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Santé Canada dit évaluer les risques de cette substance «afin de déterminer si d'autres mesures réglementaires sont nécessaires».
À la grandeur du pays, des laboratoires s’activent à l’analyse des substances saisies par les forces de l’ordre. Il s’agit du Service d’analyse des drogues (SAD) de Santé Canada. Si les données qu’il récolte ne représentent pas un portrait complet de la situation, n’empêche qu’on observe un bond de six fois et demi entre 2019 et 2022 de la présence de xylazine au pays.
Melanie Beddis, ex-usagère, est là pour en témoigner dans un entretien avec Noovo Info.
«J’ai commencé à avoir des plaies, il y a trois ans», raconte Melanie Beddis, assise dans son véhicule pour l’entrevue qu’elle m’accorde en ligne, en plein quart de travail. «C’est fou au travail, mais ça me permet de prendre une petite pause.»
Jadis dépendante aux drogues de rue, Melanie a vécu l’impact de la xylazine de plein fouet. Elle est maintenant directrice des programmes pour femmes chez Savage Sisters, un organisme venant en aide aux personnes en situation de dépendance à Philadelphie, en Pennsylvanie.
Si j’ai décidé de parler à quelqu’un à Philadelphie, c’est que cette ville américaine est l’épicentre d’une crise de santé publique où la xylazine a contaminé la drogue. Plus de 90% des échantillons de drogue dans cette ville en contenait des traces en 2021.
Melanie Beddis a des cicatrices sur les bras comme souvenir d’une époque où elle consommait, sans s’en douter, de la tranq.
Appelée tranq ou zombie dope, la xylazine agit comme relaxant musculaire chez les animaux et cause déjà des ravages aux États-Unis. D’ailleurs, le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances rappelle qu’il est contre-indiqué de la consommer chez les humains.
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L’usage de xylazine est problématique à deux égards. D’abord, la xylazine ralentit le rythme cardiaque et la respiration. Combinée à des opioïdes, elle contribue à une hausse des surdoses et de décès. Or, puisque cette substance n’est pas un opioïde, l’antidote aux surdoses — la naloxone — n’est d’aucune aide pour un consommateur qui en a trop dans le système.
Ensuite, son utilisation entraîne des abcès qui, dans des cas extrêmes, mènent à l’amputation de membres comme des doigts, ou même des jambes ou des bras.
«Il y a un apport en oxygène réduit dans le sang qui entraîne une nécrose des cellules cutanées et donc provoque des plaies», explique Jean-Sébastien Fallu, professeur en psychoéducation à l’Université de Montréal. «Cliniquement, on observe des plaies assez impressionnantes.»
Melanie Beddis estime que 95% des utilisateurs de services chez Savage Sisters ont des plaies.
«Quand tu es en situation d’itinérance, c’est sûr que tes plaies vont s’infecter parce que tu n’as pas accès à une douche ou même à des pansements et autres pour t’occuper de tes plaies. Alors oui, elles s’infectent et l’infection se propage partout sur le corps.»
Des plaies infectées qui ont une odeur nauséabonde, note-t-elle.
Si au Canada, cette substance toxique commence à faire les manchettes, nos voisins du Sud, eux, sont pris au piège par la xylazine. On vient d’en saisir pour la première fois à Prince George, dans le nord de la Colombie-Britannique, à la mi-janvier 2023.
Source: Santé Canada
Si la xylazine n’a pas encore été détectée dans tous les échantillons que testent CACTUS, il reste que son arrivée à Montréal n’est pas impossible.
Jean-François Mary, directeur général de l’organisme communautaire qui œuvre pour la réduction des méfaits, estime qu’un défi sera d’intervenir en cas de surdose.
«On va administrer de la naloxone, elle n’aura pas d’effet et on va perdre du temps dans ces interventions-là, à essayer de renverser une surdose d’opioïdes», estime-t-il.
La Food and Drug Administration a d’ailleurs publié une mise en garde en novembre 2022, où on peut lire que l’agence de santé américaine «communique avec les professionnels de la santé en lien avec les sérieux risques associés à l'utilisation de la xylazine chez l'humain».
«Ça va arriver, ça va contaminer le marché, les gens vont mourir.» C’est un constat sans équivoque que le professeur Jean-Sébastien Fallu fait sur un ton exaspéré. Pour lui, la solution est simple: il faut encadrer le marché des drogues pour que les utilisateurs consomment un produit sécuritaire.
Melanie Beddis, elle, nous met en garde et insiste sur l’importance de tester les substances pour y détecter rapidement la xylazine, mais surtout de lutter contre sa distribution sur le marché noir.
«C’est plus qu’une crise des opioïdes, c’est désormais une crise de santé publique», déplore-t-elle.
Avec la collaboration de Guillaume Théroux pour Noovo Info