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Seuls 38% des propriétaires exploitent tout l’espace de chargement de leur véhicule au moins une fois par semaine et près du trois quarts n’ont jamais de charge à tirer, selon une récente étude commandée par l’organisme Équiterre.
Les VUS québécois ne sont pas utilisés à leur pleine capacité: seuls 38% des propriétaires exploitent tout l’espace de chargement de leur véhicule au moins une fois par semaine et près du trois quarts n’ont jamais de charge à tirer, selon une récente étude commandée par l’organisme Équiterre.
Dans le cadre de la campagne «Comprendre la hausse des camions légers au Canada pour renverser la tendance», le nouveau rapport du Centre interuniversitaire de recherches en analyse des organisations (CIRANO) a recensé en 2022 l’utilisation des VUS auprès de plus de 1000 Québécoises et Québécois propriétaires d’un véhicule.
Les données révèlent que seuls 39% des propriétaires se servent la majorité des sièges de leur VUS au moins une fois par semaine, et environ 85% de tous les camions légers sont immatriculés à des fins personnelles plutôt que commerciales.
Selon Andréanne Brazeau, analyste des politiques climatiques chez Équiterre, le portrait témoigne d’une «déconnexion profonde» entre l’offre de VUS au Québec et l’usage réel par leurs propriétaires, alors que l'industrie automobile investit largement pour créer de «faux besoins» et mousser les ventes de ce type de véhicule.
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«65% des déplacements sont pour se rendre au travail, à l’école et à l’épicerie, des trajets souvent courts qui ne nécessitent pas les attributs des VUS que les constructeurs automobiles nous vendent à grand coup de publicités. Pourtant, dans les publicités, on voit surtout de gros véhicules qui circulent dans des milieux naturels», souligne-t-elle en entrevue.
Selon Équiterre, une réglementation des affichages publicitaires pourrait venir freiner cette «camionnisation» des véhicules, qui représentaient 71% des ventes de véhicules neufs au Québec en 2021.
«On tombe dans un cercle vicieux : plus les gens ont de gros véhicules autour de nous, plus on en voit, alors on considère que c’est normal et on ne perçoit plus ça comme de l’excès», explique Mme Brazeau.
Les publicités misent aussi sur les critères les plus importants des Québécois à l’achat d’un véhicule, soit le prix, la sécurité et le coût de l’essence – des préoccupations contradictoires, puisqu’un VUS coûte en moyenne 10 000 $ de plus à l’achat et consomme 20% plus d’essence qu’une voiture.
«La sécurité est aussi l’un des éléments qui se retrouvent dans les publicités, mais il est plutôt question de la sécurité des personnes à bord du véhicule. On sait que plus un VUS est gros, plus il est dangereux pour les piétons et les cyclistes, mais aussi pour les individus dans les plus petites voitures», soutient l'analyste.
Les VUS sont d’ailleurs deux fois plus souvent impliqués dans des collisions avec des piétons qu’une voiture, et ces impacts sont 10 % plus nombreux et 28 % plus mortels pour les autres conducteurs que les collisions provoquées par un petit véhicule, selon une étude américaine de 2019.
Pour Équiterre, la mise en place de mesures pour réduire l’acceptabilité sociale des véhicules énergivores pourrait permettre de renverser la tendance.
«On sait que les véhicules électriques se multiplient sur nos routes, mais les VUS à essence se multiplient tellement plus qu’ils annulent tous les gains en termes de réduction d’émissions de GES qu’on aurait pu faire actuellement», déplore Andréanne Brazeau.
Au Canada, le secteur des transports est responsable d'un quart des émissions de gaz à effet de serre (GES), dont plus de la moitié provient des camions légers, selon Environnement et Changement climatique Canada. Les ventes de ces camions au pays ont d’ailleurs augmenté de 280 % entre 1990 et 2018.
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Pour freiner cette croissance, le gouvernement provincial pourrait instaurer une taxe sur les véhicules énergivores par le biais d’un système de «redevances-remises», une mesure qui a fait ses preuves à l’international, indique Mme Brazeau.
«La taxe pourrait être progressive : plus un VUS est énergivore ou lourd, plus il serait coûteux. On met vraiment un prix sur la pollution en appliquant le principe de pollueur-payeur, et on vient mieux internaliser les coûts environnementaux associés aux véhicules», ajoute l’analyste.
Un système de taxation pourrait aussi être implanté dans les milieux urbains, où les camions légers sont «clairement moins pertinents» que dans les régions rurales. La vignette pour le stationnement en ville, par exemple, pourrait coûter plus cher selon les dimensions du véhicule.
«Des politiques publiques, ça se module, et on est toujours en faveur de mesures les plus équitables possible. Évidemment, il peut y avoir des exceptions : les gens qui en ont besoin pour le travail et les familles nombreuses sont de bons exemples», précise-t-elle.