur la fortune pour les millionnaires et les milliardaires du monde entier, ainsi qu'un large impôt sur les bénéfices exceptionnels des entreprises, afin de financer des solutions à la crise climatique.

On parle de bénéfices exceptionnels lorsqu'une entreprise engrange des profits nettement plus élevés que d'habitude ou que prévu, ce qui signifie qu'ils dépassent les profits nécessaires pour assurer le succès et le fonctionnement de l'entreprise.

Selon le rapport, 45 entreprises du secteur de l'énergie ont réalisé en moyenne 237 milliards de dollars de bénéfices exceptionnels par an.

Tenir les super riches responsables «comme un groupe»

Bien que le Canada a introduit un impôt relativement limité sur les bénéfices exceptionnels pendant la pandémie, qui visait spécifiquement les secteurs de la banque et de l'assurance, les estimations du directeur parlementaire du budget prévoient qu'un impôt sur la fortune et un impôt sur les bénéfices exceptionnels excédentaires pourraient rapporter ensemble 10 milliards de dollars par an. Mais les experts estiment qu'il ne suffirait pas que seuls quelques pays appliquent un impôt sur la fortune ou un impôt sur les bénéfices exceptionnels.

«Nous ne pouvons pas simplifier le problème en ne considérant qu'une poignée de pays, nous devons vraiment considérer les super riches comme un groupe, quel que soit l'endroit où ils vivent, et les tenir responsables de l'impact qu'ils ont», croit M. Thomson.

Selon le rapport d'Oxfam, une taxe d'environ 60% sur les revenus des super-riches à l'échelle mondiale permettrait de réduire l'équivalent en carbone de plus que les émissions totales du Royaume-Uni en 2019, et pourrait rapporter 6,4 mille milliards de dollars dans le processus, qui pourraient être réinvestis dans les énergies renouvelables et dans la transition vers l'abandon des combustibles fossiles.

«Nous disposons aujourd'hui des technologies nécessaires pour abandonner les combustibles fossiles, nous n'avons même pas besoin d'en développer de nouvelles pour y parvenir», estime M. Thomson. «Nous avons seulement besoin de la volonté politique nécessaire pour mettre en œuvre ces changements.»

Selon Mme Hayhoe, la fixation d'un prix pour la pollution reste l'outil de marché le plus efficace pour lutter contre le changement climatique, mais elle estime que ces recettes doivent être redistribuées aux ménages à revenus moyens et faibles afin d'atténuer les effets d'un monde qui se réchauffe.

«Les solutions pour le climat peuvent également être des solutions pour la justice et l'équité, et en s'attaquant au changement climatique, nous pouvons créer un monde meilleur, plus sûr et plus juste», a-t-elle déclaré.

Alexandra Mae Jones / CTV News