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Cette valse sombre a été soigneusement composée sur une feuille de musique de la taille d'une fiche. Ce morceau bref et maussade portait également un nom intrigant, écrit en haut, en cursive: «Chopin».
Une œuvre musicale jusqu'alors inconnue écrite par le maître européen Frédéric Chopin semble avoir été trouvée à la Morgan Library & Museum de Manhattan.
L'œuvre sans titre et sans signature est exposée ce mois-ci dans cette institution luxueusement aménagée, qui était autrefois la bibliothèque privée du financier J. P. Morgan.
Robinson McClellan, le conservateur du musée qui a découvert le manuscrit, a déclaré qu'il s'agissait de la première nouvelle œuvre associée au compositeur de l'ère romantique à être découverte depuis près d'un siècle.
Mais M. McClellan concède qu’on ne saura peut-être jamais s’il s’agit d’une œuvre originale de Chopin ou simplement d’une œuvre écrite de sa main.
La pièce, écrite dans la tonalité de la mineur, se distingue par sa «section d’ouverture très orageuse et maussade» avant de passer à une mélodie mélancolique plus caractéristique de Chopin, a expliqué M. McClellan.
«C’est son style. C’est son essence, a-t-il déclaré lors d’une récente visite au musée. On sent vraiment qu’elle lui ressemble.»
Robinson McLellan dit avoir découvert l’œuvre en mai alors qu’il parcourait une collection de feu Arthur Satz, ancien président de la New York School of Interior Design. M. Satz l’avait acquise auprès d’A. Sherrill Whiton Jr, un collectionneur passionné d’autographes qui avait été directeur de l’école.
M. McLellan a ensuite travaillé avec des experts pour vérifier son authenticité.
Le papier s’est avéré conforme à ce que Chopin préférait pour les manuscrits, et l’encre correspondait à un type d’encre typique du début du XIXe siècle, à l’époque où Chopin vivait, selon le musée. Mais une analyse graphologique a permis de déterminer que le nom «Chopin» inscrit en haut de la feuille avait été écrit par quelqu’un d’autre.
Né en Pologne, Frédéric Chopin était considéré comme un génie musical dès son plus jeune âge. Il a vécu à Varsovie et à Vienne avant de s’installer à Paris, où il est décédé en 1849 à l’âge de 39 ans, probablement de tuberculose.
Il est enterré parmi un panthéon d’artistes au célèbre cimetière du Père-Lachaise de Paris, mais son cœur, mariné dans un bocal d’alcool, est hébergé dans une église de Varsovie, conformément à son souhait sur son lit de mort de voir l’organe revenir dans son pays natal.
Artur Szklener, directeur de l’Institut Frédéric Chopin de Varsovie, la capitale polonaise où le compositeur a grandi, a convenu que le document correspondait aux types d’encre et de papier que Chopin utilisait pendant ses premières années à Paris.
Musicalement, la pièce évoque le «style brillant» qui a fait de Chopin une sommité à son époque, mais elle présente également des caractéristiques inhabituelles pour ses compositions, a indiqué M. Szklener.
«Tout d’abord, il ne s’agit pas d’une œuvre complète, mais plutôt d’un certain geste musical, un thème entrecoupé de tours de piano assez simples faisant allusion à un style virtuose», a expliqué M. Szklener dans une longue déclaration publiée après la révélation du document le mois dernier.
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D’autres experts et lui supposent que la pièce pourrait avoir été un travail en cours. Il se peut aussi qu’il s’agisse d’une copie de l’œuvre d’un autre, ou même d’une coécriture avec quelqu’un d’autre, peut-être un étudiant pour un exercice musical.
Jeffrey Kallberg, professeur de musique à l’Université de Pennsylvanie et expert de Chopin qui a aidé à authentifier le document, a qualifié la pièce de «petit bijou» que Chopin avait probablement prévu d’offrir à un ami ou à une riche connaissance.
«Beaucoup des pièces qu’il offrait en cadeau étaient courtes – un peu comme des "amuse-gueules" pour une œuvre complète», a déclaré M. Kallberg dans un courriel.
«Et nous ne savons pas avec certitude s’il avait l’intention que la pièce voie le jour, car il écrivait souvent la même valse plusieurs fois en guise de cadeau.»
David Ludwig, doyen de la faculté de musique de la Juilliard School, un conservatoire des arts du spectacle de Manhattan, a reconnu que la pièce présentait de nombreuses caractéristiques du style du compositeur.
«Elle a le caractère très lyrique de Chopin et elle a aussi un peu de noirceur», a souligné M. Ludwig, qui n’a pas participé à l’authentification du document.
Mais M. Ludwig a noté que, si elle est authentique, la partition, composée avec précision, serait l’une des pièces les plus courtes connues de Chopin. La valse dure moins d’une minute lorsqu’elle est jouée au piano, comme le voulaient de nombreuses œuvres de Chopin.
«En termes d’authenticité, cela n’a pas d’importance, car cela stimule notre imagination, a soutenu M. Ludwig. Une découverte comme celle-ci met en évidence le fait que la musique classique est une forme d’art bien vivante.»
L'annonce de cette possible œuvre inconnue de Chopin survient alors que les bibliothèques municipales de Leipzig, en Allemagne, ont révélé en septembre avoir découvert dans leurs collections une pièce jusqu'alors inconnue, probablement composée par un jeune Wolfgang Amadeus Mozart.