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Le ministre de la Santé, Christian Dubé, a déposé, mercredi, un projet de loi visant à limiter le recours aux agences privées et à la main-d'œuvre indépendante dans le secteur de la santé et des services sociaux.
Le ministre de la Santé, Christian Dubé, a déposé, mercredi, un projet de loi visant à limiter le recours aux agences privées, et même à l’abolir d’ici 2026.
Québec est depuis longtemps dépendant de ces agences externes, qui fournissent aux établissements de santé publics du personnel à la pièce, notamment pour pallier la pénurie de main-d’œuvre.
Le recours à la main-d’œuvre indépendante a coûté 960 millions $ au réseau public en 2022, une augmentation de 380 % depuis 2016, selon les données du ministère de la Santé.
Il représente 14,8 millions d'heures travaillées, alors qu'il en représentait 4,8 millions il y a six ans.
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S’il est adopté, le projet de loi 10, qui ne fait que cinq pages, accordera au ministre le pouvoir «d’encadrer et d’interdire» le recours aux agences avec différents «leviers» qui seront déterminés par règlement.
Il pourra «délimiter les secteurs» où le recours à la main-d'œuvre indépendante demeurera permis et fixer un taux horaire maximum par titre d'emploi. Le taux horaire a augmenté de 62 % depuis 2016.
En vertu du projet de loi, Québec pourra imposer des pénalités aux agences, ainsi qu'aux CISSS et CIUSSS, pouvant aller jusqu'à 150 000 $ en cas de non-respect de la loi ou du règlement.
«Il faut se libérer des agences privées (...) le plus rapidement possible, a déclaré M. Dubé en conférence de presse à l'Assemblée nationale. Le statu quo n'est pas une option.»
Il a dénoncé un «cercle vicieux», en expliquant que la pénurie de personnel amenait les gestionnaires à se tourner vers les agences, ce qui «déstabilisait» les équipes et entraînait l'exode du personnel.
Christian Dubé se donne trois ans pour abolir le recours à la main-d’œuvre indépendante. Il veut s’en sevrer dans les milieux urbains, ce qui comprend Montréal et Québec, dès 2024.
Un calendrier présenté lors d’un breffage technique explique que les «secteurs mitoyens» devront faire de même en 2025, puis les «secteurs éloignés» en 2026.
M. Dubé a dit souhaiter ramener les quelque 2500 travailleurs d’agence dans le secteur public, mais admet que le projet de loi 10 est intimement lié à la renégociation des conventions collectives.
«Si jamais on est capable d’avoir une négociation qui donne de meilleures conditions à nos employés, qui va intéresser des infirmières à revenir dans le réseau, ces dates-là pourraient être accélérées», a-t-il dit.
Le ministre de la Santé a admis vouloir mettre de la pression sur les syndicats.
«On livre cette marchandise-là aujourd’hui. Alors, moi, ce que je demande à la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec et aux autres syndicats, c’est d’aller participer au forum de discussion», a-t-il déclaré.
«Plus vite on va régler, plus vite les syndicats vont accepter ces principes-là, plus vite on va ramener des conditions de travail pour nos employés de rester et de revenir», a-t-il ajouté.
Le projet de loi 10 à lui seul ne ramènera pas les infirmières dans le réseau public, a réagi le porte-parole libéral en santé, André Fortin.
«Est-ce que ce que le ministre propose aujourd'hui va vous ramener vers le réseau? La réponse à court terme, c'est non, pas tant qu'il n'y a pas amélioration des conditions de travail.»
«Tant qu'on n'aura pas idée de ce que sont les nouvelles conditions, (...) on ne peut pas mesurer le succès potentiel d'un tel projet de loi, parce que le projet de loi en soi, il ne fait pas le gros du travail», a déclaré M. Fortin.
Les partis d'opposition sont inquiets des pouvoirs discrétionnaires que s'accorde Christian Dubé.
«C'est un chèque en blanc au ministre, qui peut décider sans consulter personne quelles seront les exceptions, dans quels secteurs, quels territoires et pour combien de temps», a réagi Vincent Marissal, de Québec solidaire.
«C'est un peu comme si le gouvernement dit: 'Dessinez avec moi les plans de la maison, (...) mais tout ce qui est aménagement, couleur des murs, disposition des pièces, c'est moi qui vais choisir après coup.»
Le projet de loi 10 contient six articles «qui disent essentiellement que tout sera déterminé par règlement», signale également Joël Arseneau, du Parti québécois.
«On sent, dans la façon de faire, des relents de mauvaises habitudes pandémiques de la gouvernance par décret», a renchéri le député des Îles-de-la-Madeleine.
Voyez le récapitulatif de Simon Bourassa au bulletin Noovo Le Fil 17.