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Au terme d’une longue audience, jeudi, la Commission des libérations conditionnelles a indiqué qu’elle avait besoin de temps pour prendre une décision. La Commission se prononcera d’ici 15 jours sur le statut de l’homme de 34 ans.
La Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC) continue de délibérer sur la libération conditionnelle du père de la fillette martyre de Granby, décédée le 29 avril 2019 à l’âge de 7 ans après avoir subi de mauvais traitements de la part de son père et de sa belle-mère. Sa mort avait mis en lumière les failles du système sur la protection de la jeunesse au Québec.
Au terme d’une longue audience, jeudi, la CLCC a indiqué qu’elle avait besoin de temps pour prendre une décision. La Commission se prononcera d’ici 15 jours sur le statut de l’homme de 34 ans.
Le père, dont l'identité ne peut être dévoilée pour protéger l'identité des membres de la famille de la victime, était admissible à une libération conditionnelle depuis le 8 mars puisqu’il a purgé le tiers de sa peine d’emprisonnement de quatre ans pour séquestration, en incluant ses trois mois de détention en 2019 à la suite de son arrestation.
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Les services correctionnels recommandent la semi-liberté en maison de transition, malgré un parcours carcéral en apparence exemplaire, progrès psychologiques et bon comportement à l’appui. Mais l’évaluation psychologique de l’homme montre un risque de récidive faible à modéré, notamment en raison d’un discours parfois déresponsabilisant et de la difficulté à accepter les gestes posés.
Cette déresponsabilisation a transparu dans le témoignage du père devant la CLCC. Bien qu'il reconnaisse totalement sa culpabilité, il a mentionné à quelques reprises une certaine incompréhension face aux gestes qu’il avait posés en 2019 et à ce qu’ont pu ressentir les membres de la famille de la victime.
Quand la commissaire Micheline Beaubien a demandé au père ce qu’il pensait de la souffrance qu’avait pu vivre sa fille avant sa mort, la première réponse de ce dernier a été: «Elle est morte. Comment je peux savoir?»
Il a poursuivi en disant que «rien [ne] peut expliquer ce qu’elle a pu ressentir».
«Je peux juste penser qu’elle s’est sentie abandonnée. Au moment où c’est arrivé, je ne l’ai pas pris en considération», a-t-il reconnu, avant d’énumérer ceux qui vivent aujourd’hui l’impact de ses gestes, sans toutefois de mention sur la famille biologique de la fillette.
L’audience de l’homme de 34 ans devait initialement avoir lieu en février dernier au bureau de Service correctionnel Canada à Laval, mais avait été repoussée en raison de l’inquiétude de la famille de la victime.
La grand-mère de la fillette était présente à l’audience et a réitéré ces inquiétudes devant la CLCC, en l’absence de la mère de la fille. La famille s’inquiète de croiser à nouveau le père en Estrie ou en Montérégie et a demandé une restriction géographique, advenant une libération.
«S’il est libéré, la crainte de le revoir va nous hanter à nouveau», a déclaré la grand-mère en ouverture d’audience. Elle craint aussi que l’homme mette aussi la vie de son propre fils en danger, qui a été témoin des événements de 2019, mais dont le père n’a pas l’intention de reprendre la garde – pas selon son plaidoyer livré jeudi, du moins.
La grand-mère a déploré que la liberté conditionnelle totale enverrait un mauvais message aux Québécois; «qu’un enfant, ce n’est pas important».
«Tu fais un an, t’es libre. Il n’y a pas de grosse conséquence. […] Il faut que le Québec au complet comprenne qu’un enfant, c’est: ‘’Touche pas’’», a-t-elle martelé.
Au printemps dernier, le grand-mère et la mère de la fillette indiquaient à Noovo Info qu’elles allaient déposer une poursuite civile contre la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) dans ce dossier, par l’entremise de leur avocate, Me Valérie Assouline.
En répondant aux questions de la CLCC, le père a convenu qu’il n’avait pas été un bon père et que rien ne pouvait justifier de séquestrer sa fille, mais a cité les difficultés avec la DPJ et les longs délais d’attente pour des services de soins en santé mentale parmi les facteurs qui ont pu mener à ses gestes.
Sans jeter le blâme sur la DPJ, l’homme a compris qu’il aurait dû trouver une meilleure façon de demander de l’aide. «Je ne savais pas comment», a-t-il dit. «Je savais pas comment demander de l’aide pour moi», a-t-il répété, et c’est ce sur quoi il travaille actuellement dans le cadre de son incarcération.
En outre, il a plaidé que sa défunte fille «avait quand même ses difficultés».
«Je ne peux pas la blâmer pour ça, mais c’est sûr que ça joue dans le contexte. Quand tu dors deux, trois heures par nuit», on en vient à ne plus réfléchir clairement, a-t-il souligné.
«Mais monsieur, on n’attache pas quelqu’un…», a rétorqué la commissaire Beaubien en coupant le plaidoyer du père de la défunte fillette. Elle mettait ainsi en lumière auprès de l’homme que de nombreux parents vivent des difficultés avec leurs enfants à travers le Québec, sans en venir à les séquestrer.
La belle-mère, elle, reconnue coupable de séquestration et de meurtre non prémédité de la fillette, a écopé d’une peine de prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 13 ans.
Le père a reconnu la dépendance affective qu’il avait envers cette femme, notamment parce qu’il se sentait «redevable d’elle». Elle l’a aidé à devenir abstinent et à récupérer la garde de ses enfants. «Je n’y serais pas arrivé sans soutien à l’époque», a-t-il dit.
Il s’agit là d’un élément-clé de sa réinsertion sociale, puisque les services correctionnels ont vu une sorte de «pattern» toxique dans les relations amoureuses de l’homme, qui affiche «de faibles capacités parentales, une fragilité au rejet et à l’abandon, notamment en contexte conjugal», et des «déficits dans l’expression de ses émotions», tel que noté par Service correctionnel Canada.
Parmi, les conditions de libération, le père devrait notamment signaler immédiatement à son surveillant toute liaison avec une femme.