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La candeur de Fady Dagher pourrait-elle coûter 171 millions $ à la Ville de Montréal?
La candeur de Fady Dagher pourrait-elle coûter 171 millions $ à la Ville de Montréal?
Le nouveau directeur du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) était appelé à témoigner, jeudi, devant la Cour supérieure dans le cadre de l’action collective pilotée par la Ligue des Noirs du Québec au soutien d’Alexandre Lamontagne contre la Ville de Montréal pour profilage racial.
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Fady Dagher a ainsi reconnu devant la juge Dominique Poulin l’existence du profilage racial au sein de son corps policier, dont il aspire justement à changer la culture. «C’est une problématique très insidieuse, très subtile, très sournoise et on ne se rend pas compte qu’on le fait», a-t-il affirmé.
Interrogé par la suite en mêlée de presse sur la possibilité que ses propos servent les intérêts des requérants, M. Dagher a simplement répondu, sans aucune hésitation: «Il faut dire la vérité!»
M. Lamontagne avait été intercepté à la sortie d’un bar en août 2014 et l’interpellation avait rapidement mal tourné. Le jeune homme avait brutalement été cloué au sol, menotté et emmené au poste pour finalement aboutir avec trois constats d’infraction et deux accusations, une d’entrave au travail des policiers et une autre de voies de fait contre un policier, accusations qui sont tombées par la suite.
La Ligue des Noirs réclame des dommages de 5000 $ par personne racisée interpellée sans raison valable entre août 2017 et janvier 2019.
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Une des raisons derrière l’embauche de Fady Dagher par la Ville de Montréal est justement liée à la lutte qu’il mène depuis longtemps contre ce problème au sein des corps policiers et le succès qu’il a obtenu à cet effet avec le Service de police de l’agglomération de Longueuil (SPAL), dont il a été le directeur de 2016 à décembre dernier.
Auparavant, il avait œuvré durant près de 25 ans comme policier au SPVM, où il avait gravi les échelons jusqu’à en devenir le directeur adjoint. Durant son témoignage, il a fait une longue énumération des efforts de sensibilisation et des multiples formations pour contrer le profilage racial au sein du SPVM, et ce, sur plus d’une vingtaine d’années.
«Comment faire pour que mes policiers réalisent qu’ils ont des préjugés inconscients et même parfois conscients?», s’est-il interrogé à voix haute devant la magistrate.
Car encore aujourd’hui, «on a des policiers racistes. Cela dit, la grande majorité ne l’est pas», a-t-il précisé, faisant valoir que le phénomène tend à s’estomper non seulement par la formation, mais aussi par l’évolution. «Plus on avançait, plus les recrues avaient grandi avec la diversité dans les garderies, les écoles.»
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Bien que les interpellations aléatoires eurent été jugées inconstitutionnelles par le juge Michel Yergeau en octobre dernier justement parce qu’elles sont source de profilage racial — décision qui a été portée en appel — Fady Dagher demeure convaincu de leur utilité.
«Elle est encore nécessaire. Il faut juste bien la faire, il faut la faire sur les bonnes balises. Et c'est là l'enjeu. L'enjeu, c’est qu'elle a été faite parfois sur des mauvaises balises», a-t-il soutenu à la sortie de l’audience.
Mais durant son témoignage et en entrevue par la suite, il a insisté sur le caractère systémique de ce profilage. «Il faut surtout revoir le système parce que dans 20 ans, on va se reparler si on s'attarde uniquement aux individus», a-t-il dit.
«Sur 6800 employés, y a-t-il des personnes qui ont des comportements racistes ou des événements qui sont racistes? Il y en a. Mais moi, si à chaque fois je focus sur chaque personne je n'avancerai jamais. Si je change de système, là, je m'attends à ce qu'il y ait vraiment un changement de culture profond.»
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Devant les journalistes, il a aussi fait valoir que le profilage imputé aux policiers tire souvent son origine des citoyens eux-mêmes.
«Le nombre d'appels au 9-1-1 que nous recevons de citoyens qui profilent déjà l'appel, qui nous disent qu'il y a des jeunes qui font telle chose, qui sont déjà des appels pleins de préjugés et de discrimination, on répond à ces appels-là et quand on arrive sur les lieux, tout à coup, nous sommes des personnes qui ont instigué l'événement. Mais ce n'est pas nous, c'est l'appel au 9-1-1.
«Le profilage racial, c'est une problématique avec la police. Il faut le régler. On a beaucoup à faire. On en a fait. Il faut continuer à en faire, mais c'est un problème de société», a-t-il conclu.
La mairesse Valérie Plante doit également se présenter devant le tribunal. Son témoignage est prévu pour mardi prochain.