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Sa décision fait l'objet de critiques, car elle pourrait étouffer les critiques.
La décision de la mairesse de Montréal, Valérie Plante, de restreindre l'accès à ses comptes de médias sociaux fait l'objet de critiques, car elle pourrait étouffer les critiques.
Aref Salem, chef de l'opposition officielle à l'hôtel de ville, affirme que Mme Plante et son parti, Projet Montréal, limitent la liberté d'expression des citoyens en bloquant les commentaires sur les plateformes X et Instagram.
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Actuellement, les comptes X de Mme Plante et de Projet Montréal n'autorisent que les commentaires des personnes ou des organisations mentionnées dans les publications de ces comptes. Les commentaires sur les publications Instagram de Mme Plante sont également limités, et il n'est pas possible de l'identifier dans une publication éphémère, ou «story».
L'attachée de presse de la mairesse, Catherine Cadotte, a indiqué dans une réponse écrite à La Presse Canadienne que «l’équipe de la mairesse de Montréal a limité les options de réponse en commentaires sous ses publications sur le réseau social X afin de limiter les propos discriminatoires, violents, racistes, harcelants, haineux, homophobes, irrespectueux, sexistes et diffamatoires que l’on retrouve malheureusement sur la plateforme».
«Bien que l’ensemble des plateformes numériques de la mairesse de Montréal soient des lieux de discussion, il est essentiel que le ton des échanges demeure respectueux», a-t-elle affirmé.
En entrevue avec La Presse Canadienne, M. Salem affirme que les médias sociaux sont l'un des seuls moyens pour les citoyens d'interagir avec la mairesse.
Les citoyens peuvent exprimer leurs préoccupations en personne lors de la période de questions lors des réunions du conseil municipal, mais ils n'ont que 90 secondes pour poser leur question.
«Avoir un fil d'actualité sur les médias sociaux, c'est se connecter avec la population et lui demander son avis, a déclaré le chef de l'opposition. Il faut que ce soit une interaction. Ce n'est pas comme ça que fonctionne la démocratie. Ce n'est pas éthique d'empêcher la population de Montréal d'interagir avec la mairesse.»
M. Salem a soutenu que Mme Plante pourrait plutôt faire face au harcèlement en ligne en bloquant des comptes individuels ou en les signalant à la police. «Quand on décide d'être une personnalité publique, cela va de pair avec le poste, a-t-il déclaré. Quand on veut être représentatif de la population, on doit être représentatif de l'ensemble de la population.»
«Gérer au cas par cas»
Anaïs Bussières McNicoll, directrice du programme des libertés fondamentales à l'Association canadienne des libertés civiles, estime qu'une «interdiction générale des commentaires» constitue une limitation déraisonnable de la liberté d'expression des citoyens. Les élus devraient plutôt évaluer les commentaires inappropriés au cas par cas, selon elle.
«Je dirais que les élus disposant de ressources importantes ne devraient pas avoir le beurre et l'argent du beurre. S'ils choisissent d’avoir accès aux réseaux sociaux et de les utiliser dans le cadre de leurs fonctions, ils devraient également accepter que leurs électeurs puissent vouloir commenter leur travail sur cette même plateforme publique.»
En juin dernier, le gouvernement du Québec a adopté une loi qui prévoit des amendes pouvant aller jusqu’à 1500 $ pour quiconque intimide ou harcèle un politicien, malgré les critiques selon lesquelles cette loi pourrait menacer la liberté d’expression.
Mme Plante n’est pas la première politicienne à bloquer les commentaires sur des comptes de médias sociaux. Des députés fédéraux de tous les partis ont restreint les commentaires sur leurs comptes X, notamment la députée conservatrice Michelle Rempel Garner, le député libéral Adam van Koeverden et la députée néo-démocrate Laurel Collins.
L’année dernière, le bureau de la gouverneure générale a annoncé qu’il fermait les commentaires sur tous ses comptes de médias sociaux en raison d’une «augmentation des propos abusifs, misogynes et racistes sur les médias sociaux et les plateformes en ligne, y compris un plus grand nombre de menaces violentes». La gouverneure générale Mary Simon, première Autochtone à occuper ce poste, a été nommée en 2021.
Bien que la question de la restriction des commentaires n’ait pas reçu une attention généralisée, un débat public considérable a eu lieu sur la question de savoir si les politiciens ont le droit de bloquer des comptes individuels, empêchant ainsi les utilisateurs de voir leurs publications dans leur intégralité.
En 2018, trois résidents d’Ottawa ont réclamé une ordonnance du tribunal déclarant que le maire de l’époque, Jim Watson, avait violé leur droit constitutionnel à la liberté d’expression en les bloquant sur la plateforme de médias sociaux alors appelée Twitter – aujourd’hui X. M. Watson a finalement réglé l’affaire en débloquant tous les comptes et a déclaré qu’il reconnaissait que son flux Twitter était en fait un compte public.
En septembre dernier, un juge de la Cour fédérale a ordonné au ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, de débloquer sur X le fondateur de Rebel News, Ezra Levant, après que la personnalité médiatique de droite a affirmé que le ministre limitait sa capacité à participer à un débat sur des questions d’intérêt public.
Au sud de la frontière, la Cour suprême des États-Unis a statué plus tôt cette année que les représentants du gouvernement qui bloquent les critiques sur les réseaux sociaux peuvent parfois être poursuivis pour violation du premier amendement de la Constitution, sur la liberté d'expression.