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Dans un dossier qui revenait en cour mercredi, une victime de violence conjugale attendait la sentence de son agresseur depuis bientôt un an, or le dossier a de nouveau été repoussé.
Cette victime s’est connectée par visioconférence en salle de cour pour tenter de comprendre pourquoi, pour la 5e fois, le juge Dunnigan repoussait l’imposition de la peine de son agresseur. Les représentations sur sentence sont terminées depuis le 10 mars 2022. La procureure de la Couronne, sans vouloir blâmer le juge, a bien voulu commenter l’audience en salle de cour.
«La victime était connectée, mais le juge n’a pas donné de détails particuliers sur la raison des reports. Il a noté qu’il y avait eu un délai au stade des représentations sur la peine et il a indiqué que ce serait la prochaine décision qu’il rendrait», explique-t-elle. Lors de l’audience, le juge a admis des «délais indus» et a dit prendre toute la responsabilité pour ceux-ci. Il a finalement fixé au 17 mars l’imposition de la peine.
Me Gingras-Gauthier, en entrevue, a aussi expliqué avoir un autre dossier en cours où il y a eu «quelques reports» de la décision. Plusieurs personnes baignant dans le monde judiciaire nous ont aussi confirmé s’être retrouvées devant la même situation avec le juge Dunnigan. Une autre avocate nous a expliqué être en attente d’un jugement dans un dossier de violence sexuelle depuis environ 8 mois. Bien qu’un juge puisse parfois attendre des décisions de la Cour d’appel ou de la Cour suprême avant de livrer son verdict ou une sentence, les cas qui nous ont été rapportés ne se trouvent pas dans cette situation.
Au palais de justice, mercredi, l’avocate sherbrookoise Michèle Lamarre-Leroux, qui œuvre en défense, n’a pas souhaité commenter spécifiquement le cas du juge Dunnigan. Elle a toutefois offert une piste de réponse sur ce que peuvent être des délais déraisonnables.
«Normalement, les juges sont assez proactifs pour rendre ces décisions-là, au bénéfice de tous, autant de l’accusé que de la victime», a-t-elle expliqué. Elle a offert une comparaison avec l’arrêt Jordan, qui impose que les délais juridiques ne soient pas plus longs que 18 mois en cour provinciale ou 30 mois pour les tribunaux supérieurs. Ces délais sont calculés à partir du moment où les accusations sont portées jusqu’à la fin du procès.
«On impose à tous les acteurs de faire un effort pour que la présentation de la preuve soit terminée dans cette période-là. Si on regarde et qu’ensuite le délibéré, soit sur le verdict ou le jugement, prend l’équivalent du tiers ou même d’une moitié de délai Jordan, je pense que le public est légitime de se questionner sur quel est l’effort que les juges font par rapport à ces délais-là», a expliqué Me Lamarre-Leroux.
Appelée à commenter les impacts pour les victimes lorsque les délais s’étirent ainsi, Me Gingras-Gauthier a rappelé que les dossiers de violence conjugale sont des dossiers que l’on veut prioriser. «On veut pouvoir accompagner les victimes et qu’elles puissent avoir un dénouement le plus rapidement possible», a-t-elle admis.
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La directrice de la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes, Manon Monastesse, n’était pas surprise d’entendre parler de délais dans le système judiciaire. Elle est à même de constater les impacts du processus qui s’étire sur les victimes. «C’est quelque chose qui existe depuis longtemps pour les victimes de violence conjugale et d’agression sexuelle. C’est évident que pour les victimes, c’est quelque chose qui a beaucoup d’impacts sur leur vie, parce que leur vie est comme en suspens. Il y a aussi tout l’aspect de la sécurité, comme en violence conjugale, où la sécurité peut être compromise, parce que l’ex-conjoint est toujours dans les parages», a-t-elle expliqué. Dans le dossier présenté ce matin, l’accusé est d’ailleurs toujours libre, en attente de sa sentence.
Mme Monastesse a dit espérer que la mise en œuvre du Tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale puisse régler une partie du problème.
Le Barreau du Québec a refusé de commenter un cas spécifique et le Conseil de la magistrature du Québec a dit n’avoir que trop peu d’informations sur le dossier pour émettre un commentaire. Un courriel au porte-parole de la Cour du Québec demeurait sans réponse au moment d’écrire ces lignes.
Voyez le reportage de Guillaume Cotnoir-Lacroix dans la vidéo.