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Plusieurs personnes impliquées dans l’organisation du convoi de camionneurs qui sillonne depuis plusieurs jours les routes du pays sont connues des organisations qui surveillent la droite radicale au Canada.
La manifestation prévue samedi à Ottawa pour protester contre la vaccination obligatoire des camionneurs qui traversent la frontière risque de rassembler plusieurs sympathisants de l’extrême droite, selon des experts des mouvements radicaux.
Plusieurs personnes impliquées dans l’organisation du convoi de camionneurs qui sillonne depuis plusieurs jours les routes du pays sont connues des organisations qui surveillent la droite radicale au Canada.
L’un des organisateurs, Pat King, est cofondateur du mouvement séparatiste albertain Wexit. Le blogueur partage régulièrement du contenu suprémaciste blanc sur Facebook, en plus d’encourager ses quelque 150 000 abonnés à harceler des politiciens et des militants antiracistes.
La femme à l’origine de la campagne de sociofinancement en soutien au convoi, Tamara Lich, est une ancienne travailleuse de l’industrie pétrolière devenue secrétaire du parti Maverick, inspiré par le mouvement de M. King. Elle a été impliquée dans l’organisation du convoi des Gilets jaunes canadiens, en 2019, au cours desquelles des participants ont proféré des menaces de mort à l’endroit du premier ministre Justin Trudeau.
Pat King et Tamara Lich lors d’une manifestation de Gilets jaunes, en 2019. Crédit: Facebook/Tamara Lich
«Ce qu'on observe depuis le début de la pandémie, c'est clairement un lien entre l'extrême droite et le mouvement conspirationniste, au Canada anglais, mais aussi au Québec», souligne David Morin, cofondateur de l’Observatoire sur la radicalisation et l’extrémisme violent.
«La base, c’est les théories du complot, renchérit Sébastien Roback, chercheur au Réseau anti-haine. C’est l’idée qu’il y a une élite mondialiste qui tente de nous contrôler.»
Ces théories du complot liées à l’extrême droite, explique-t-il, sont les fondements de mouvements comme le Wexit et comme celui des gilets jaunes, mais aussi du mouvement antivaccin, ce qui facilite les échanges d’idées entre les différents groupes.
«C’est une expression de ras-le-bol, décrit-il. Tout ce que ça leur prend, c'est une cause pour s'unir. En 2017, le mouvement s'opposait à une motion contre l'islamophobie à Québec.»
Les mesures sanitaires et le vaccin sont donc en quelque sorte la saveur du moment pour ces groupes, selon ces experts.L’Association canadienne du camionnage (ACA) s’est quant à elle dissociée du convoi, rappelant que la vaste majorité des camionneurs canadiens sont vaccinés.
« L’ACA croit que de telles actions – surtout celles qui nuisent à la sécurité publique – ne sont pas la façon dont les désaccords avec les politiques gouvernementales devraient être exprimés», a fait savoir l’organisation par voie de communiqué.
Alors que les autorités policières se préparent à voir défiler jusqu’à 2000 personnes dans les rues d’Ottawa samedi, les risques de débordements et de violence sont bien présents, selon les deux chercheurs.
«Il y a, dans une partie du mouvement conspirationniste au Canada, une forme d’admiration pour les Américains qui ont attaqué le Capitole», souligne David Morin.
La police d’Ottawa a affirmé être au courant de «propos déplacés et menaçants en lien avec cette manifestation», jeudi.
Nous faisons bon accueil aux manifestations pacifiques. Cela dit, la sûreté publique est primordiale – il y aura des conséquences pour les personnes s'adonnant à des actes criminels, à la violence et à des activités encourageant la haine. #ottawa (2/2)
— Ottawa Police (@OttawaPolice) January 27, 2022
Le 6 janvier 2021, des milliers de partisans du président américain déchu Donald Trump ont violemment pris d’assaut le siège du congrès. Cinq personnes ont perdu la vie.
Cette semaine, dans une vidéo diffusée en direct sur Facebook, un populaire sympathisant néo-nazi a affirmé qu’il «aimerai[t] voir notre propre 6 janvier, voir certains de ces camionneurs défoncer ce mur de 16 pieds».
«Quand tu as des milliers de manifestants qui sont liés à certains mouvements d'extrême droite qui sont réunis au même endroit et qui voient le 6 janvier 2021 comme un exemple, c'est sûr que c'est possible que quelque chose de grave se passe», estime Sébastien Roback.
Selon les données de la Chaire UNESCO en prévention de la radicalisation et de l’extrémisme violents, ce sont quelque 9 % des Canadiens qui adhèrent de façon convaincue à la pensée conspirationniste. Un autre 15% y adhèrent de façon plus modérée. Mais cette proportion risque d’augmenter, craint David Morin.
«On est en train, avec l'émergence de certains partis politiques, de normaliser une forme de désinformation dans la société», déplore-t-il
M. Morin estime que des politiciens canadiens comme le chef du Parti populaire du Canada Maxime Bernier et le chef du Parti conservateur du Québec Éric Duhaime «sont en train de procéder à une transformation de cette idéologie, qui était groupusculaire et marginale, en quelque chose qui est beaucoup plus institutionnel sur le plan politique».
«Et ça,à mon avis, c’est ce qui est le plus préoccupant au moment où on se parle.»