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Brenda Leong a qualifié la décision de la Cour Suprême de «revers», mais aussi de «victoire partielle» pour les investisseurs.
La présidente de la Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique demande au gouvernement fédéral de modifier la loi afin de protéger les investisseurs, après que la Cour suprême du Canada a statué que les amendes imposées par les organismes de réglementation peuvent être annulées en cas de faillite.
Brenda Leong a qualifié la décision de la Cour Suprême de «revers», mais aussi de «victoire partielle» pour les investisseurs, car leur instruction de rembourser les gains mal acquis — connue sous le nom d’ordonnances de restitution — restera en vigueur même après la libération d’un individu de la faillite.
«Cette commission plaide depuis longtemps pour des changements à la loi sur les faillites afin d’exempter expressément les sanctions liées aux titres», a expliqué Mme Leong lors d’une conférence de presse, mercredi. «Le gouvernement fédéral doit agir maintenant pour apporter ce changement afin de protéger les investisseurs dans ce pays.»
La décision rendue mercredi indique que les ordonnances rendues par les tribunaux administratifs ou les organismes de réglementation, comme les commissions de valeurs mobilières, ne sont pas couvertes par une liste d'exceptions dans la loi sur la faillite et l'insolvabilité, qui décrit les types spécifiques de dettes qui «subsistent après la faillite».
L'affaire concernait un couple de la Colombie-Britannique, Thalbinder Singh Poonian et Shailu Poonian, qui avaient été condamnés par la Commission des valeurs mobilières de cette province à payer 13,5 millions $ en sanctions administratives.
La commission leur avait également ordonné de remettre environ 5,6 millions $, «une somme qui correspondait à ce qu’ils avaient tiré du stratagème de manipulation du marché (...) faisant ainsi perdre des millions de dollars à des investisseurs vulnérables», rappelle la Cour suprême.
Cristie Ford, professeure de droit à l'Université de la Colombie-Britannique, estime que la décision du plus haut tribunal constitue «un dur coup pour la commission des valeurs mobilières et sa capacité à protéger les investisseurs sur les marchés financiers».
«C'est un régulateur puissant, avec des priorités importantes, a déclaré Mme Ford. Parfois, les priorités importantes dont les organismes de réglementation des valeurs mobilières tentent de s'occuper peuvent se heurter à d'autres priorités importantes dans d'autres domaines du droit.»
La professeure Ford soutient que les autorités provinciales de réglementation des valeurs mobilières sont habilitées à pénaliser les mauvais acteurs sur les marchés financiers du pays, mais cette affaire s'est heurtée à «une profonde question constitutionnelle concernant ce que les tribunaux peuvent faire et ce que les tribunaux administratifs ou l'exécutif peuvent faire».
Selon elle, il y a «un défi considérable à relever pour garantir que les commissions des valeurs mobilières puissent être aussi efficaces que possible dans les limites de ces contraintes imposées par de profonds principes constitutionnels».
«C'est délicat», admet la professeure de droit.
Une majorité de juges de la Cour suprême a estimé que ces sanctions ne sont pas exemptées parce qu'elles ne sont pas imposées par un tribunal et ne résultent pas directement d'une conduite frauduleuse, mais sont plutôt prononcées «indirectement» par le biais de la décision de la commission de sanctionner le couple.
Le tribunal a statué que si les dettes résultant de sanctions administratives subsistaient après la faillite en étant couvertes par les exemptions de la loi, il y aurait une possibilité de «viser les dettes ou obligations qui ne résultent pas directement de la tromperie».
Le tribunal a toutefois estimé que les ordonnances de restitution émises par le régulateur «correspondent à la valeur de la fraude des faillis, c’est-à-dire les fonds que ceux‑ci ont obtenus en manipulant le marché».
«Il y a donc un lien direct entre l’acte frauduleux des faillis et les ordonnances de remise de la Commission», concluent les juges majoritaires.
La Cour suprême estime que «si le Parlement avait voulu soustraire à l’application de l’ordonnance de libération aux termes de cette disposition les amendes, les pénalités, les ordonnances de restitution ou autres ordonnances similaires infligées ou rendues par les organismes administratifs, les tribunaux administratifs ou les autres décideurs administratifs, il aurait pu le faire expressément».
Selon la professeure Ford, «la solution la plus simple à ce problème» serait effectivement de modifier la Loi sur la faillite et l'insolvabilité du Canada, mais on ne sait pas si cela se produira.
«Je ne peux pas vraiment dire si le Parlement va ou non répondre à cette invitation, a-t-elle déclaré. Même si une modification à la Loi sur la faillite résoudrait ce problème immédiat, il s'agit plutôt d'une solution de fortune à un problème plus vaste, à savoir que les priorités des commissions des valeurs mobilières ne correspondent pas toujours parfaitement aux autres sections de la loi.»
Jassmine Girgis, professeure de droit à l’Université de Calgary spécialisée dans le droit de la faillite et de l’insolvabilité, a déclaré mercredi qu’elle comprend que le revers subi par les commissions des valeurs mobilières provinciales est important.
«Je compatis avec la commission des valeurs mobilières. Je veux dire, ce sont des sanctions massives qu’elle n’obtient pas, et il est important qu’elle puisse recouvrer ses sanctions parce que son fonctionnement l’exige, a-t-elle élaboré. Mais il est également très important que la loi soit lue telle qu’elle est rédigée et conformément à son objectif.»
Mme Girgis a déclaré que la Cour suprême faisait la distinction entre les sanctions prononcées par le régulateur et les ordonnances de restitution, ce qui correspond au montant obtenu grâce à une conduite trompeuse et utilisé pour rembourser les sommes prélevées sur les victimes.
«La commission des valeurs mobilières n’est pas victime de la fraude, a-t-elle expliqué. Mais cela ne veut pas dire que le Parlement ne peut pas revenir sur cette question et donner quelque chose à la commission des valeurs mobilières.»
Mme Girgis a soutenu que les tribunaux de la Colombie-Britannique, de l’Alberta et du Manitoba avaient tiré des conclusions contradictoires sur la question, et que la décision de la Cour suprême de mercredi dissipe ces désaccords.
«C’est probablement la raison pour laquelle la Cour suprême voulait entendre cette affaire, mais peut-être que maintenant que la Cour suprême s’est prononcée clairement, le gouvernement fédéral serait peut-être intéressé à réexaminer la question», a soupesé Mme Girgis.