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Pour une première fois dans le bilan annuel de la DPJ, ce motif est distinct des mauvais traitements psychologiques.
La Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) reçoit 47 signalements par jour pour un motif d’exposition à la violence conjugale, selon le bilan national annuel déposé mardi. Pour la première année, ce motif de compromission est distinct des mauvais traitements psychologiques – une modification qui semble déjà avoir modifié la façon dont les dossiers de violence conjugale sont évalués par les intervenants en protection de la jeunesse sur le terrain.
En avril 2023, le Québec s’est doté de cet outil de plus pour la protection des enfants avec l’adoption d’un nouvel article de loi qui encadre la définition de ce qu’est l’exposition à la violence conjugale.
Bien qu’il soit encore trop tôt pour mesurer les impacts réels de ce changement législatif, «l’évolution de la pensée collective en matière de violence conjugale peut être perçue dans l’analyse des signalements reçus», indique la DPJ.
«Exposition à la violence conjugale: lorsque l’enfant est exposé, directement ou indirectement, à de la violence entre ses parents ou entre l’un de ses parents et une personne avec qui il a une relation intime, incluant en contexte post-séparation, notamment lorsque l’enfant en est témoin ou lorsqu’il évolue dans un climat de peur ou de tension, et que cette exposition est de nature à lui causer un préjudice.» - Détail de l’article 38 c.1) de la Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ).
Ainsi, en 2023, les signalements pour exposition à la violence conjugale comptaient pour 12,5 % de tous les signalements reçus. «Au Québec, cela représente un signalement sur huit ou 47 signalements par jour», précise la DPJ.
Le nombre de signalements reçus pour un motif d’exposition à la violence conjugale s'élève à plus de 17 000 en 2023, une hausse de 14,7% des signalements par rapport à 2022. Si l'on recule de 10 ans, en 2014, le nombre de signalements reçus pour un motif d’exposition à la violence conjugale était d'environ 8000.
«L’ensemble des signalements reçus est aussi en hausse de 57% depuis 10 ans, mais l’augmentation du nombre de signalements pour un motif d’exposition à la violence conjugale est deux fois plus importante (114%)», explique la DPJ.
En contrepartie, les signalements pour «conflit sévère de séparation» et «conflit de couple», ont enregistré de légères baisses dans la dernière année, ce qui pourrait «refléter une attention accrue, une plus grande compréhension du phénomène et un meilleur repérage de la part de tous les acteurs concernés par les violences faites aux femmes et aux enfants», estime la directrice nationale Catherine Lemay.
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La DPJ souligne par ailleurs que si l'année 2023 est caractérisée par une légère baisse de tous les signalements, ceux qui portent sur l’exposition à la violence conjugale ont connu leur plus forte hausse en 10 ans (15%).
En 2023, les services de protection ont retenu 47% de ces signalements pour une évaluation approfondie, comparativement à 31% pour l’ensemble des signalements.
Conflit ou violence?
La Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse évoque l’importance de distinguer le conflit au sein d’un couple et la violence conjugale. Une situation de conflit suppose une relation plus ou moins égalitaire entre les conjoints ou les ex-conjoints, alors que la violence conjugale résulte d’un déséquilibre des forces et de la domination d’un conjoint sur l’autre. La violence conjugale post-séparation est maintenant reconnue par la loi.
Rappelons par ailleurs que le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale (RMFVVC), l’Association nationale Femmes et Droit (ANFD) et Juripop réclament des changements concrets face à l'utilisation récurrente des accusations d’aliénation parentale dans un contexte de violence conjugale devant la justice.
«Un changement doit s’opérer dans la manière dont on répond aux besoins des enfants victimes de violences. Analyser une situation de violences conjugales sous le prisme de l’aliénation parentale revient à occulter les violences subies et les nombreuses conséquences qui en découlent; et il faut y mettre fin», a déjà déclaré Justine Fortin, avocate et directrice des services aux personnes victimes et survivantes chez Juripop.
Plus précisément, les organismes veulent que le gouvernement légifère l'interdiction d'accusations d’aliénation parentale et rende obligatoire des formations en continu aux acteurs du système judiciaire, incluant les intervenants de la DPJ, pour les sensibiliser aux enjeux de la violence conjugale. Ils réclament aussi que de nouveaux mécanismes et des pratiques appropriées soient adoptés pour écouter et respecter la voix des enfants dans le système de justice.
DOSSIER NOOVO INFO | Aliénation parentale
Selon le bilan annuel de la DPJ, en 2023-2024, 100 258 enfants ont fait l’objet d’au moins un signalement, soit 6,13 % des jeunes Québécois âgés de 0 à 17 ans, une légère baisse comparativement à l'an dernier.
«En 2023-2024, 35 791 enfants (2,19 %) ont fait l’objet d’au moins un signalement retenu pour évaluation, une donnée similaire à celle de 2022-2023 (2,18 %)», ajoute la DPJ.
Un peu plus de 43 400 enfants ont été pris en charge par la DPJ au cours de la dernière année, la majorité parce qu’ils étaient négligés dans leur milieu de vie (30,6%).
Près de 20% des situations d’enfants pris en charge par la DPJ concerne les mauvais traitements psychologiques et le risque sérieux de négligence.
Vient ensuite l’abus physique (8,9%) et les troubles de comportements sérieux (8,5%), les abus sexuels (3,5%) et l’exposition à la violence conjugale (3,3%).
«Ces statistiques montrent que la maltraitance chez les enfants au Québec est toujours bien d’actualité. L’impact de la maltraitance sur ces enfants est considérable et aucun d’entre eux ne devrait se retrouver dans une situation où il a besoin de protection», précise la DPJ.
Au 31 mars 2024, 51,4 % des enfants pris en charge par les DPJ vivaient dans leur milieu familial, alors que 16,9 % d’entre eux vivaient chez des tiers significatifs. Près du quart (23%) des enfants vivent dans une ressource de type familial, c’est-à-dire dans une famille d’accueil reconnue. «Ces résultats sont similaires à ceux des années précédentes».
La DPJ a aussi le rôle d'assurer l'application des principes prévus dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (LSJPA) qui s’applique aux adolescents qui ont entre 12 et 17 ans et qui ont commis une infraction criminelle.
En 2023-2024, 9 405 adolescents – environ 79% de garçons et 21% de filles – ont reçu des services en verture de la LSJPA, soit une hausse de 15% par rapport à 2022-2023.
La DPJ estime que la société québécoise doit être vigilante face à cette hausse.
«La situation actuelle pourrait refléter un rattrapage postpandémique ou s’inscrire dans un mouvement de réelle croissance de la délinquance. Il importe de demeurer vigilants face à cette recrudescence possible et de favoriser des interventions préventives concertées, en collaboration avec les parents. Il importe aussi de continuer à privilégier les interventions qui visent l’accompagnement, la responsabilisation et la réadaptation de l’adolescent. Ces interventions, qui s’inscrivent dans une perspective développementale, sont les plus susceptibles de protéger la société à long terme», écrit la DPJ dans son rapport annuel.
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Pour l’année 2023-2024, les mises sous garde représentent 8,4% des peines et concernent des garçons dans 97,4% des cas. «Les peines sévères, telles que les mises sous garde, doivent être réservées aux adolescents qui ont commis des crimes graves», précise la DPJ.
Les peines sévères concernent des cas de :
La Loi sur la protection de la jeunesse confie aux directeurs et directrices de protection de la jeunesse des responsabilités qui lui sont exclusives, notamment en matière d’adoption. À l’échelle nationale, un enfant peut être adopté à la suite du consentement de son ou ses parents ou, si sa situation et ses besoins en matière de protection l’exigent, être déclaré admissible à l’adoption. En adoption internationale, la DPJ agit dans les situations d’enfants nés hors Québec.
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Ainsi, la DPJ a travaillé l'an dernier sur 229 adoptions d'enfants québécois et sur 29 situations d’adoption internationale qui touchent 32 enfants. La DPJ est responsable d’une partie des activités relatives à l’adoption internationale au Québec, notamment en ce qui a trait aux évaluations psychosociales des candidats.
Avec la collaboration d'Émilie Clavel pour Noovo Info.