Début du contenu principal.
Des échanges inhabituellement tendus avaient poussé le président de la Chambre, Greg Fergus, à avertir le premier ministre Justin Trudeau et le chef conservateur Pierre Poilievre de reformuler leurs commentaires afin d'éviter de porter des accusations directes sur la moralité d'un autre député.
Les avertissements sont intervenus après que M. Poilievre a qualifié le premier ministre de «l'homme qui a passé la première moitié de sa vie adulte à pratiquer le racisme», faisant référence à des photos publiées de M. Trudeau, le visage noir et brun, lors de la campagne électorale de 2019.
Le président Fergus a mis M. Trudeau en garde lorsqu'il a déclaré que M. Poilievre «nous montrait exactement à quoi ressemble un leadership honteux et sans âme» et l'a accusé de serrer la main de «nationalistes blancs».
Ces échanges tendus sont survenus alors que M. Poilievre et les conservateurs attaquaient les libéraux pour avoir permis à la Colombie-Britannique d'autoriser la décriminalisation des drogues dures, comme l'héroïne et le fentanyl, dans les lieux publics. Or, le gouvernement provincial néo-démocrate demande maintenant à Santé Canada de faire marche arrière. Les conservateurs soutiennent que cette politique a causé de graves préjudices.
M. Trudeau a soigneusement éludé ces questions, répondant chaque fois en accusant M. Poilievre de s'associer à des gens d'extrême droite.
Il a déclaré qu'une personne qui agit ainsi n'est pas apte à devenir premier ministre.
Dans des vidéos diffusées en ligne la semaine dernière, on voit M. Poilievre s'arrêter à ce que les manifestants ont décrit comme une protestation contre la «taxe carbone» dans le Canada atlantique. On voyait tout autour des drapeaux chargés d'injures à l'endroit de M. Trudeau. On voit aussi M. Poilievre sortant d'une caravane appartenant à l'un des manifestants, dont l'extérieur est tapissé de graffitis, dont un symbole associé au groupe en ligne d'extrême droite Diagalon.
Les incidents à la Chambre ont commencé à s'intensifier lorsque le président Fergus a expulsé la députée conservatrice Rachael Thomas, après qu'elle a déclaré qu'il «agissait de manière honteuse».
L'échange tendu s'est poursuivi après son départ, M. Trudeau affirmant que M. Poilievre était un vétéran politicien de «19 ans» qui avait fait le choix de s'associer à ce campement de manifestants.
«Tout dirigeant qui a besoin du soutien d'un groupe nationaliste blanc d'extrême droite pour lever des fonds et se rapprocher du pouvoir ne mérite pas d'être élu», a accusé le premier ministre.
C'est alors que M. Poilievre a commencé à utiliser le terme «cinglé» («wacko») pour décrire le premier ministre et ses politiques «extrémistes». Le président Fergus a estimé que ce terme n'était pas parlementaire et il a demandé à M. Poilievre de le retirer. Le chef conservateur a déclaré qu'il remplacerait le mot par «extrémiste», puis par «radical», ce que M. Fergus a également rejeté.
Il a demandé au chef conservateur de «simplement retirer» ce commentaire.
Lorsque le président de la Chambre a demandé une dernière fois à M. Poilievre de retirer son commentaire, le chef conservateur a répondu: «Je retire simplement et je remplace par l'adjectif susmentionné.»
M. Fergus a alors ordonné à M. Poilievre de quitter la Chambre et de ne pas participer à d'autres débats mardi, que ce soit en personne ou virtuellement.
Une grande partie du caucus conservateur a alors suivi le chef, et tous ont fini par sortir avant la fin de la période des questions.
Le leader du gouvernement à la Chambre, Steven MacKinnon, a quitté la Chambre quelques instants plus tard, qualifiant ce qui venait de se dérouler de «honte».
Tout de suite après son expulsion, M. Poilievre a écrit sur les médias sociaux que le président de la Chambre l'avait «censuré» pour avoir qualifié de «cinglée» la politique de M. Trudeau en matière de drogues dures.
«Six personnes qui meurent chaque jour d’une surdose en Colombie-Britannique, c’est cinglé. Les enfants qui jouent à côté de seringues usagées, c'est cinglé. Les infirmières qui craignent d’allaiter après avoir inhalé des vapeurs de médicaments toxiques, c'est cinglé», a écrit le chef conservateur.
«C’est une politique cinglée d’un premier ministre cinglé qui détruit des vies.»
Un peu plus tard, il a ajouté sur le média social X que la position de M. Trudeau sur la consommation de drogues dures en public «est cinglée».
«Il ne voit aucun problème à permettre aux toxicomanes de fumer du fentanyl dans les parcs, les terrains de jeux et les hôpitaux de la Colombie-Britannique. C'est cinglé.»
Et dans des publications sur les médias sociaux, les conservateurs ont repris sans relâche l'expression «wacko» et «cinglé», affirmant que ce terme avait été prononcé à plusieurs reprises à la Chambre des communes dans le passé sans être considéré comme non parlementaire.
La porte-parole du chef conservateur, Marion Ringuette, a écrit que «dans le but de protéger le premier ministre, le président libéral de la Chambre des communes a fait sortir le chef de l’opposition pour l'empêcher de parler de ces politiques» sur les drogues, «ces politiques qui tuent, qui introduisent le crime, le chaos, la drogue et le désordre dans nos rues».
La députée conservatrice Michelle Rempel Garner a déclaré que les incidents survenus à la Chambre démontraient qu'il y avait deux poids, deux mesures et que M. Poilievre disait la vérité.
Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, s'est clairement réjoui des événements, félicitant M. Fergus d'avoir fait preuve de «gros bon sens» à la Chambre.
Le député bloquiste Louis Plamondon, doyen des députés, a qualifié le commentaire de M. Poilievre d'«insultant». Il a déclaré qu'en 40 ans de carrière à Ottawa, il n'avait jamais vu un chef de parti expulsé de la Chambre. Il ne se souvient pas non plus d'un parti qui a organisé une telle sortie de groupe.
Dans le foyer des Communes, le leader du gouvernement à la Chambre, Steven MacKinnon, a estimé que ce qu'on venait de voir n'était «pas normal».
«Nous avons un chef de l'opposition qui, révisons: dans la dernière semaine, a proactivement visité des extrémistes blancs, des gens qui ont menacé le viol en gang de journalistes féminins, qui ont menacé la communauté LGBTQ, qui font preuve d'un langage extrême, a soutenu M. MacKinnon. Et hier, le chef de l'opposition, avec un petit clin d'oeil, a menacé de déchirer la Charte des droits et libertés.
«Donc, on ne devrait pas s'étonner qu'il rentre, lui et sa gang, dans la Chambre des communes avec un langage survolté, excédentaire [excessif] et se laisse emporter dans les insultes et quelque chose de jamais vu: décider de se retirer de la Chambre des communes après avoir eu l'avertissement du président que ce n'était pas approprié, leur langage.»
Le leader néo-démocrate à la Chambre, Peter Julian, a lui aussi dénoncé les propos de M. Poilievre. «Ce qui n'est pas normal, c'est de refuser quand le président lui demande simplement de retirer ses propos, a-t-il dit dans le foyer de la Chambre.
«C'est une chose normale qui se passe tous les jours ici au Parlement. Moi, je l'ai fait moi-même: j'ai été obligé de retirer mes propos. Le fait qu'il a refusé à plusieurs reprises, c'est ça qui démontre un manque de respect total pour les Canadiens et les Canadiennes et pour notre système démocratique.
«Ce n'est pas le roi! Être soustrait au même règlement de procédure que tout le monde a dans ce Parlement et pour lui de dire: "Mais moi, je suis au-dessus de la loi", je trouve ça extrêmement inquiétant. Ça nous annonce quoi pour la suite?»