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La région compte plus de 500 entreprises manufacturières, dont certaines dépendent des États-Unis pour 90 % de leurs activités.
La région de la Beauce se prépare à une tempête économique et peut-être à des milliers de pertes d'emplois, après que le président américain Donald Trump a imposé mardi des droits de douane de 25 % sur les biens et une taxe de 10 % sur l'énergie. Mercredi, M. Trump a annoncé une pause tarifaire d'un mois sur les véhicules.
Charles Dutil, président et chef de la direction de Manac, un constructeur de semi-remorques dont le siège social est situé dans la ville beauceronne de Saint-Georges, a fait valoir que les citoyens de la région sont économiquement liés aux États-Unis depuis plus d'un siècle.
«Cette région a été construite autour de la possibilité de faire des affaires avec la Nouvelle-Angleterre», a-t-il expliqué, lors d'une entrevue téléphonique. «Vous quittez Saint-Georges et il est plus facile de se rendre à Portland, dans le Maine, que de se rendre à Montréal. Il est plus facile de se rendre à Boston que de se rendre à Toronto.»
Selon M. Dutil, les droits de douane auront un impact direct sur presque toutes les entreprises de la région, y compris la sienne. «Aucune entreprise ne peut absorber 25 %», a-t-il dit. Même si la faiblesse du dollar canadien réduit l'impact pour les importateurs américains à quelque chose comme 16 ou 17 %, a-t-il continué, «la plupart des entreprises ne peuvent pas absorber cela».
Hélène Latulippe, directrice générale du Conseil économique de Beauce, a indiqué que la région compte plus de 500 entreprises manufacturières, dont certaines dépendent des États-Unis pour jusqu'à 90 % de leurs activités.
«Je pense que c'est l'état de choc qui se passe en ce moment. Les entreprises doivent être en train d'essayer de trouver des stratégies, voir ce qui va arriver dans les prochaines semaines», a-t-elle affirmé.
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Un récent sondage auprès des entreprises de la Beauce mené par un groupe économique Beauce-États-Unis nouvellement formé a révélé que plus de 65 % d'entre elles exportaient directement aux États-Unis, et un tiers d'entre elles ont déclaré que le pays représentait plus de la moitié de leurs ventes.
Mme Latulippe a indiqué que certaines entreprises ont déjà vu leurs ventes diminuer au cours des dernières semaines en raison de l’incertitude entourant les droits de douane.
M. Dutil a affirmé qu’il ressentait lui aussi ces effets, car moins de marchandises circulent et les clients hésitent à moderniser leur flotte.
«Il y a beaucoup plus d’hésitations, et comme nous faisons affaire avec le camionnage, je dirais qu’il y a beaucoup plus de gens qui ont le pied sur la pédale de frein que sur la pédale d’accélérateur», a-t-il expliqué.
La région au sud de la ville de Québec est connue pour être un pôle d’affaires. Mme Latulippe indique que ses industries comprennent le sirop d’érable, l’acier, le bois et les produits du bois, le plastique ainsi que l’équipement lourd.
Pascal Jacques, un producteur de sirop d’érable de la région, dit avoir déjà décidé de retarder un investissement prévu pour agrandir son entreprise de troisième génération, l'érablière Une troisième coulée.
Bien qu’il n’ait pas encore ressenti l’impact des droits de douane, il fait valoir que les producteurs québécois ont exporté pour près d’un demi-milliard de dollars de sirop d’érable aux États-Unis l’année dernière seulement.
Le président des Producteurs et productrices acéricoles du Québec a affirmé mercredi que 62 % des exportations de sirop d’érable de la province sont destinées au marché américain. «En 2024, 100 millions de livres de sirop d’érable y ont été vendues pour une valeur de 450 millions $», a écrit Luc Goulet dans une déclaration, ajoutant que l’impact des droits de douane pourrait représenter plus de 100 millions $ en coûts supplémentaires.
Selon Mme Latulippe, il n'est pas facile pour de nombreuses entreprises locales de s'orienter rapidement vers d'autres marchés, et la région risque de perdre des milliers d'emplois si les droits de douane ne sont pas réduits ou supprimés.
Elle a dit que certains produits devraient être redéveloppés pour les marchés européens, tandis que l’acier est coûteux à transporter sur de longues distances.
Elle a affirmé que l’aide gouvernementale pourrait aider les entreprises à survivre à court terme, mais qu’un programme de prêts – comme celui annoncé par Québec mardi – ne réduira pas le coût des matières premières ni ne ramènera des contrats. Elle a également évoqué qu’il est possible que la confiance des entreprises ait été endommagée de manière permanente.
«Je pense qu'on est à un point de rupture et que tout ne reviendra pas comme avant, a déclaré Mme Latulippe. Mais si les tarifs sont amoindris ou qu'ils disparaissent, probablement qu'on va revenir à un niveau qui peut ressembler à celui au début des années 2010-2015.»
M. Dutil a dit que les prochains mois seront difficiles pour la région, mais qu'il est certain que la Beauce se relèvera.
«Certaines personnes seront touchées, certaines entreprises ne s'en sortiront pas, mais la région et la population de la région rebondiront, cela ne fait aucun doute, a-t-il soutenu. Mais cela ne veut pas dire que ce ne sera pas douloureux.»