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«Il avait ce don.»
Le prédateur sexuel Frédérick Brousseau, qui a fait vivre des régimes de terreur à des ex-conjointes en plus d’agresser sexuellement deux jeunes filles, écope d’une peine d’emprisonnement de 10 ans. Les victimes et leurs proches ont relaté des détails à glacer le sang de leurs histoires avec l'accusé, lors des représentations sur la peine, jeudi matin.
Toutes les victimes ont décrit un manipulateur sans scrupule qui utilisait la violence verbale et physique pour arriver à ses fins. L'homme de Stanstead incitait ses victimes à couper les ponts avec leur famille pour «continuer à resserrer ses griffes» sur elles, comme l’a décrit une jeune fille en salle de cour.
«Pour ma part c'est du jamais vu» a expliqué la représante de la Couronne, Me Stéphanie Landry, quant à la manipulation à laquelle se livrait Brousseau sur ses victimes.
Brousseau était présent en salle de cour, mais n'a jamais regardé les victimes et leurs proches qui ont lu des lettres. Il semblait fixer un point dans le vide, en fermant parfois les yeux.
L’une d’entre elles, dont une ordonnance de non-publication protège son identité, a été sous l’emprise de Brousseau dès l’âge de 15 ans. «J’étais encore une enfant. J’endurais les viols et les agressions par crainte qu’il m’arrive encore pire», a-t-elle raconté, avec courage.
Selon la jeune fille, Brousseau la menaçait en lui disait qu’il était membre de la mafia italienne de Montréal. Cette même victime l'a même qualifié de «monstre» en salle de cour.
Brousseau a aussi forcé cette jeune fille à filmer sa propre sœur lors de moments intimes, déclenchant alors une série de conséquences familiales.
«J’avais l’impression que ça venait de partout, je pleurais de désespoir», a lu le père de ces deux jeunes filles à la cour. «Nous avions maintenant deux filles qui étaient ses victimes.»
Une deuxième jeune fille est venue témoigner et a aussi raconté que Brousseau se faisait passer pour un membre d’un «groupe criminalisé».
«Je n’avais que 12 ans quand j’ai fait la rencontre d’un détraqué sexuel», a lancé d’entrée de jeu la jeune femme. Elle a aussi évoqué tous les impacts dans sa vie personnelle et sur sa famille des agressions subies.
«Drogues, alcool, fugues, idées suicidaires, dégoût de moi-même. Incapable d’aller à l’école, incapable de faire confiance aux gens qui voulaient m’aider», a-t-elle énuméré au juge.
Pour des parents qui ont témoigné en salle de cour, leur fille se rendait chez Brousseau pour garder, ou encore simplement pour aller rendre visite à une amie.
«Dire oui à un enfant qui veut aller coucher chez son amie, c’est ce que j’ai fait, ignorant qu’un simple oui définirait la suite», a lu une mère de famille, en salle de cour.
Deux ex-conjointes de Brousseau ont aussi raconté en détails au juge Benoit Gagnon la relation toxique dans laquelle elles ont tour à tour été plongées. «Je suis devenue une femme malheureuse, piégée», a expliqué l’une d’elle.
«J’avais le sentiment d’être en captivité, impuissante», a-t-elle poursuivi, peinant à retenir des larmes et des sanglots dès le début de son témoignage, par visioconférence.
«Menacée, humiliée et terrifiée», cette victime a expliqué avoir été «obligée côté sexualité de faire plein de choses qui n’étaient pas dans ses valeurs», a-t-elle lu au juge.
Une deuxième femme qui avait partagé une vie de couple avec Brousseau à partir de novembre 2001, a aussi souhaité s’adresser au juge Gagnon. «Il avait ce don», a-t-elle lu en salle de cour. «J’étais jeune, très naïve et très impressionnable.»
Les crimes de Brousseau dans cette relation ont culminé au moment où il a placé sa conjointe devant deux choix. «Des représailles violentes ou une heure avec lui à répondre à ses moindres désirs», a raconté cette ex-conjointe, qui rapporte alors avoir été filmée à ce moment.
«Il a tout filmé mon viol. Il m’a obligé à dire des choses immondes pour m’humilier encore plus. Ces images seront gravées dans ma tête jusqu’à ma mort, même si je souhaite qu’elles disparaissent. J’ai été sa "chose" pendant une heure», a-t-elle ajouté.
À la fin des témoignage, le juge Benoit Gagnon a pris le temps de saluer le courage des victimes et de leurs proches, d’un ton calme.
Brousseau a pris la parole devant le tribunal jeudi après-midi. Il s'est adressé notamment aux victimes.
«Je veux que vous sachiez que je vous ai écouté et que vos paroles ne sont pas passées dans le vide», a-t-il dit. «C’est à moi de faire face à mes actes.»
La peine de 10 ans est issue d’une suggestion commune proposée par la Couronne et la défense. Elle a été entérinée par le juge Benoit Gagnon jeudi matin au palais de justice de Sherbrooke.
«On ne peut pas parler de réhabilitation pour le moment parce que ça mettrait la société à risque», a fait savoir Me Landry.
«Une peine de longue durée est absolument nécessaire ici pour dénoncer les crimes qui sont vils et abjects»a lancé le juge Gagnon. «Ce que vous avez fait subir à ces femmes-là est inconcevable. Je vous en prie, allez vous traiter, allez chercher de l’aide à laquelle vous avez droit.»
Brousseau avait plaidé coupable à une douzaine de chefs d’accusation en janvier dernier, dont agression sexuelle armée et agression sexuelle avec la participation d’un tiers. Il avait aussi reconnu des voies de fait, du voyeurisme et de la production de pornographie juvénile, après avoir filmé certaines des agressions.
Le rapport présentenciel de l'accusé, détenu depuis le 31 mai 2022, a révélé des traits d'une personnalité «très narcissique», a expliqué la procureure lors de l'audience du jour. «C’est la première fois que j’entends M. Brousseau parler de quelqu’un d’autre que de lui-même aujourd’hui», a-t-elle dit au juge.
«Ce que je souhaite, c’est qu’on laisse les enfants être des enfants. […] Je ne sais pas combien de fois il va falloir que les tribunaux le disent», a tonné le juge Gagnon en conclusion.