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Ce n’est pas tout, Noovo Info a appris que la naloxone - antidote permettant de contrer les effets du fentanyl - gèle au froid. Compte tenu la multiplication des campements, les intervenants appréhendent les surdoses mortelles en solitaire. Ils dénoncent aussi être rationnés dans la distribution de matériel sécuritaire.
Cédric Cervia. directeur adjoint pour l’organisme Travail de rue Action Communautaire, qui œuvre dans le Sud-Ouest, est découragé. Il a rencontré le ministre Lionel Carmant la semaine dernière pour lever le drapeau rouge. Le cabinet du ministre nous a confirmé ne pas être au courant que le médicament gelait dans les grands froids.
La Direction régionale de santé publique (DRSP) de Montréal confirme d’ailleurs dans une déclaration écrite que le produit doit être conservé au chaud.
«Il est recommandé d'éviter d'exposer la trousse de naloxone à des températures extrêmes en hiver en la conservant dans son manteau, proche du corps, et non suspendue au sac à dos, par exemple», écrit Geneviève Paradis, conseillère en relations médias pour la DRSP.
Elle ajoute que «si une personne a un doute sur l'état de conservation de sa trousse de naloxone, elle est invitée à la remplacer dans une pharmacie communautaire ou un organisme communautaire offrant la redistribution de naloxone».
M. Cervia s’inquiète. «Pas toutes les personnes vont penser à garder la trousse proche du corps, pour la garder au chaud. On risque d’avoir des enjeux à long terme. Déjà cet hiver-là, on risque d’avoir beaucoup plus de surdoses en campements.»
D’ailleurs, lors de notre visite dans un campement du Sud-Ouest, où une quinzaine de tentes sont plantées, les usagers ont installé la trousse au beau milieu de la place, au froid. L’un d’eux sait qu’elle risque d’être inefficace. «Ça arrête à moins 15 (degrés celcius) et des fois ça va prendre 2-3-4-5 shots dépendamment de la personne ou de la dose».
Pour Leslie Chalal, coordonnatrice de l’organisme Travail de rue action communautaire, la situation est critique.
Comme si ce n’était pas suffisant, les travailleurs de rue nous confient que les organismes ont vu leur budget réduit du quart en prévention des ITSS. Ils rapportent aussi se faire rationner actuellement sur le matériel sécuritaire qu’ils doivent distribuer sur le terrain. Mme Chalal prend les pipes à crack en exemple.
«Il y a cette idée que tout ce qui est inhalation est moins risqué qu’une seringue, mais c’est faux.» Elle fait remarquer que lorsque les usagers partagent leur pipe, elles peuvent être contaminées par des substances beaucoup plus dangereuses que ce qu’ils croyaient consommer au départ.
D’ailleurs, la DRSP de Montréal a lancé une alerte pour tout le territoire sur les risques du Nitazène, «un opioïde 25 fois plus puissant que le fentanyl» et présent dans le marché.
La santé publique tente toutefois de se montrer rassurante. «Pour le matériel de protection, les commandes acheminées par les organismes sont traitées par l’équipe de la santé publique et se poursuivent en continu.»
Mais du même souffle, la DSP affirme devoir resserrer la gestion de la distribution. «Considérant que le prix du matériel de protection a connu des augmentations et que les quantités de matériel sont aussi en croissance, un suivi serré des commandes est effectué et la distribution est maintenue.»
Geneviève Paradis ajoute que «le contexte épidémiologique actuel démontre l’augmentation des besoins, autant pour les activités de prévention des surdoses que les activités liées à la prévention des ITSS. Les organismes communautaires effectuent un travail essentiel sur ces deux sujets prioritaires et la santé publique de Montréal poursuit ses démarches pour l’avancée de ces dossiers.»
Nous avons sollicité une entrevue avec le ministre Carmant. Son cabinet nous a d’abord référés au ministre Christian Dubé, responsable des budgets. M. Dubé nous a renvoyé au ministre Carmant, qui a finalement refusé notre demande d'entretien.
Voyez le reportage de Véronique Dubé dans la vidéo.