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Compétences provinciales, épisode X: les enjeux constitutionnels contre-attaquent.
Je dois vous avertir: la présente chronique porte sur les enjeux constitutionnels. Je sais, nous avons développé au Québec un réflexe d’évitement collectif pour tout ce qui touche ce sujet, particulièrement après le deuxième échec référendaire, en 1995. Pourtant, une nette majorité de Québécois souhaite que la province obtienne plus de pouvoirs d’Ottawa. On n’aura donc pas le choix d’en parler.
Le rapport du comité consultatif sur les enjeux constitutionnels du Québec, publié il y a quelques semaines, remet à l’ordre du jour des enjeux importants auxquels, contrairement à certaines idées reçues, les Québécoises et les Québécois sont loin d’être indifférents. L’opinion publique est en droite ligne avec l’idée générale du rapport recommandant au gouvernement du Québec non seulement de protéger des compétences acquises, mais aussi de renforcer ou d’acquérir d’autres compétences qui ne sont pas garanties par la Constitution canadienne.
Ce sont près des trois quarts des Québécois (72%) qui réclament davantage de pouvoirs pour la province, selon les données de l’Étude électorale québécoise de 2022.
Ce constat n’est pas étranger aux nombreuses données qui illustrent que les Québécoises et les Québécois ont davantage confiance en leur gouvernement provincial que dans le gouvernement fédéral.
Les préférences de l’électorat sont également très claires en ce qui concerne des champs de compétence plus précis. On peut penser aux politiques d’immigration qui ont été centrales en 2024 et qui le seront également lors de la prochaine élection fédérale, ou encore aux politiques culturelles et linguistiques dans un contexte où le français est globalement en déclin au Québec.
Par exemple, plus de 75% des citoyennes et des citoyens estiment que les politiques culturelles et linguistiques devraient être une responsabilité de Québec. Le constat est le même en santé. Pourtant, dans le contexte actuel, le gouvernement fédéral a relativement beaucoup d’influence quant à la langue française et impose des conditions sur certains transferts d’argent en santé.
Le rapport s’attaque à ces enjeux et propose un plan de match au gouvernement du Québec. L’opinion publique est nettement favorable à cette démarche.
Préférence du lieu de prise de décision selon le type de politique:
Les libéraux, tant fédéraux que provinciaux, disent que le «fruit» n’est pas mûr lorsqu’il est question d’enjeux constitutionnels. Les indépendantistes pourraient répondre que le fruit a pourri à travers les décennies d’échecs de négociations et que ce genre de démarche détourne le débat sur la seule véritable solution que serait l’indépendance du Québec.
La CAQ se targue d’être une «troisième voie», nationaliste sans toutefois être indépendantiste. Il a déjà illustré que cette approche peut être gagnante en remportant deux mandats majoritaires. Le rapport Proulx-Rousseau propose une démarche cohérente avec cette approche.
Toutefois, il s’agit d’un plan de match qui demande un investissement assez important si le gouvernement est sérieux dans sa défense des compétences provinciales. Passer à l'offensive pour obtenir plus de pouvoir pourrait être une stratégie à double tranchant. Il est possible que le gouvernement mette beaucoup d’efforts sans obtenir de résultats suffisants, voire qu’il subisse des revers considérant que le fédéral pourrait riposter et les tribunaux pourraient ne pas être favorables au Québec. À ce moment, il y aurait un terreau fertile pour ce qu’on appelle parfois les «conditions gagnantes» du mouvement souverainiste.
En un mot, le Québec aurait alors tenté, de bonne foi et avec des fédéralistes à sa tête, de consolider ses pouvoirs au sein de la fédération canadienne, sans obtenir un résultat satisfaisant pour la population québécoise. Cette potentielle démonstration d’échec de la fédération canadienne quant à sa capacité de satisfaire le Québec, qui découlerait de l’action du gouvernement provincial, pourrait donner un sérieux coup de pouce au mouvement indépendantiste et en particulier au Parti québécois.