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Dans ce premier volet d'une série de trois reportages sur le fléau des vols de voiture, Noovo Info vous présente l’histoire troublante de Karim*, qui a été recruté à l'âge de 16 ans pour conduire des véhicules volés.
L'adolescent est arrivé au Québec il y a deux ans. Il apprend le français, il fait du sport et a de bonnes notes: bref, un adolescent exemplaire.
Il est tombé dans l'oeil de criminels. «Je suis tombé dans le piège», confie-t-il.
Karim est loin d’être le seul jeune à avoir été tenté par un tel mode de vie. Noovo Info a en effet appris que sur les 538 personnes arrêtées l’an dernier pour vol de voiture à Montréal, 107 étaient âgées de 12 et 17 ans.
De son propre aveu, le jeune homme ne connaissait pas vraiment les criminels qui l’ont approché à son école secondaire. «C'était pas trop mes amis, c'était juste une connaissance. Ce n’est pas eux-mêmes qui font ça. Les personnes qui travaillent pour eux, même eux, ils ne les connaissent pas», raconte-t-il.
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Tout a très rapidement déboulé par la suite. «Ils sont venus, ils ont allumé une voiture, j'ai commencé à conduire, ils m'ont donné une adresse, ils m'ont donné 300$», relate l’adolescent.
Le modus operandi était simple: Karim recevait par texto la géolocalisation d’un véhicule et se dirigeait vers l’emplacement ou s’y faisait conduire, dépendamment de la distance. Ensuite, une fois sur place, il recevait un deuxième message indiquant l’endroit où il devait conduire l’automobile. Arrivé à destination, un autre véhicule arrivait et un des occupants payait Karim pour ses services.
Compte tenu de la simplicité du processus et attiré par l'appât du gain, Karim fait plusieurs livraisons de la sorte, jusqu’au jour où ses «employeurs» décident de commencer à exploiter le jeune homme.
«Je conduis, et après ils ne me donnent pas d'argent. Toujours, ils trouvent des arguments pour ne pas payer. Après , ils m'ont dit : ‘’tu vas recommencer avec nous, on va te payer, on va oublier les trois ou quatre voitures qui sont passées’’», déplore-t-il.
Après ses déboires, Karim commence à perdre confiance, à avoir peur. «Je n’avais jamais fait quelque chose comme ça», rappelle-t-il.
Il faut dire que ses interlocuteurs, dont ceux qui lui remettent sa rémunération – toujours versée en argent liquide – sont systématiquement cagoulés et qu’il ne connait ni leurs noms, ni leurs numéros de téléphone.
C’est pourquoi il gardait sur lui un couteau, pour se défendre si la situation tournait mal, comme ce fut le cas pour deux adolescents de la grande région de Montréal l’an dernier. Ceux-ci avaient été torturés à Toronto pour avoir refusé de voler un véhicule. Leur agression avait été filmée et diffusée sur les réseaux sociaux.
Karim, ne voulant pas subir un tel sort et désirant éviter les ennuis, décide de sortir de ce milieu.
Mais la réalité le rattrape rapidement et sa «retraite» est de courte durée. Malgré plusieurs tentatives, il ne parvient pas à se trouver un emploi.
«J'ai galéré, je ne n'avais pas d'argent. Toujours ma tête, elle me disait ‘’retourne, retourne, retourne’’ J'ai déposé [mon CV] à Maxi, Dollarama, partout. Je n'ai pas eu de réponse pendant deux mois», se souvient-il.
Malheureux coup du sort, c’est à ce moment que ses anciens patrons décident de lui proposer de reprendre du service.
À l’aube de ses 17 ans, Karim reçoit un texto lui proposant de déplacer une énième voiture volée.
L’adolescent finira toutefois par célébrer son 17e anniversaire au poste de police.
«J'entends la sirène de la police, je commence à courir. Je me suis caché derrière une maison, j'avais très peur», raconte-t-il. L’adolescent est intercepté par trois policiers accompagnés d’un chien. Après avoir été tenu en joue par les agents de la paix, il se fait passer les menottes et raccompagner au commissariat.
Sa première pensée est pour sa mère.
Karim fait maintenant face à la justice. Il est présentement en liberté, mais doit respecter plusieurs conditions, dont un couvre-feu. Il regrette aujourd’hui de s’être laissé tenter par le monde interlope. «J’ai vraiment appris une bonne leçon», lance-t-il.
«Si t'aimes bien tes parents, ne fais pas ça. Si tu vas au poste de police ou en prison, si t’es mineur, il n’y a que tes parents qui vont venir te chercher. Tu ne vas trouver personne avec toi», prévient-il.
*Nom fictif
Voyez le deuxième reportage d'une série de trois au bulletin Noovo Info 17 sur les ondes de Noovo ce mardi 11 juin à 17h.