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Tous les témoins civils ont maintenant été entendus au procès du Mascouchois Nacime Kouddar, ce qui permet maintenant aux médias de présenter le contenu d’une caméra de surveillance du Walmart de Fleurimont.
Nous sommes au tout début de la pandémie de la COVID-19. Nacime Kouddar et sa conjointe de l’époque arrivent au commerce le 4 avril vers 16h30. On les informe qu’une seule personne par ménage, en raison des mesures sanitaires alors en place, peuvent intégrer le Walmart.
Selon le récit de tous les témoins, Kouddar est furieux de ne pas pouvoir entrer. Il apparaît dans les images de caméra de surveillance faisant des gestes avec son bras et parlant avec des personnes qui se trouvent à l’extérieur du champ de vision de la caméra.
Les secondes passent et environ deux minutes après leur arrivée, l’agent de sécurité Philippe Jean arrive dans le cadre. Quelques instants plus tard, il décide de s’approcher de Nacime Kouddar. Les deux hommes discutent, l’agent de sécurité lui refuse de nouveau le passage, puis ils sortent du cadre.
22 minutes après leur arrivée, Kouddar et son ex-conjointe, qui a terminé son magasinage, s’apprêtent à quitter. Au lieu de se diriger vers la sortie, vers la 13e Avenue, ils prennent un détour et l’accusé, sa fenêtre baissée, semble s’adresser aux agents de sécurité à l’extérieur du cadre. Plus tôt, dans le cadre de deux témoignages, il a été possible d’apprendre que Kouddar aurait insulté l’agent à propos de ses lunettes.
La suite se déroule à vitesse grand V. Visiblement furieux, Philippe Jean court vers son propre véhicule et démarre en trombe. Il contourne les véhicules, roule à une très grande vitesse pour un stationnement et coupe Nacime Kouddar.
L’agent de sécurité sort alors de son véhicule et court vers celui de Kouddar, qui recule sur plusieurs mètres. Philippe Jean retourne ensuite à son grand VUS alors que l’accusé, lui se remet en marche avant.
Les images qui suivent peuvent choquer et laissent place à l’interprétation. Kouddar avance avec son véhicule et heurte Philippe Jean. La scène se produit loin de la caméra et il est difficile de savoir comment exactement l’agent de sécurité se retrouve sur le capot. A-t-il sauté pour éviter d’être fauché ? A-t-il sauté volontairement sur le véhicule ? Ce sera à la juge de trancher. Au moment où la caméra perd la scène de vue, la victime est toujours sur le véhicule en mouvement.
Outre ces images rendues publiques, la reconstitutionniste de la Sûreté du Québec (SQ) Julie Landry est venue présenter les résultats de son analyse. Devant la juge Hélène Fabi, elle s’est notamment penchée sur une série de photos du véhicule de Nacime Kouddar, à la suite de la collision mortelle. Le pare-brise de la voiture est lourdement endommagé.
«Sa vision vers l’avant était grandement diminuée», a-t-elle indiqué, en faisant allusion à la déformation importante du pare-brise causée par la collision.
Ni la carrosserie ni les pare-chocs avant et arrière n’ont été endommagés. «Les dommages que j’observe soutiennent l’hypothèse que la victime n’a pas été frappée par le véhicule, mais a accédé d’une autre façon au véhicule», selon l’experte. Il est possible selon elle que Philippe Jean ait sauté sur le véhicule en mouvement.
Sur la scène de l’accident, des morceaux de vêtements, des traces de sang et une petite pièce de plastique sont retrouvés.
Marc-André Gagnon-Dubé agissait comme gérant de soir au magasin Walmart et est sorti à l’extérieur pour fermer trois des quatre portes, alors que la fermeture approchait, le 4 avril 2020.
Alors qu’il s’affaire à sa tâche, il entend Nacime Kouddar crier. «Va t’acheter une paire de lunettes, tu travailles juste au Walmart», lance l’accusé à Philippe Jean.
Après ces paroles, un déclic semble se produire dans le comportement de l’agent de sécurité. «On va rire», dit la victime à ses collègues de travail, avant de se rendre à son véhicule et de partir aux trousses de Kouddar. Il tient ces propos «sur un ton un petit peu baveux. De quelqu’un qui n’est pas très content de ce qu’il s’est fait dire avant».
«Il embarque dans son auto et tu vois qu’il part vite […] Assez vite pour rattraper l’Acura», explique M. Gagnon-Dubé. «Je vois qu’il le coupe. Les deux véhicules ont freiné sec.»
Selon la version du témoin, M. Jean sort ensuite de son véhicule pour aller vers l’Acura «comme quelqu’un qui n’est pas content».
Le véhicule de Kouddar aurait ensuite reculé d’une vingtaine de pieds et M. Jean serait retourné ensuite à son véhicule. «C’est là que l’Acura se remet à avancer», détaille M. Gagnon-Dubé.
La vue du témoin est ensuite obstruée pendant un court instant. «Quand j’ai commencé à voir, j’ai vu sauter Philippe Jean sur le véhicule», explique le témoin. À ce moment, la victime ne semble pas en «bonne posture» et donne des coups sur la voiture.
Le témoin a estimé que le véhicule de Kouddar avait atteint une vitesse de 30 à 40 km/h. Rapidement, M. Gagnon-Dubé court vers Philippe Jean pour lui porter secours. «Il était face à terre, il saignait vraiment beaucoup», se souvient-il.
Sa version, à quelques détails près, est très similaire à celle offerte mardi par une collègue de travail de Philippe Jean, l’agente de sécurité Catherine St-Hilaire.
En contre-interrogatoire, le témoin a répondu à l’avocat de la défense, Me Nicolas Cossette, que Philippe Jean «n’avait aucune raison de quitter son poste de travail pour ça». «Il est parti comme une balle», avait notamment indiqué ce même témoin dans sa déclaration initiale aux policiers.
Il a estimé que la victime avait probablement «voulu faire peur» à Nacime Kouddar.
«-C’était raisonnable de penser qu’il avait l’intention de lui faire peur ?
-Bien quand il dit qu’on va rire…
-Avez-vous ri quand vous avez vu ça ?
-Non, pas tant.»
Pour le témoin, il y avait «de fortes chances» qu’une collision survienne lorsque Philippe Jean a bloqué le passage de Nacime Kouddar et de sa conjointe.
«S’avancer, les bras dans les airs, avec un véhicule comme ça qui s’en allait… ça n’a pas l’air sympathique ?» a demandé l’avocat. «Non, ça n’a pas l’air sympathique», a répondu le témoin, qui a toutefois refusé de qualifier le comportement de Philippe Jean comme agressif.