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Qui songerait à s’obstiner avec un urologue compétent pour savoir qui a raison ?
«La position assise est probablement la façon la plus efficace de le faire. » Le docteur Gerald N Collins, un urologue anglais à l’allure fort sympathique, a tranché récemment cette grave question.
Qui songerait à s’obstiner avec un urologue compétent pour savoir qui a raison ?
Moi, évidemment. Je ne plongerai toutefois pas dans le débat socio -politico-philosophique de la controverse, que je laisse à de plus compétents en la matière.
Je commence toujours par vérifier la source. Je me suis même payé un abonnement gratuit au Telegraph à cette fin.
Premier constat : l’urologue en question existe, c’est déjà ça de pris. Dr Collins produit au fil des ans environ 25 publications scientifiques, qui traitent surtout de cancer de la prostate.
Mais rien à propos du dilemme « assis ou debout ». Ce n’est apparemment pas dans son champ de recherche — ni dans le mien, je le concède.
Je me suis demandé sur quelles preuves scientifiques il se fondait pour lancer à la planète entière une affirmation d’un impact au moins aussi considérable sur nos vies que sur le pourtour des toilettes.
Je n’ai retrouvé aucune société savante recommandant formellement l’une ou l’autre des positions. Pas de consensus scientifique clair. Sur une question aussi importante, c’est honteux, mais bon.
S’agirait-il d’une simple opinion — ce dont j’essaie de m’inspirer le moins possible quand j’aborde toute question médicale ?
Dans la hiérarchie des évidences scientifiques, l’opinion est en effet tout en bas : on peut en tirer à peine quelques gouttes de savoir.
À l’opposé, tout en haut, on retrouve les méta-analyses systématiques, qui prennent en compte l’ensemble des données scientifiques pour en déduire la meilleure conclusion envisageable. Entre les deux, plusieurs étages de preuves de fiabilité variable.
La question suivante est, pour moi, toujours de savoir s’il existe une bonne méta-analyse sur le sujet.
Oui, justement !
Parue en 2014, elle semble représenter la meilleure évidence disponible à ce jour, bien que d’autres études de plus faible envergure aient été depuis publiées.
Son titre est déjà fort informatif (je traduis) : « Uriner debout ou assis : la position a une influence chez les hommes souffrant d’hypertrophie de la prostate. Une revue systématique et une méta-analyse. »
J’adore quand j’apprends la réponse dans le titre : la position aurait une influence… chez les hommes souffrant d’hypertrophie de la prostate.
Une influence sur quoi, au fait ?
Basée sur 11 études de qualité (tirées d’un corpus de 2352), cette méta-analyse démontre qu’en position assise, un (et un seul) paramètre urologique s’améliore : le volume résiduel d’urine (dans la vessie et non le bol), ce qui reste après avoir complété l’action salvatrice.
Ainsi, on mesure dans la vessie 25 ml d’urine en moins en position assise qu’après avoir uriné debout. Mais cela, notez bien, seulement chez les hommes souffrant de problèmes de prostate — généralement les plus âgés.
il faut savoir que pour rester debout, l’urinant doit contracter plusieurs muscles, notamment ceux du plancher pelvien qui soutiennent la vessie et la prostate, ce qui interfère apparemment avec la capacité de bien se vidanger.
Alors qu’en position assise, ces muscles se relâchent (tout comme l’esprit), d’où la facilitation du flot facilité… et d’une autre fonction évacuatrice tout aussi fondamentale que je n’aborderai pas aujourd’hui.
Le résultat principal de cette méta-analyse est qualifié de « statistiquement significatif », ce qui dénote que cette différence est probablement réelle et non le fruit du simple hasard.
Quand on souffre de problèmes prostatiques, les symptômes (appelés « prostatisme) sont liés à l’hyperplasie de la prostate elle-même, qui profite avec les années, une triste réalité des hommes avançant en âge.
Cette prostate de plus en plus volumineuse cause une diminution du flot parce qu’elle forme un goulot d’étranglement autour de l’urètre, par où s’écoule le divin liquide, empêchant de manière variable la vidange de la vessie.
Cela provoque les manifestations suivantes : uriner souvent (« pollakiurie »), uriner la nuit (« nycturie »), des urgences mictionnelles (une envie pressante), parfois de la rétention urinaire (difficulté à vider sa vessie pouvant aller jusqu’au blocage) et le triste « goutte à goutte ».
Voici la grande question : est-ce que la position assise soulage aussi ces symptômes ?
Au-delà du « statistiquement significatif », on retrouve une seconde expression majeure en médecine, celle de « cliniquement significatif ». Qui veut simplement dire : est-ce important pour la vie du patient ?
Ce fameux 25 ml d’urine de moins dans la vessie, est-il cliniquement significatif ? S’il diminue des symptômes ou éloigne certaines complications, comme le risque d’infection, sans doute.
Je n’ai rien trouvé qui démontre clairement une amélioration des manifestations lorsque l’homme urine assis, ni une baisse du danger d’infection.
Des chercheurs ont toutefois découvert qu’un volume résiduel (après avoir uriné) d’au moins 180 ml était requis pour augmenter vraiment le risque d’infection, et qu’en deçà de 100 ml, on n’en diagnostique que rarement.
Alors, vous savez, ce petit 25 ml de moins en position assise chez les hommes souffrant de prostatisme diminue sans doute rarement ou pas du tout le risque d’infection.
Au mieux, on peut dire avec confiance que la position assise favorise une meilleure vidange de la vessie, mais uniquement chez les hommes (plus âgés) ayant des symptômes de prostatisme.
Uriner en position assise pourrait être essayé pour les atténuer, même sans une preuve claire d’efficacité.
Bottom line: tant mieux si ça vous fait du bien.
Quant aux aspects socio -politico-philosophiques de la question, je les laisse aux intellectuels plus savants que moi en ces délicates matières.