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Plus les détails de ce décès sur lequel le Bureau du coroner enquête surgissent, plus ils suscitent l’émoi. L’homme d’origine haïtienne a laissé dans le deuil son épouse Guenda Filius, un bambin de 19 mois et un jeune de 11 ans. Au moment d’écrire ces lignes, ses enfants ne savaient pas qu’il est décédé.
Guenda Filius estime que le passeur avec qui son défunt mari a fait affaire est responsable de son décès. «Là où il l’a amené, ce n’était pas l’endroit qu’il aurait dû passer», a-t-elle affirmé en entrevue avec Noovo Info, contactée par téléphone en Floride où Fritznel Richard cherchait à la rejoindre. Frantz André, porte-parole du Comité d’action des personnes sans statut, a traduit ses propos créoles en français.
«C’est une business, [les passeurs profitent de la] précarité. Dans le cas de monsieur, le passeur a été rencontré», a commenté M. André, mandaté pour gérer les funérailles. Il organise également une collecte de fonds pour aider la famille.
Fritznel Richard ne sera pas enterré; il sera incinéré. «Ça aurait coûté trop cher aux États-Unis», déplore M. André, qui se rendra en personne en Floride remettre les cendres de ce père de famille à sa veuve. «On se voyait mal envoyer les cendres par DHL ou FedEx. C’est un humain.»
Un demandeur d’asile, oui, mais effectivement, un humain avant tout: Fritznel Richard a appelé son épouse pour lui dire qu’il ne trouvait plus son chemin dans l’épaisse forêt où il s’est perdu. Ses derniers mots auraient été: «Je sens que je meurs. Je t’aime.»
«Elle vit beaucoup de souffrance. Pour les funérailles, elle sera à distance, en vidéoconférence pour un homme qui était plus qu’un mari; c’était un père, un ami», a dit M. André en traduisant les déclarations de Mme Filius.
«Madame est partie avant lui, monsieur a choisi d’aller rejoindre sa famille à Noël. Et de perdre la vie comme ça, alors qu’il cherchait une nouvelle vie, je pense qu’on a une responsabilité et ce n’est pas acceptable», se désole le porte-parole.
Combien d’autres migrants comme Fritznel Richard mourront-ils dans de telles circonstances? L'Agence américaine des douanes et de la protection des frontières a enregistré au cours des derniers mois une augmentation draconienne du nombre de personnes qui tentent d'entrer illégalement aux États-Unis depuis le Canada par le Dakota du Nord, le Minnesota et le Wisconsin — au sud du Manitoba et de l'Ontario.
Pour ce qui est du chemin Roxham, 34 478 demandeurs d’asile ont été interceptés par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) entre des postes frontaliers situés au Québec, soit la quasi-totalité de ceux qui sont entrés au Canada de façon irrégulière, de janvier à novembre 2022.
Le chemin Roxham est un lieu de passage non officiel populaire chez les personnes qui veulent éviter d’être assujetties à l’Entente entre le Canada et les États-Unis sur les tiers pays sûrs.
Cet accord oblige les demandeurs d’asile à déposer leur demande dans le premier pays «sûr» qu’ils atteignent. Autrement dit, les douaniers canadiens refoulent les demandeurs d’asile qui se présentent aux points de contrôle officiels depuis les États-Unis, mais pas lorsqu'ils traversent de façon irrégulière à des endroits comme le chemin Roxham.
Le premier ministre du Québec, François Legault, avait soutenu le mois dernier que son homologue fédéral Justin Trudeau avait «de bonnes intentions» quant au chemin Roxham, mais qu'il «attend des actions» de la part de son homologue.
Lors d'une rencontre entre les deux hommes, M. Legault a dit avoir plaidé qu'il faut «arrêter l'entrée massive d'immigrants par ce chemin» et a dit voir une «ouverture» à ce qu'une partie des demandeurs d'asile soient transférés dans d'autres provinces.
La situation actuelle représente selon le premier ministre du Québec un défi en matière de francisation, mais également au chapitre des services de santé, d'éducation et de logement qui doivent être offerts.
Avec de l'information de La Presse canadienne