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Une confidence recueillie en 2019 avait déjà de quoi étonner.
Une confidence recueillie en 2019 avait déjà de quoi étonner.
C’était au début de la course à la direction du Parti libéral du Québec (PLQ). Un stratège de la machine libérale, partisan de Dominique Anglade, assure alors qu’elle se lance dans la course parce qu’elle croit véritablement en ses chances de déloger la Coalition avenir Québec (CAQ) et de devenir première ministre dans trois ans, au scrutin de 2022.
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La course à la direction avortera finalement. Avec le désistement de son adversaire Alexandre Cusson, Dominique Anglade sera couronnée. Première femme cheffe en titre du PLQ, première personne de couleur aussi.
Mais encore aujourd’hui, l’anecdote peut faire sourciller. Mme Anglade a relevé bien des défis dans sa carrière et a fracassé des plafonds de verre, mais l’élection du 3 octobre se présente comme un exploit qui pourrait lui échapper.
Pourra-t-elle freiner la chute du Parti libéral du Québec (PLQ) ? Rebondir ? Regagner le terrain perdu depuis 2018 ou, à tout le moins, sauvegarder les 27 sièges actuels de l’opposition officielle ?
En somme, Dominique Anglade pourra-t-elle sauver le parti ? Il en va de son avenir politique.
Car sondage après sondage, le grand parti historique, qui a gouverné tant de fois le Québec depuis la Confédération, est plombé par le désamour de la majorité francophone.
On la dit travaillante, appliquée, empathique. Malgré toutes ses qualités, elle hérite d’un parti dans un contexte très adverse, en transition douloureuse après l’ère des gouvernements libéraux de Jean Charest et Philippe Couillard, un parti qui se cherche en raison d’un réalignement de l’échiquier politique, la mise en veilleuse de l’axe souveraineté-fédéralisme.
Dominique Anglade possède pourtant le pedigree idéal d’une meneuse libérale du 21e siècle. Fille d’immigrants haïtiens, ingénieure issue de Polytechnique, détentrice d’une maîtrise en administration des affaires (MBA), engagée sur le plan social, membre du parti depuis les années 1990.
Libérale, mais qui n’a pas toujours été fidèle. Elle a adhéré à la CAQ, à ses débuts. François Legault la propulse même au poste de présidente du parti. Elle était alors séduite par l’idée d’une coalition composée de personnalités issues de divers horizons, dit-elle dans sa biographie, mais «sur le plan des idées, je ne m’y retrouve pas».
Elle s’oppose notamment à la réduction de l’immigration prônée par la CAQ et le divorce s’opère finalement en raison d’une controverse. En 2013, Soccer Québec veut interdire le port du turban aux jeunes joueurs sikhs, la CAQ appuie la fédération, mais Mme Anglade est en désaccord.
«La CAQ se révèle un cul-de-sac pour moi», confie-t-elle dans sa biographie, parce qu’elle a fait le «choix du repli identitaire».
En 2015, alors qu’elle est à la tête de l’organisme Montréal International, elle est sollicitée par les libéraux pour être candidate à la complémentaire dans Saint-Henri–Sainte-Anne, un bastion du PLQ. Aussitôt élue, elle entre au cabinet à titre de ministre de l’Économie du gouvernement Couillard. Elle doit solutionner rapidement des dossiers épineux.
Lorsque le géant de la quincaillerie Rona est vendu à des intérêts américains, elle est appelée à réagir rapidement en mêlée de presse. Elle déclare que c’est une `bonne chose' pour le Québec, ce qui déclenche une tempête. Son flair politique est alors durement mis à l’épreuve.
Dans sa biographie, elle revient sur cet incident qui l’a tétanisée. On dirait qu’elle en a même gardé une certaine crainte, une réserve dans ses échanges avec les représentants des médias.
En décembre 2019, elle se révélera avec beaucoup de candeur. Lors d’une commémoration du tremblement de terre en Haïti à l’Assemblée nationale, elle a rappelé comment elle avait appris la mort de ses parents. Rarement avait-on vu autant d’élus aux yeux rougis sangloter au Salon bleu.
La candeur peut aussi jouer des tours en politique. Récemment, au cours de l’étude du projet de loi sur la réforme de la Charte de la langue française, son parti dépose un amendement ayant pour effet d’imposer des cours enseignés en français à tous les étudiants des cégeps anglophones, ce qui inclut les ayant-droit, les étudiants anglophones. Tollé au sein de la minorité.
Penaude, Mme Anglade avoue que son parti n’avait pas consulté suffisamment la minorité sur cet enjeu et doit prier le gouvernement de retirer l’amendement. Ce faisant, elle s’aliène ainsi son électorat traditionnel anglophone, mais aussi les francophones. Le parti a-t-il perdu sa boussole ?
À lui seul, cet épisode illustre les tribulations du PLQ et de sa cheffe.
Dominique Anglade a une trentaine de jours devant elle pour mieux se faire connaître, prouver qu’elle a l’étoffe d’une première ministre, voire sauver son parti.