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Chaque mois, plus de 24 000 personnes utilisent l’outil en ligne de l’Ordre des psychologues (OPQ) instauré dans le but d’orienter les patients vers le bon spécialiste qui, en temps normal, serait en mesure de leur offrir de l’aide psychologique dans un horizon à court terme.
Le problème? Plusieurs psychologues inscrits n’ont plus aucune place dans leur agenda. Certains membres du public se plaignent depuis bientôt un an à l’Ordre après avoir dû faire «des dizaines d’appels» pour obtenir un rendez-vous après avoir consulté le site de référence.
«Le fait d’énoncer clairement vos disponibilités sera une mesure de considération envers des personnes souffrantes qui demeurent souvent, malheureusement, sans réponse de la part des psychologues qu’elles ont contactés», écrit l’Ordre dans un courriel envoyé à la fin septembre.
«[Plusieurs Québécois] nous rapportent devoir faire un parcours du combattant avant de trouver un professionnel en mesure de les aider», peut-on aussi lire.
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En entrevue avec Noovo Info, la présidente de l’Ordre des psychologues a qualifié le geste de «sans précédent».
«Nous n’avons jamais connu une situation comme celle vécue en ce moment», reconnaît la Dre Christine Grou. «Les gens nous disent encore faire plusieurs appels, sans même obtenir de retour ou tombant sur une boîte vocale indiquant que le psychologue ne prenait pas de nouveaux clients.»
«J’ai des psychologues qui sont complètement déchirés, car certaines personnes pleurent au téléphone, sont en détresse, et ils ne sont pas en mesure de les aider», poursuit-elle.
Le dilemme est le même pour Gaétan Roussy, président de l’Association des psychologues du Québec (APQ).
«Parfois, les gens qui tombent sur mon cabinet ont reçu de 20 à 30 refus avant de me parler. Je peux recevoir beaucoup de demandes en une seule journée et je n’ai pas le temps de répondre à tout le monde pour leur dire que je ne suis pas disponible», raconte-t-il.
En date de mars dernier, le site de référence comptait plus 2170 psychologues ou détenteurs de permis de psychothérapeute comparativement à 2678 en mars 2019, soit avant la pandémie.
L’APQ croit que la province est mûre pour une réflexion en profondeur sur l’accessibilité aux soins en santé mentale. Son président réclame la tenue d’états généraux sur la question, qualifiant le problème de «systémique».
«Pour aider la population, il faut des services dans les différents secteurs, dans les services publics et privés, dans le domaine scolaire, dans le domaine de la santé ou communautaire. Il manque d’organisation et de financement un peu partout. [...] Il faut une solution systémique pour que la population puisse recevoir les services dont elle a besoin», estime-t-il.
Conséquence directe de la pandémie, la liste d’attente dans le réseau public s’est aussi allongée depuis 2020, soit de 16 000 à plus de 20 350 en date d’octobre dernier, et ce, malgré les investissements annoncés par Québec en 2020 et au début de 2022.
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La réélection du gouvernement Legault, et de son ministre responsable des services sociaux, Lionel Carmant, est-elle donc perçue d’un bon œil par les principaux intéressés?
«Je vais travailler avec les gens qui sont en place. La démocratie s’est exprimée et je respecte ce processus. J’espère que ce partenariat sera porteur», répond la présidente de l’OPQ, après un bon moment d’hésitation.
Selon elle, le plan d’action gouvernementale présenté en janvier a une grande faiblesse: il ne prend pas suffisamment en considération les impacts de la pandémie.
«Mon souhait, c’est qu’il ait un plan imbriqué dans la santé publique», résume-t-elle. «Il faut aussi travailler sur l’éducation et la prévention, comme on l’a fait pour la santé physique.»
«On n’arrête pas de dire qu’il faut donner le bon service, avec le bon professionnel, au bon moment, mais on y arrive toujours pas malgré les réformes», déplore-t-elle.
Pour l’APQ, la province ne réglera pas l’enjeu d’accessibilité au privé, si la situation au public continue de se détériorer.
Pour son président, la pénurie de psychologues est « artificielle». Selon lui, l’amélioration des conditions de travail et accroître leur autonomie professionnelle, devraient être la priorité du ministre Carmant.
«Il faut les impliquer davantage dans l’accueil des gens, leur permettre de mettre de l’avant toutes leurs compétences et leur formation. Il faut aussi revoir leur salaire», martèle M. Roussy.
Voyez le reportage complet de Louis-Philippe Bourdeau ci-contre.