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«Un programme ambitieux… que j’applaudis.»
Ne plus faire de lunch pour votre enfant au primaire, ça vous dit? Québec solidaire a lancé l’idée, en début de semaine, que tous les enfants du Québec puissent recevoir un lunch gratuitement (ou à bas coûts) à l’école dans le cadre d’un programme ambitieux… que j’applaudis.
Sur le coup, l’idée m’a semblé saugrenue : est-ce vraiment possible d’offrir un lunch gratuit aux 990 000 élèves qui fréquentent les écoles primaires et secondaires publiques du Québec?
Selon les estimations de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), cette mesure coûterait 1,7 milliard de dollars par année. Le programme proposé par Québec Solidaire, lui, parle de 770 millions de dollars. À quoi est due cette différence ? Au fait que les coûts ne sont pas liés à la construction de cuisines dans tous les établissements scolaires.
L’idée mise de l’avant par QS est plutôt de mettre à profit des organismes communautaires qui font déjà de la distribution de repas, comme La Cantine pour tous.
En fait, offrir un repas quotidien coûterait environ 6,50 $/enfant si on compte que 70 % des familles adhéreraient au programme. Ce pourcentage, avancé par Gabriel Nadeau-Dubois, est basé sur le taux d’adhésion moyen dans les écoles du Québec où ce service est déjà offert.
Il rappelle aussi que ce service alimentaire serait déployé progressivement, d’ici 2030.
Est-ce que ces chiffres sont réalistes ? Peut-on vraiment offrir un repas gratuit pour les enfants au coût de 6,50 $ pour l’État ? Eh bien, si les parents les plus aisés contribuent au niveau maximum (disons à la hauteur de 6 ou 7 $) et les autres parents donnent selon leurs revenus, que le montant soit de 4 $ ou de 1 $, le projet semble tout à coup plus réaliste.
La contribution volontaire moyenne des parents qui participent déjà à un tel programme est de 3,50 $ par repas par enfant. Un rappel : dans les centres de la petite enfance, actuellement, le montant consacré aux repas du midi est de… 2 $.
Si d’un point de vue financier, le programme me semble faisable (non sans difficultés, mais disons que ce n’est pas farfelu), qu’en est-il des opérations ? Préparer les repas et assurer la distribution dans les écoles, en tenant compte des absents et des allergies, ce ne sera pas simple.
Insurmontable? Je ne sais pas. Mais assurément un défi.
Et ce défi, il est relevé par la grande majorité des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Le Canada est le seul pays du G7 à ne pas avoir un programme national d’alimentation scolaire.
Un exemple En Finlande, les enfants se servent (sans frais) dans un comptoir libre-service et cela coûte au gouvernement… 4,25 $ par enfant. Au Brésil, le programme a été instauré en 1950 et il a été amélioré au fil des ans jusqu’en 2009. Là-bas, la population est largement favorable à cette mesure.
N’en déplaise aux détracteurs, je persiste et signe : c’est difficile d’être contre l’idée de fournir les lunchs à nos enfants. Pensez-y : un enfant sur cinq a faim pendant sa journée en classe. Trouvez-vous cela acceptable ? Moi, non. Croyez-vous qu’on puisse apprendre quand on a le ventre vide ? Je ne le crois pas.
Non seulement ce programme viendrait réduire les iniquités entre les enfants, il serait bon pour le portefeuille des parents (en plus de leur enlever la satanée tâche de faire les lunchs) et il fournirait une opportunité de faire de l’éducation alimentaire. Ouste les produits ultras transformés et suremballés.
Et pourquoi ne pas favoriser les achats locaux, voire les producteurs agricoles d’ici ? En pandémie, on a beaucoup parlé de la volonté d’atteindre une certaine autonomie alimentaire en poussant, entre autres, l’idée des fermes urbaines.
Je pense aussi aux impacts positifs à long terme : nos enfants seront plus en santé et une alimentation de qualité est bonne pour leur développement cognitif et physique. Et si certains problèmes de comportement étaient liés aux petits ventres creux ?
Je ne dis pas que c’est une solution miracle à toutes les problématiques auxquelles on fait face dans les écoles, mais c’est un pas vers un projet ambitieux, qui élève le Québec. Manger, c’est un besoin de base.
Il me semble qu’offrir un repas chaud par jour est un pas dans la bonne direction pour aider les familles à surmonter l’inflation et le coût de la vie qui gonfle. Si non, on fait quoi ? Comment peut-on rendre la vie plus facile, plus juste, pour les familles ?
Je vois trois possibilités : aider les parents à augmenter leurs revenus, renforcer l’accès aux services publics ou réduire les inégalités. Les lunchs gratuits, à mon sens, viennent justement jouer sur ce dernier point.
S’il est vrai que « quand l’appétit va, tout va », alors nos enfants risquent d’être plus concentrés, plus attentifs, plus épanouis, voire plus heureux, grâce à ce programme.
Peut-être que je rêve, mais j’espère que cette fabuleuse idée fera son chemin.