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Le Canada aurait besoin d'une «conversation nationale» afin de protéger son approvisionnement en médicaments d'ordonnance contre des commandes massives venant de l'extérieur du pays.
Les pharmaciens du Canada craignent qu'un manque de données sur la gestion des ordonnances ne provoque une répétition de la situation du médicament pour le diabète et la perte de poids Ozempic, duquel des milliers de doses ont été envoyées par la poste aux Américains.
La vice-présidente des affaires publiques de l'Association des pharmaciens du Canada, Joelle Walker, a dit qu'il n'était pas nouveau que des Américains achètent des médicaments canadiens moins chers.
Elle a toutefois ajouté que le cas du Dr David Davison, un médecin agréé en Nouvelle-Écosse basé au Texas, qui, selon les autorités de réglementation, aurait prescrit de grandes quantités d'Ozempic à des clients basés aux États-Unis via des pharmacies de la Colombie-Britannique, met en évidence le besoin urgent d'une «conversation nationale» sur la façon dont le Canada peut protéger son approvisionnement en médicaments d'ordonnance contre de telles commandes massives.
Le Collège des médecins et chirurgiens de la Nouvelle-Écosse a déclaré la semaine dernière qu'il avait suspendu provisoirement la licence de M. Davison après avoir appris ses pratiques présumées par le B.C. College of Pharmacists.
Selon Mme Walker, l'un des principaux défis est que l'on a pas une bonne idée de la prévalence de l'achat massif de médicaments sur ordonnance canadiens aux États-Unis, car les données ne sont pas disponibles.
Elle estime que la première étape devrait être de sécuriser les données sur la gestion des médicaments sur ordonnance au Canada, permettant aux organismes de réglementation de voir où se situent les problèmes avant de pouvoir les résoudre.
«C'est très facile quand vous avez un cas très spécifique comme Ozempic», a affirmé Mme Walker. Mais sans savoir «combien d'autres médicaments sont vendus et en quelles quantités (...) en ligne aux Américains, il est très difficile de trouver les bonnes solutions politiques».
L'utilisation principale de l'Ozempic est de traiter le diabète, mais la demande pour le médicament a récemment augmenté en raison de son utilisation non conforme pour la perte de poids, qui a été médiatisée par les médias sociaux et des célébrités.
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La problématique de l'Ozempic est apparue après que les autorités de la Colombie-Britannique ont découvert que jusqu'à 15% des prescriptions de médicaments dans la province au cours des deux premiers mois de 2023 étaient destinées à des Américains.
Le ministre de la Santé de la Colombie-Britannique, Adrian Dix, a annoncé que la province limiterait l'accès à Ozempic pour les non-résidents.
Le Dr Davison, diplômé de l'Université Dalhousie en 1977, n'a pas répondu aux demandes pour commenter l'affaire.
Il est répertorié par le Texas Medical Board en tant que médecin au Texas Tech Family Medicine à Odessa, au Texas. Ses dossiers ne montrent aucune plainte, autre qu'une note indiquant «mesures disciplinaires non-TMB » ce qui signifie que son permis de la Nouvelle-Écosse a été suspendu.
Le Texas Tech University Health Sciences Center – qui gère le lieu de pratique de M. Davison – a déclaré que l'organisation «avait récemment pris connaissance» de «l'affirmation» selon laquelle il aurait pu prescrire de l'Ozempic canadien à des patients américains.
«Nous examinons la question et nous y répondrons à l'interne et selon les besoins», indique le communiqué.
Des organisations telles que l'Association des pharmaciens du Canada et la Canadian Health Policy Institute ont tiré la sonnette d'alarme sur d'éventuelles échappatoires qui permettent aux médicaments d'ordonnance canadiens de se retrouver aux États-Unis.
Peter Loewen, professeur adjoint à l'Université de la Colombie-Britannique et spécialiste en pharmacothérapie de l'Hôpital général de Vancouver, a mentionné que les différences de prix des médicaments à travers la frontière américaine, combinées à la libre circulation des personnes et des biens, signifient qu'il est plus facile à dire qu'à faire de réguler le flux de médicaments sur ordonnance.
Il a jouté que «nos économies sont intimement liées» et que la problématique s'inscrit dans ce contexte.
«C'est la relation réglementaire et commerciale entre nos pays, et le fait que tant de Canadiens se déplacent entre les deux pays, tout comme les Américains, (qui) font qu'il n'est pas facile de trouver ce qui peut sembler être des solutions simples.»
Selon Mme Walker, toute discussion sur la façon dont les médicaments sont prescrits doit aussi tenir compte du fait que les Canadiens utilisent également des ordonnances transfrontalières lorsqu'ils voyagent ou déménagent dans une autre province.
Ainsi, toute nouvelle politique sur les mouvements de médicaments sur ordonnance doit être «prudente» pour éviter d'ériger «des obstacles inutiles à l'accès aux soins des Canadiens».
Mais le statu quo, a-t-elle dit, peut créer des achats de panique chez les consommateurs canadiens s'ils ne sont pas certains que leurs approvisionnements en médicaments sont protégés.
«Nous devons nous assurer que le Canada n'est pas perçu comme une sorte de solution à un problème américain qui nécessite une solution américaine.»