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Quel est l’objectif des débats des chefs dans le processus électoral de nos démocraties?
Le directeur général de la Commission des débats officiels a annoncé des réformes concernant la formule des débats des chefs de la prochaine élection fédérale. C’était la chose à faire puisque la formule précédente a fait l’objet de plusieurs critiques légitimes.
La Commission ne semble pas encore avoir défini le format exact des prochains débats officiels, mais a déjà énoncé des principes qui guideront leur organisation. Plusieurs questions restent en suspens, mais ces principes ramènent à l’avant-plan des réflexions fondamentales des débats.
La question la plus importante pour ces réflexions est la suivante: quel est l’objectif des débats des chefs dans le processus électoral de nos démocraties? Le format des débats devrait être pensé précisément en fonction de la réponse à cette question.
À la suite de l’invitation de l’ancien Commissaire responsable de la Commission des débats officiels, André Blais et moi-même avions proposé, dans une analyse détaillée, un objectif clair: les débats officiels devraient servir à procurer de l’information utile aux électeurs les moins informés.
D’ailleurs, pour ceux qui croiraient, à tort, que les débats ne sont plus écoutés, la Commission illustre dans ses rapports que les débats de 2019 et de 2021 ont rejoint énormément d’électeurs. Beaucoup de ces personnes sont peu informées et bénéficieraient d’informations politiques utiles afin de voter de manière éclairée.
Plusieurs implications découlent de cette conception du rôle des débats et de la nécessité d’informer les électeurs qui sont moins connaisseurs. D’emblée, ce constat rend impertinentes les critiques provenant des chroniqueurs et analystes politiques voulant que nous n’ayons «rien appris de nouveau». Pensons-y un instant. C’est tout à fait normal que des personnes dont le travail consiste à suivre l’actualité n’apprennent pas grand-chose d’un débat officiel. Les chefs de partis n’ont pas à étonner ou épater les médias avec des annonces ou des critiques surprises. Ils doivent se concentrer sur la communication d’informations utiles pour les électeurs qui ne seraient pas au courant de ces informations.
Mais qu’est-ce qu’une information utile? Ce genre d’information devrait être celle qui permet aux électeurs d’être en meilleure posture pour évaluer (1) l’action gouvernementale du parti sortant, (2) les propositions des partis de l’opposition, et, dans une moindre mesure, (3) les qualités personnelles des chefs. Avec ces critères en tête, quelle formule concrète permet le mieux d’informer les électeurs?
Augmenter le temps de parole en solo, où les chefs ne peuvent pas être interrompus, améliorerait la qualité globale du débat.
L’absence d’interruptions procure une occasion en or aux chefs de détailler plusieurs propositions politiques, contrairement aux échanges ouverts qui se prête mieux à l’attaque et à la critique des adversaires. En plus de pouvoir aborder plus de propositions politiques à travers plus de segments solos, le ton devrait être plus positif. Il y aurait un coup politique à être trop négatif alors qu’il serait clair, pour tout le monde, que le chef avait un temps de parole pour valoriser ses idées et ses propositions plutôt que d’attaquer les autres négativement.
Il reste toutefois nécessaire d’avoir des échanges ouverts afin de mettre en contraste les différentes positions et parce qu’ils permettent, dans une certaine mesure, d’évaluer les qualités personnelles des chefs. Dans l’ensemble, c’est tout de même une place plus importante qui devrait être accordée aux segments solos par rapport à ce qui a été fait en 2019 et en 2021.
En parlant du format utilisé en 2021, la Commission mentionne, dans son rapport, que « celui-ci était chargé et restrictif, et [qu’il] n’accordait pas suffisamment de temps aux chefs pour s’exprimer ou échanger de façon pertinente ». Ce constat fait consensus. J’espère toutefois que les solutions de la Commission n’impliquent pas qu'une plus grande proportion du temps du débat soit accordée aux échanges ouverts.
Les principes de la Commission mettent beaucoup l’accent sur la nécessité de simplicité. Les segments solos sont ce qu’il y a de plus simple et, pour les raisons énoncées plus haut (permettent de communiquer davantage d’informations et favorisent un ton plus positif), ils devraient être davantage utilisés que dans les débats passés.