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Il suffit de naviguer sur la plateforme pour découvrir plusieurs offres dans l’arrondissement. L’une d’elles a attiré notre attention parce qu’elle portait le titre «spacieuses quatre chambres dans HoMa». Les appartements de quatre chambres dans ce quartier se font rares et représentent le mirage de bien des familles.
Nous avons finalement découvert que l’immeuble appartient à deux frères. Les commentaires sur la plateforme sont nombreux et démontrent la récurrence des visites sur les lieux. Mais au téléphone, les deux frères nient exploiter des Airbnb et disent savoir qu’il est illégal de le faire dans Hochelaga-Maisonneuve. Ils m’ont assuré que les logements étaient loués plus de 31 jours ou qu’ils avaient des locataires.
Pourtant, il y a des boîtes à clés accrochés aux barreaux du balcon. Et lors de nos vérifications, nous avons constaté que les rideaux étaient fermés en permanence.
Nous avons cogné à la porte et un touriste venu de la Martinique nous a répondu. «Vous résidez ici? Non je suis de passage, je suis en Airbnb», a-t-il affirmé.
Il a expliqué être à Montréal pour affaires et que son employeur lui a loué l’endroit pour quelques jours.
Une autre fois, une jeune femme ramassait les poubelles à l’extérieur. «Je suis pour le Airbnb, je fais le ménage», a-t-elle tout bonnement avoué.
En fouillant sur l’un des propriétaires, nous avons trouvé un autre immeuble qui lui appartient, mais cette fois sur le Plateau-Mont-Royal. Les portes ont des verrous numériques. L’occupant d’un des logements, a dit être là pour une seule journée, en Airbnb. Impossible de savoir ce qui se passe dans l’immeuble, le propriétaire nous a raccroché la ligne au nez.
Pour la présidente du Comité des locataires de Hochelaga-Maisonneuve, il est évident que les changements apportés à la loi après le drame du feu dans le Vieux Montréal n’ont rien amélioré.
«Les propriétaires ont le gros bout du bâton», martèle Annie Lapalme. Elle rappelle que la mairesse de Montréal, Valérie Plante, se félicitait l’an dernier d’avoir créé une nouvelle escouade municipale d’inspecteurs. La Ville nous a d’ailleurs confirmé avoir distribué une centaine de contraventions qui s’élevaient à un peu plus de 117 000 $ en juin.
«Nous, ce qu’on se fait dire, c’est que dans cette escouade, il n’y a pas de ressources. C’est déjà un flop», lance Annie Lapalme.
Même son de cloche de la part de l’opposition à l’Hôtel de Ville. L’élu responsable du dossier de l’habitation pour Ensemble Montréal, Julien Hénault-Ratelle, décrit le projet pilote que représente la nouvelle escouade comme une simple opération de relations publiques.
«C’est un coup d’épée dans l’eau», affirme-t-il. Selon lui, compte tenu de l’urgence de la situation dans le contexte de la pénurie de logements, l’administration Plante devrait affecter davantage de ressources à éliminer ce fléau que représente les Airbnb.
«Il y a eu plusieurs cas, cette année, d’inspecteurs qui vont donner des avis d’infraction à des commerçants parce que les plantes sont trop hautes, la terrasse est un centimètre au-dessus de la limite du trottoir. Bien franchement je pense que l’administration Plante devrait revoir ses priorités au niveau des inspections et amener les inspecteurs sur les cas les plus urgents.»
L’attaché du cabinet, Simon Charron, écrit que, malgré des efforts de Québec pour serrer la vis sur les locations courts termes, la Ville de Montréal a pris l’initiative de mettre en place ce projet pilote d’escouade d’inspecteurs spécialisés en la matière.
«Cette démarche inédite vient créer un mécanisme qui est absent pour s’assurer de l’application de la loi de Québec. Elle a tout de même permis d’entamer et d’accélérer des enquêtes, de mettre des propriétaires et locataires fautifs à l’amende, d’alimenter nos changements réglementaires et d’outiller le gouvernement sur certains dossiers problématiques.»
«On doit remettre sur le marché les logements qui sont présentement offert en location de manière illicite. Notre administration n’hésite pas à collaborer et soutenir le gouvernement du Québec et on va continuer de le faire.»
Revenu Québec a pour sa part fait condamner 1184 propriétaires l’an dernier pour des amendes de 4 997 321 $. Annie Lapalme fait remarquer que cela ne représente pas de lourdes amendes en moyenne pour les propriétaires qui empochent de grosses sommes en louant leur appartement à la journée. Selon elle, les amendes sont dérisoires. «Est-ce que c’est assez la punition pour dissuader, au regard de tous les profits engendrés, ça vaut la peine encore.»
Revenu Québec a confirmé à Noovo Info jeudi que les deux propriétaires ont reçu chacun une amende de plus de 3000$. Une amende a été reçu en juin et l’autre en septembre, une semaine avant notre dernière visite .
Voyez le reportage de Véronique Dubé dans la vidéo.